CHAPITRE 10.1 * VICTORIA

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TOME 1

24H POUR SE RETROUVER


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PARTIE 2

A COEURS OUVERTS




REVELATIONS

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V.R.S.de.SC

♪♫ FADE INTO YOU — MAZZY STAR ♪♫

L'air frais de la nuit m'enveloppe alors que nous sortons du club, James et moi, nos affaires en main. La température a encore chuté, rien n’anormal pour une fin de mois d’octobre. La brise est vive, perçant à travers ma veste, mais je ne m'en plains pas. J'aime cette sensation de froid qui contraste avec la chaleur suffocante des soirées d'été. Voilà pourquoi l’automne est ma saison préférée.

Premièrement, ça veut dire que l’été est officiellement fini. Quand les journées fraîches refont leur apparition, c’est un véritable soulagement. Je sais que tout le monde adore l’été, mais pas moi ! Trop chaud. Trop lourd. Oppressant. On étouffe sous cette chaleur moite qui colle à la peau et rend chaque mouvement pénible. Rien que d’y penser, ça m’agace. D’autant plus que c’est souvent une période travaillé pour moi et que ça m'épuise à n'en plus finir. Et la transpiration ! Dès que j’ai eu suffisamment d’économies, je me suis payé une épilation définitive, et ça a changé ma vie. Les séances de bronzage, très peu pour moi. Je ne comprends pas le principe de rester étendu au soleil comme un steak dans une poêle. Non, ce que je préfère, c'est me glisser dans le hamac à l’ombre du grand chêne dans le parc du château de mes parents, avec un chapeau de paille sur la tête et un bouquin dans la main.

A la limite, la seule pensée agréable concernant l’été, c’est l’eau. Me glisser dans une piscine fraîche ou plonger dans la mer cristalline, c’est comme renaître. J’adore la sensation de l’eau qui enveloppe le corps, qui efface tout le reste : la chaleur, les soucis, même le bruit du monde. C’est comme si, sous la surface, le temps s’arrêtait. Je pourrais passer des heures à nager, flotter, sentir les vagues me porter… Ce silence-là, cette légèreté-là, c’est mon seul vrai plaisir estival.

Deuxièmement, l’automne est une saison empreinte de nostalgie. J’ai toujours eu un tempérament mélancolique, la saudade coule dans mes veines, héritage doux et poignant de mes origines maternelles. Cette sensation qui vous fait à la fois regretter le passé et chérir le présent, c'est ça l'automne pour moi. Les feuilles qui tombent, enroulées dans leurs nuances d’or et de cuivre, sont comme les souvenirs qui se détachent doucement du fil du temps. C'est une saison qui me rappelle que tout, même les moments les plus précieux, est voué à changer, mais que dans ce changement réside une beauté poignante.

Troisièmement, c’est la dernière ligne droite avant Noël. J’adore cette fête familiale et chaleureuse : l’excitation de chercher les cadeaux parfaits pour mes proches : la décoration des sapins de Noël — le mien, celui de mes parents, et parfois même ceux de mes amis. J’adore fabriquer mes propres décorations maison et confectionner des bougies à la cannelle, mon parfum préféré. Je cuisine des biscuits et me prépare des chocolats chauds que je sirote sur mon canapé, emmitouflée dans un plaid douillet. Rien que d’y penser, j’en salive déjà !

Et dernièrement, c'est une période de transition, où tout semble prêt à se transformer. Le renouveau, pour moi, commence toujours à l'automne, bien plus qu'au printemps. Septembre marque le début de nouvelles routines, de nouveaux projets, et de nouvelles opportunités. Si les agendas commencent en septembre, ce n’est pas pour rien !

Je prends une profonde inspiration, laissant l'air frais remplir mes poumons, et je ne peux m'empêcher de sourire. C'est cette période de l'année qui me donne l'impression de tout pouvoir recommencer, de tout pouvoir réinventer. Chaque fois que l’automne revient, je me sens plus ancrée, plus en phase avec moi-même.

