CHAPITRE 9.1 * JAMES
DEPART
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J.L.C
♪♫ TAKE ME OUT — FRANZ FERDINAND ♪♫
Une nuit dans ses bras, voilà ce qu’elle me propose. Je n’en reviens pas. Elle ne veut pas que je parte. C’est tout ce que j’avais espéré, sans vraiment oser y croire. Je me suis à la fois soulagé et nerveux. D’habitude, je suis celui qui contrôle, qui sait exactement quoi faire et quoi dire. Mais avec elle, tout est différent, depuis le commencement. Il y a cette alchimie, cette connexion, que je ne comprends pas totalement mais qui m’attire comme un aimant. Quand elle m’a regardé avec cette vulnérabilité dans les yeux, j’ai su que quelque chose de profond était en jeu.
Je connais mes sentiments pour elle, mais elle, le sait-elle seulement ?
Je me sens à la frontière de deux mondes. Celui où je peux rester, me laisser emporter par ce que je ressens, par ce que je désire, regarder vers l’avenir, et celui où je dois partir, la laisser avancer sans moi, éviter de la détruire en la plongeant dans le chaos de mon passé. J’ai déjà fui. Je ne veux pas que ça se reproduise.
Ses mots, “reste avec moi cette nuit”, tourne en boucle dans ma tête. J’ai vu le doute dans ses yeux, mais aussi autre chose. Elle en a envie, réellement envie. Mais pour l’instant, elle ne sait pas encore tout ce que j’ai fait, tout ce que je suis, tous les démons que je traîne. Putain de dilemne. Cette pensée me traverse l’esprit comme un éclair, m’illuminant brièvement avant de se perdre dans l’obscurité de mes doutes. En regardant Victoria, je vois quelqu’un qui se bat avec ses propres émotions, quelqu’un qui cherche la vérité malgré le chaos que je représente. Elle est là, devant moi, prête à m’offrir une nuit, une chance de réécrire notre histoire. La question qui me tourmente est : suis-je capable de lui donner ce qu’elle mérite ? D’empêcher mes démons de tout détruire une seconde fois? Ai-je le droit de la vouloir ? De l’aimer ?
Alors que ces réflexions tourbillonnent dans mon esprit, je vois Victoria se lever et se diriger vers la table du fond. Elle récupère quelques sacs en papier ornés de rubans colorés, probablement des cadeaux de ses amis. Elle attrape également sa veste en cuir, négligemment jetée sur un fauteuil. C’est celle que je lui ai tendue plus tôt dans la soirée lorsque je l’ai rejoint sur le rooftop. Je me souviens que c’est la fille en robe rose, Nina, je crois, qui me l’avait remise juste au moment où j’ouvrai la porte du toit-terrasse. Elle avait l’air de savoir exactement ce qui se passait. Surement avait-elle assisté à toute la scène, et compris que Victoria était partie se réfugier dehors. Peut-être venait-elle la réconforter ? Dans tous les cas, elle m’avait tendu la veste en cuir avec un regard entendu, elle avait presque semblé me transmettre un message muet : “Prends soin d’elle”. Je me demande si Nina a perçu ce que je n’arrive pas encore à saisir complètement : la profondeur des sentiments que Victoria pourrait avoir pour moi et ce que cela pourrait signifier pour notre avenir. Il n’y a qu’une chose à faire pour le découvrir.
Victoria se penche à nouveau sur une des tables, où elle récupère la carte que je lui ai écrite. En la prenant, elle la regarde un moment, comme si elle essayait de se souvenir de chaque mot inscrit. Le simple fait qu’elle prenne le temps de la reprendre me touche plus que je ne veux l’admettre. Ces yeux parcourent les mots simples, mais sincères, que j’ai écrit quelques heures plus tôt. Peut-être en prend-elle toute la mesure en ce moment précis, alors qu’elle s’apprête à quitter le club. Elle glisse la carte dans l’un des sacs-cadeaux et se tourne vers moi avec un regard qui mélange à la fois gratitude et amusement.
