CHAPITRE 10.2 * VICTORIA

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V.R.S.de.SC

♪♫ LORD IT’S A FEELING — LONDON GRAMMAR ♪♫

Qu’est-ce que ça veut dire au juste pour toi : Bonne Continuation ?

Ma réplique est aussi claquante qu’un coup de fouet. À peine les mots ont-ils quitté mes lèvres que je regrette presque leur brutalité — ils se sont échappés avant même que je comprenne ce que je disais.


L’homme qui me fait face trésaille, désarçonné par la dureté de ma voix. Son allure décontractée se fissure, et il s'enfonce dans le canapé, adoptant une posture plus défensive, presque abattue. Nous savions tous les deux que ce moment allait arriver ; la confrontation était inscrite dans nos silences.


Il semble en quête de mots, un mélange de regret et d'incompréhension traverse ses traits. Sa bouche s’entrouvre, prête à lancer une réplique… mais rien. Se penchant vers l’avant, les coudes appuyés sur les genoux, il cache son visage dans ses mains.


Je prend une gorgée de mon eau citronnée, avec une satisfaction que je réprouve tout autant que je la savoure ; une part de moi brûle de voir jusqu’où il ira pour justifier ce qui nous a menés là.


J’entends sa respiration devenir plus lourde, un souffle entrecoupé de courts silences, comme s’il s’efforçait de trouver les mots justes, ceux qu’il garde encore enfouis.


— “C’était juste un message à la con... J’ai pas réfléchi.”


Sa voix est basse, presque résignée, et il relève la tête avec une expression que je n’aurais pas su imaginer en lui : un mélange de tristesse et de regret.


— “Les mots ont un sens, James.”


Mon ton est calme, mais inflexible.


— “Quel était le sens de “bonne continuation” ?


Chaque syllabe appuie là où je sais que ça fait mal.


— “J’en sais rien” murmure-t-il.


Il croise mon regard, et le scepticisme sur mon visage — mes sourcils levés, mes lèvres serrées — semble le faire basculer. Il passe une main dans ses cheveux, rejette la tête en arrière, et laisse échapper un long soupir. Puis, lentement, il se lève, retire sa veste, la pose sur la chaise haute, et vient me rejoindre dans le coin cuisine. Je perçois sa vulnérabilité à nu, et malgré ma volonté, une part de tendresse s’éveille, mais je m’efforce de l’ignorer.


— “J’ai peut-être été maladroit…”


Sa voix fléchit.


— “Mais après ce que j’ai fait, y’avait plus rien à dire. J’ai compris que je devais renoncer… te laisser partir et...”


Il laisse sa phrase en suspens, comme s’il s’accrochait aux mots qu’il ne sait comment prononcer. J’essaie de déchiffrer son expression, de deviner ce qu’il peut bien penser. Comment peut-il dire qu’il n’y avait rien d’autre à dire ? Il m’a envoyé une déclaration, une bombe qui appelait une réponse, une suite. J’ai essayé de la lui donner. Je lui ai demandé de me rappeler. Je l’ai rappelé. Je prends une inspiration profonde, tentant de calmer la frustration qui bouillonne en moi.


— “Je ne comprends pas. Comment tu as pu croire que c’était la meilleure chose à faire ? Tu m’as laissée avec plus de questions que de réponses. Tu m’as fait croire des choses que tu ne pensais même pas...”


Il me coupe d’un ton tranchant, son regard fixé dans le mien, la mâchoire crispée :


— “Je pensais chaque mot que je t’ai dit”.


Un rire sec m'échappe, court et acide. C'est une réaction nerveuse, une manière de masquer la boule d’émotions qui se forme dans mon ventre. C'est la façade que j'érige pour cacher la colère brûlante et la vague de ressentiment qui montent en moi, prêts à éclater. Mon regard se durcit, un mur de glace chargé de non-dits. Son visage se déforme sous le poids de ses regrets, mais je n'en ai cure. Je me fiche qu’il ai le cœur brisé !


Il fait un pas vers moi. Je le fixe avec méfiance, les épaules rigides, incapable de céder à la proximité.


— “Ce n’était pas mon intention de te blesser, ni de te faire croire que je me foutais de toi…, avoue-t-​​​​​​​il d’une voix vacillante, presque suppliante.


— “Alors, qu’est-ce que c’était, James ?”


La mienne s’élève, aiguë, chargée de douleur et de désespoir.