James marche à mes côtés. Nos pas résonnent doucement sur le trottoir, et malgré le froid, il y a une chaleur familière entre nous, une promesse de ce qui pourrait être, ou peut-être simplement l'écho de ce qui a été. Je lui jette un coup d'œil. Il est silencieux, mais je sais qu'il réfléchit, tout comme moi.

Leslie n’était plus là quand nous sommes sortis, ce qui veut dire que Mati l’a bien veillé à ce qu’elle monte dans l'Uber. Tant mieux, si James n’était pas là, je serais rentrée avec elle.

James est pensif, les sourcils légèrement froncés. J’aimerais connaitre le fil de ses pensées. Regrette-t-il d’être resté avec moi ? Ses mains enfouies dans ses poches, il avance avec cette démarche à la fois féline et assurée. C’est un séducteur, peut-être même un prédateur – je l'ai su dès notre première rencontre.

On arrive au point de rendez-vous. Un Uber nous attend. On s'engouffre à l’intérieur, j’indique au chauffeur mon adresse, il la tape sur son tableau de bord et paramètre son téléphone. Il y en a pour moins de quinze minutes à cette heure-ci.

À l’intérieur de la voiture, aucun de nous ne dit rien. Je regarde par la vitre les lumières de ma ville, leurs reflets se mélangeant aux ombres nocturnes. James fait de même, son regard fixé sur l'extérieur. L'air est saturé de non-dits. Les minutes passent et l'atmosphère dans l’habitacle est étrangement lourde. Le vrombissement du moteur est le seul fond sonore, un contraste frappant avec la musique et les rires du club.

Soudain, James pose sa main sur mon genou, un geste simple et clair, pourtant chargé de sens : “Je suis là”, ne me dit-il pas. Son regard est toujours rivé à la vitre, mais cette caresse légère me rassure. Une chaleur douce et inatendue se propage depuis ce point de contact, comme si sa présence était un ancrage dans cette nuit agitée. Je me tourne à nouveau vers la fenêtre, regardant les rues familières défiler. Chaque angle, chaque arbre, chaque façade, chaque feu de signalisation sont des repères dans cette ville que je connais pas coeur. C’est chez moi, ici, à Toulouse, où je vis depuis ma première année de fac, moins celle que j’ai passée à Lisbonne en Erasmus.

On arrive au coin de ma rue. Le chauffeur s’arrête. Je ne donne jamais l’adresse exacte de chez moi, mais indique toujours une adresse quelques centaines de mètres plus loin. Par prudence. Je tends mon téléphone pour le paiement de la course et, après avoir remercié le chauffeur, James et moi descendons du véhicule en lui souhaitant une bonne soirée.

On marche côte à côté jusqu'au portail de ma résidence, toujours silencieux. Petit à petit, je commence à sentir le stress monter. Sa présence ce soir est pleine de sous-entendus. On entre dans la petite copropriété, mon appartement se situant au deuxième et dernier étage d’une ancienne mansarde toulousaine datant des années 30.

Je n’ai que quatre voisins : Coralie, une infirmière trentenaire qui vit avec ses deux chats Bambou et Moka ; et le vieux couple de propriétaires, qui réside au rez-de-chaussée, Claudine et Alain Lafargue, avec leur épagneul breton, Scout, ainsi que six poules et leurs quatre lapins.

Pour accéder chez moi, il faut d’abord franchir le portail sécurisé, longer l’allée gravillonnée qui donne sur la façade sud de l’immeuble devant la propriété, puis traverser la cour intérieure. Une partie est aménagée en terrasse ombragée, l'autre sert de parking pour trois voitures, dont la mienne. Ensuite, il faut contourner la maison par la gauche pour atteindre l’escalier extérieur qui mène à l’étage. Ma porte est celle de gauche, mon appartement étant celui qui donne sur le jardin à l’arrière.

James est déjà venu chez moi, il y a quelques mois. Pourtant, j’ai l’impression que c’était il y a une éternité. Tandis qu’il se tient derrière moi,les bras chargés des cadeaux ramenés du club, je fouille dans ma sacoche pour trouver la clé de chez moi.