- “Tu peux m'aider avec les sacs, s'il te plaît ?’ me demande-t-elle.
Je lui fais un sourire en les lui prenant des mains. Puis, je la regarde ramasser quasiment toutes les bouteilles vides présentes sur les tables. Sur le moment, je me demande si elle a l’intention de les emporter elle-même ou si elle fait juste le ménage de manière un peu excessive. Est-ce qu’ils n’ont pas de personnel pour ça ici ? En attendant, j’ai le droit à un aperçu de ses longues jambes élancées et le loisir de regarder son décolleté de rêve quand elle se baisse. Je n’ai pas pu voir sa poitrine tout à l’heure. Je me promets d’y remédier, plus tard. Enfin, si elle m’y autorise bien sûr. Putain, non, il faut que j’arrête de penser avec ma queue bon sang !
Victoria poursuit son chemin avec une détermination surprenante. Je ne peux m’empêcher de remarquer la façon dont sa robe, qui remonte légèrement à cause de ses bras encombrés par les bouteilles, épouse parfaitement sa divine silhouette. Elle se dirige vers les escaliers avec une sorte de pragmatisme tranquille. Une partie de moi craint qu’elle ne rate une marche, faisant dégringoler les bouteilles et qu'elle se blesse au passage. Mais non, ses pas sont assurés. Elle franchit les dernières marches sans encombre, son équilibre reste impeccable malgré la charge et ses talons.
Il y a encore pas mal de monde sur la piste de danse, bien que l’énergie ait diminué comparée à quelques heures auparavant. Je me demande jusqu’à quelle heure le club reste ouvert un dimanche - ou plutôt lundi déjà. 2 heures ? 3 heures ? Il est environ 1h30. Je le sais parce que mon portable a vibré il y a quelques minutes : ma sœur m’a envoyé un smiley clin d’œil. En réponse, je lui ai envoyé un smiley doigt d’honneur. “Attends que je rentre, on aura une petite conversations, petite soeur”, m’étais-je dis.
Victoria traverse maintenant la piste de danse, se frayant un chemin à travers les corps qui continuent de bouger au rythme de la musique. Je fais de mon mieux pour l’aider à se frayer un passage parmi la foule qui se presse encore sur la piste, essayant d’éviter les collisions. Ses mouvements sont fluides, presque gracieux. On dirait presque qu’elle est habituée à faire ça. Je m’interroge. Quand elle atteint le bar, je m’attends à ce qu’elle dépose les bouteilles sur le comptoir, mais contre toute attente, elle passe derrière avec une aisance familière. La barmaid, la brune qui jonglait avec les bouteilles en début de soirée, ne semble pas surprise.
- “T’aurais dû laisser tout ça là-haut, on s’en serait occupé !” lui dit-elle avec un sourire en coin tandis qu’elle récupère une bouteille de vodka sur le point de tomber.
Victoria lui tire la langue et réplique amusée :
- “Je fais ce que je veux, c’est mon anniversaire !”
Puis elle la contourne sans attendre et marche droit vers l'escalier situé à droite, les bouteilles toujours en équilibre dans ses bras. La barmaid se retourne vers elle et lui dit encore quelque chose que j’ai du mal à entendre à cause du bruit ambiant. Je crois comprendre le mot “beau-gosse” suivi du rire de Victoria. Et les deux disparaissent. Alors que Victoria remonte quelques minutes plus tard, je suis accolé à la cloison qui délimite les vestiaires, ses sacs toujours en main. Je la vois rajuster sa robe et s’attacher rapidement les cheveux en un chignon lâche. Elle est essoufflée : ses joues sont légèrement colorées et ses lèvres entre-ouvertes. Putain, qu’elle est belle, avec ses quelques mèches folles qui s'échappent de sa coiffure.
- “Attends-moi ici. J’ai vu Sacha sur la piste, je vais le prévenir qu’on part”, me dit-elle en souriant.