— “Parce que ça ressemblait clairement à un adieu. Tu as joué avec mes sentiments, tu m’as laissée en plan, comme si tu...”


Je cherche mes mots, la gorge nouée et je reprends :


— “ Comme si tu regrettais ce que tu m’avais avoué et que tu faisais machine arrière”.


Je repose mon verre avec plus de force que je ne l’aurais voulu, me penche contre le comptoir, lui tournant le dos un instant pour reprendre mes esprits.


— "C’est pas ça”, murmure-t-il derrière moi. “Je ne regrette pas ce que je t’ai dit. C’était la première fois de ma vie où j’étais aussi sûr de moi... et de ce que je voulais vraiment”.


— “Alors pourquoi ? Pourquoi ce message si déroutant ? Pour qu’ensuite tu me laisses dans une attente interminable pour finalement me jeter un “bonne continuation” à la figure !


Je me retourne pour le regarder, mes yeux brûlants d’indignation.


Il ferme les paupières, son visage se fige un instant. Ses épaules se tendent, puis s’affaissent lentement, comme si la lutte intérieure le dépassait. Il détourne le regard.


— “Tu voulais vraiment que j’oublie tout ?"


Il se déporte vers le centre de la pièce, mettant un peu plus de distance entre nos corps et, nos esprits.


— “Oui… Non...”


Il secoue la tête, désemparé.


— “Putain, Vi, tu ne comprends pas...”


— “Alors explique-moi !”, j’éructe.


C’est plus qu’une demande ; c’est un ultimatum.


James semble perdre ses repères, ses mains passent frénétiquement dans ses cheveux. Je ne l’ai jamais vu dans cet état. C’est déstabilisant, et une angoisse sourde se love au creux de mon ventre. Je suis déchirée entre le besoin d’obtenir des réponses et l’envie d’en finir avec cette conversation stérile. La vérité semble à portée de main, mais James reste figé, s’enlisant dans ses contradictions. Il se retranche derrière ses défenses, campe sur ses positions, comme s’il redoutait de mettre des mots sur ce qu’il n’ose admettre. Son silence me glace. Il est à deux doigts de me perdre pour de bon, et pourtant, il s’obstine dans ce mutisme insupportable, prisonnier de… de quoi au juste ?


Je décide de le provoquer.


— “Si je ne suis q’un plan-cul pour toi, dis-le qu’on en finisse, James !”


Il se redresse d’un bond et pivote vers moi, la colère jaillit de son regard acier.


— “T’es pas juste un foutu plan cul !” s’emporte-t-il, d’une voix rauque, presque désespérée.


Je peste à mon tour. Mes mots tranchent, explosant le peu qu’il restait de notre fragile compréhension.


— “Ah non ? Alors quoi ?”


Il se rapproche, son visage déformé par une étrange déception.


— "Vi... toi et moi... C’est pas juste de la “baise” !”


Sa voix se crispe sur le mot, comme s'il tentait d’en extraire toute la gravité.


— “Bien sûr que si”, je ricane amèrement, sentant la douleur se propager en moi tel un poison. “Et ce soir aussi”, j’ajoute dans un murmure, plus pour moi-même que pour lui.


A ces mots, James recule brusquement, comme si je l’avais giflé. Il me dévisage, les traits tirés, une souffrance brute éclate avec fracas dans ses yeux.


— “C’est vraiment ce que tu penses ? Pour toi, entre nous, c'est juste… juste une histoire de cul ?”, me demande-t-il, teintée d’incompréhension et d’une détresse presque tangible.


Je veux répondre, mais les mots restent coincés dans ma gorge. Bien spur que ce n’est pas que ça, pas pour moi… mais pour lui ? Le doute me paralyse, m’enfermant dans un silence lourd.


— “Bon sang, Victoria, tu crois que joue avec toi, c’est ça ?”


Il crache ces mots, la voix écorchée, espérant sans doute que cela m’atteigne enfin.


Il passe une main tremblante sur son visage, tentant désespérément d’effacer la frustration et la confusion qui se dessinent sur ses traits. Son regard balaie la pièce, scrutant chaque recoin de ma cuisine, cherchant une échappatoire. Sa posture évoque celle d’un homme acculé, pris au piège, dont ma réponse pourrait le sauver… ou le briser. La tristesse s’installe sur son visage et dans sa posture et, incapable de supporter davantage cette tension, il se détourne, se réfugie dans l’ombre de l’appartement, comme s’il espérait y puiser un semblant de calme.