J’adore mon appartement et c’est une aubaine de l’avoir déniché. Tout y a été refait à neuf il y a une dizaine d’années, pour transformer l’ancien étage en habitation avec cuisine et salle de bain. Depuis que j’y ai emménagé l’été dernier, je prends plaisir à le redécorer à mon goût. Quand James y est venu la dernière fois, j’y vivias depuis trois semaines. Je crois même qu’il restait encore des cartons dans le salon. Depuis, j’ai eu le temps de personnaliser et de m’approprier mon intérieur.

Grandir dans un château avec d’innombrables pièces m’a sans doute aidée à développer un sens aiguisé pour la décoration intérieure. Je me suis même demandée un jour si ça ne pourrait pas devenir ma vériable vocation. Chaque pièce de mon appartement est soigneusement agencée, chaque objet a sa place. J’aime créer des ambiances uniques, jouer avec les couleurs et les textures pour que chaque espace reflète une part de moi-même. Pour moi, la décoration est un moyen de transformer un lieu en un havre personnel, un endroit où l’on se sent vraiment chez soi.

J’ouvre la porte de chez moi et pénètre dans l’entrée. James m’emboite le pas et referme derrière lui. J’enlève ma veste et la dépose sur le porte-manteau mural. Je me baisse pour déboucler la bride de mes talons et les laisse là. Je les rangerai plus tard.

— “Il faut que je me change”, je lance avec un soupir. “Je ne supporte plus d’être dans cette robe.”

Je jette un coup d'œil à James en prononçant ces mots. Une lueur de déception traverse brièvement ses yeux. Oh ?

— Mets-toi à l’aise et, s’il te plait, enlève tes chaussures. Si tu as soif, regarde dans le frigo, il doit y avoir de l’eau, des sodas et peut-être une Corona. Si tu as faim, tu peux fouiller dans les placards ; je ne suis pas certaine de ce qu’il me reste.”

Je lui adresse un sourire rapide en posant mon sac sur le canapé.

— “Je n’en ai pas pour longtemps”, je précise.

Tout en lui disant ça, je me glisse dans ma chambre pour récupérer des sous-vêtements et mon peignoir. Quand j’entre dans ma salle de bain, James est en train de déposer les sacs-cadeaux sur ma table basse. Je m’engouffre à l'intérieur en fermant la porte. Je me débarrasse de ma robe et de mes sous-vêtements en les envoyant valser dans le panier à linge. J’attrape un gant de toilette sous le meuble du lavabo et entre dans ma douche. Je n’ai pas le courage de me doucher intégralement, mais je me fais quand même une toilette sommaire. Je sens l’alcool imprégner ma peau, la rendant poisseuse et parsemée de paillettes. L’eau chaude apporte un soulagement temporaire, mais elle peine à dissiper l’anxiété qui s’accumule en moi. James est ici, maintenant, avec moi…

C’est l’heure de vérité ou bien celle des sentiments ? Dois-je l’affronter ou me laisser aller ? Discuter ou faire l’amour ? Parce que je brûle pour lui, toujours, encore. Jouer cartes sur table nous permettrait de saisir la réalité de notre situation. Mais nous perdre dans le plaisir pourrait nous rapprocher et nous redonner du souffle. Rester dans la confusion ou choisir la clarté, je ne sais que faire. Aimer et être aimer est peut-être un réconfort temporaire que je désire ardamment,mais ça ne résoudra pas mon conflit intérieur. Je ne souhaite rien d’autre que me reoncilier avec James, mais jai tant de questions qui me taraude... Mon corps, ma tête et mon cœur se dispute la part du lion.

Mais je me rappelle que je suis une guerrière prête à entrer dans l’arène pour obtenir les réponses que je cherche. Je suis décidée à me battre, à le conquérir sur tous les fronts. Peut-être qu'il me faudra dévorer les doutes et les secrets, que ce soit avec une finesse stratégique ou une passion débridée. Ce soir, je choisis la confrontation, armée de ma détermination, prête à embrasser la vérité, quel qu'en soit le prix.