Je la regarde s’éloigner, incapable de détourner les yeux. Cette putain de robe lui va à ravir. J’ai hâte de la lui enlever, je ne peux plus m’empêcher d'y penser ! Le bijou dans son dos se balance au rythme de ses pas. C’est super sexy. Il y a quelque chose d’irrésistible dans la façon dont elle se déplace, dans la légère ondulation de ses hanches, de ses fesses. Même dans cette foule animée, elle dégage une présence qui attire tous les regards. S’en rend-elle compte ? Certainement.
Bientôt, je ne vois plus que le sommet de sa tête. On dirait que quelqu’un la prend dans ses bras. Sacha ? Surement. Il a l’air sympa, malgré ses boutades à répétitions. “Trouvez-vous un lit à la fin” avait-il lancé avec un sourire en coin une fois. “Comme si j'y avais pas déjà pensé putain !”, ne lui avais-je pas répondu. Le gars avait l'air aussi affamé que moi, envoyant des œillades insistantes à une jolie blonde, Laurie, la cousine de Victoria. Elles se ressemblent beaucoup, dans leurs traits et dans leur manière de se mouvoir.
Soudain, une présence masculine se matérialise à mes côtés. Je tourne la tête légèrement et aperçois le type qui m’a dit de rejoindre Victoria sur le toit-terrasse. Je le reconnais immédiatement : c’est celui qui apparaît souvent sur ses photos Instagram. C’est le type avec qui elle baise ? Putain de merde ! Un gars aux allures de mâle alpha, avec ce charme assuré qui semble lui permettre de se faufiler dans toutes les scènes sociales. Il est aussi grand que moi, avec une stature imposante qui le place à l’évidence en tête de la hiérarchie ici. Mon estomac se noue, ma mâchoire se serre, et mon poing menace de se ruiner sur sa tronche. Je m’efforce de me détendre, conscient que je ne sais rien de lui, ni d’eux et que ce ne sont que des spéculations. Mais la jalousie me surprend et me bouleverse.
- “Tu rentres avec elle ?” me demande-t-il, le regard direct, implacable.
- “Pourquoi tu veux savoir ?”, je riposte, ma voix chargée de défi malgré le tremblement d’émotion que je peine à cacher.
Mes muscles sont tendus, chaque fibre de mon être prête à exploser. Faut que je reste calme putain ! Il se tient là avec une présence presque écrasante, une assurance qui frôle la provocation. Sa dégaine est celle d’un homme qui est habitué à obtenir ce qu’il veut et sa posture ne fait qu’ajouter à la tension. Ses mains sont enfoncées dans ses poches et il se déplace avec une certaine désinvolture, comme s'il régnait sur les lieux et que tout lui appartenait. Putain, c’est qui ce connard ?!
- “Je sais qui tu es, James. Je sais ce que tu lui as fait. Tu n’as aucune idée de l’état dans lequel tu l’as mise. Elle ne mérite pas de souffrir. Il lui faut un homme.”
Il a raison. Mais ce putain de sourire suffisant me hérisse les poils. Une vague de frustration et de colère m’envahit, mes pensées se brouillent sous l’effet de l’adrénaline. J’ai envie de le frapper, de faire sortir cette rage qui monte. Mais je me force à contrôler ma réaction, conscient que l’agression ne me mènera nulle part. Ce gars a raison sur un point : je n’ai aucune idée de l’état dans lequel elle était. Je sais juste que je dois faire face à la réalité.
Ses yeux, d’un bleu perçant, brillent d’une confiance glaciale. Je lui renvoie ce même regard.
- “Comme toi par exemple ?” je réponds du tac au tac, essayant de cacher la tempête émotionnelle qui se déchaîne en moi.
Le type hausse les épaules avec une nonchalance désinvolte en se tournant légèrement pour me faire face. Sa réplique suivante est comme un coup de couteau, une lame acérée qui s’enfonce dans ma chair :
- “Victoria baise comme une déesse, pas vrai ?”
Putain de merde. Il baise avec elle.
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