Je sors de la douche, m’enroule dans ma serviette de bain bleu et attrape ma brosse à dents. Quand j’ai terminé, je défais mes cheveux, les brosse rapidement et les rassemble en une queue de cheval haute. Je finis en me passant une lingette démaquillante sur le visage, zappant mon rituel beauté habituel. Ce soir, d’autres priorités s’imposent. J’enfile une brassière blanche et un short de pyjama beige. En regardant ma hanche, je remarque un bleu. Est-ce que je me suis cognée quelque part... James.

Le souvenir de nos ébats me revient avec une clarté saisissante. Je sens encore ses mains qui recouvrent chaque parcelle de mon corps, mettant mes sens à vif. Je me rappelle sa bouche et sa langue explorant les replis de mon corps, de mon âme... ses baisers dans le creux de mes seins, dans mon cou, derrière mon oreille… Une vague d’excitation renait au fond de mon ventre. Je me drape précipitament dans mon peignoir en satin blanc. Non, je ne céderai pas… Enfin, je crois...

Avant de sortir, je me regarde dans le miroir. Même rafraichie, j’ai les traits tirés, la fatigue qui se lit dans mes yeux révèle les séquelles de la soirée. Peu importe, c’est moi, au naturel, dans toute ma vérité !

Je sors de la salle de bain et me dirige vers le salon, où James est déjà installé sur le canapé, les chaussures retirées comme demandé. Il feuillette distraitement le livre laissé sur la table basse : Le Diable au Corps de Radiguet. Lorsqu’il lève les yeux vers moi en fermant doucement le volume, je reste figée sur place. Le temps semble suspendu. En rentrant chez moi, je me suis demandé si cette soirée n’était qu’un rêve. Mais ce n’en est pas un... James est bel et bien là, dans mon petit cocon, envahissant mon espace personnel. Et cette réalité me bouleverse plus que je ne veux l’admettre.

Un sourire à peine perceptible, mais clairement marqué par une séduction conquérante se dessine sur ses lèvres. Il s’affaisse dans le canapé avec une décontraction calculée. Les contours de ses bras se dessinent nettement sous la chemise, accentuant chaque muscle. Mon pouls s’emballe et je déglutis, mes lèvres devenant soudainement sèches. Je passe ma langue dessus, essayant de dissimuler... dissimuler quoi exactement ? Ma nervosité ? Je chasse cette pensée irrationnelle. Ce n’est pas comme s’il était un étranger, ni comme si je n’avais pas exploré chaque parcelle de sa peau.

En réalisant que je fixe ses bras avec insistance, je lève soudain les yeux. Il arque un sourcil interrogateur, puis, lentement, me détaille de la tête aux pieds avec un regard à la fois arrogant et gourmand. Je prends conscience que je suis à moitié dénudée : mes jambes, mes cuisses et mon ventre sont complétement exposés. Non, non, non, non, non. Je referme les pans de mon peignoir et l’attache précipitament. Il faut qu’on parle, pas qu’on… Je fais une pause, mettant fin à cette pensée qui se heurte à ma résolution.

Le silence s’étire avant que James ne le rompe doucement :

— “C’est un livre intéressant”, dit-il doucement.

Je ne suis pas certaine qu’il s’agisse d’une question ou d’une affirmation. Ses yeux, brillants d’une curiosité presque féroce, restent rivés sur moi. Ce contact visuel me trouble, me mettant dans une situation inconfortable mais excitante à la fois.

— “Oui”, dis-je, incertaine que ce mot ait une signification quelconque pour lui. Je me remets en selle : “Tu t’es servi quelque chose ?” je lui demande en me dirigeant vers le coin cuisine.

— “Non, merci, ça va aller”, je l'entends me répondre dans mon dos.

— “Tu es sûr ?, j’insiste.

Pas de réponse.

Moi, j’ai besoin d’un verre d’eau glacé. J’en prends un dans le placard et le place sous le distributeur automatique de mon frigo. J’ouvre la porte, attrape un citron jaune, le pose sur le plan de travail. Puis je sors un couteau en céramique du tiroir et découpe deux tranches que je laisse tomber dans le verre. En me retournant, ma boisson en main, je m’appuie contre le meuble derrière moi, respirant profondément pour me donner du courage.

— “Qu’est-ce que ça veut dire au juste pour toi : Bonne Continuation ?

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