Mon cœur hurle de lui tendre la main, de combler cet espace qui semble grandir entre nous. Mais je suis, moi aussi, engloutie dans un tourbillon de déception et d’impuissance. Clouée sur place, le cœur lourd, je réalise que cette confrontation n’a fait qu'exacerber mes propres incertitudes. La détresse dans ses yeux a réveillé mes doutes, et je m’interroge : pourrons-nous jamais comprendre ce que nous ressentons réellement l’un pour l’autre ?


— “Vi, je te jure que ce n’est pas ça… Tout ce que je sais, c’est que tu comptes plus pour moi que je ne pouvais l’espérer. Mais j’ai tout foiré. Tu ne sais pas ce que j’ai fait et, quand tu l’apprendras, tu ne pourras jamais me le pardonner.”


Chaque mot semble lui peser une tonne. Bien qu’il me tourne le dos, je perçois la douleur qui imprègne son timbre, un aveu presque arraché de lui-même. La distance qui nous sépare est saturée d’une tension étouffante. Je prends une profonde inspiration pour essayer d’apaiser mon esprit tourmenté et mon cœur en miettes.


— “J’ai besoin que tu sois honnête avec moi”, dis-je faiblement, ma voix trahissant la vulnérabilité que je m’efforce désespérément de masquer.


Il se retourne lentement et la fatigue qui se dessine sur son visage d’ordinaire si joyeux m’assaille. Il semble en guerre contre des démons intérieurs qui l’ont presque consumé.


— “Je ne voulais pas te faire souffrir.”


— “Pourtant, c’est exactement ce que tu as fais.”


Le barrage de mes larmes est prêt à céder, mais je les retiens de toutes mes forces. Je dois savoir. La vérité, quelle qu’elle soit, vaut mieux que ce silence insoutenable.


— “Dis-moi ce que tu as fait, ce qui t’a poussé à agir ainsi. Parce que tant que tu ne le feras pas, tout ce que qu’il me reste, ce sont des suppositions et je ne veux pas vivre avec angoisse”.


James s'efforce de se ressaisir, et je comprends qu’il essaye de rassembler ses pensées éparses. Son souffle devient plus pesant, mais les mots semblent lui échapper malgré la gravité de l’instant. Mais rien ne vient. Sa réticence glaciale, c’est comme une lame qui s’enfonce dans mon cœur. L'attente devient insupportable, et, à bout de forces, je trouve le courage de briser ce silence de plomb. Ma voix émerge d’un élan désespéré, chargée de tout ce que je n’ai pu dire jusqu’ici :


— “Tu as brisé ma confiance en toi ! Je n’attendais rien de tout ça, je savais que tu ne reviendrais pas, James. Je m’étais faite à cette idée, j'avais appris à accepter ton absence. Mais ton message vocal... J’ai cru...”


Je begaye, ma douleur et mon amertume me transpercent de part en part.


— “J’ai pensé que tu voulais quelque chose de plus, que… peut-être, entre nous, il y aurait un après”.


Je respire profondément, contient le flot de mes émotions à fleur de peau.


— “J’ai réécouté ton message en boucle. J’ai cherché un sens où il n’y en avait pas. C’est ce que tu veux me dire ? Que tout ça n’a jamais eu de sens ? Quelle idiote... J'ai passé des jours accrochée à mon téléphone, à attendre.... Une semaine… une putain de semaine à espérer. Pour que notre histoire se termine par...”


Je m’arrête brusquement, incapable de prononcer les paroles qui me brûlent les lèvres à voix haute.


Me briser le cœur.


Je retiens un sanglot, reconnaissante que ces derniers mots soient restés coincés dans ma gorge. Je ne suis pas prête à lui avouer cette vérité que j’ai encore du mal à accepter moi-même. Ses yeux se remplissent de remords, et il franchit les deux pas qui nous séparent, s’abaissant à ma hauteur en m’attrapant par les coudes avec une délicatesse poignante. Ne souhaitant pas qu’il soit témoin de mon désarroi et de mon chagrin, je tente de me dégager, détournant mon visage. Mais James presse ses paumes contre mes bras avec douceur mais insistance. Malgré ma volonté de fuir, il m’attire vers lui, brisant la distance de nos corps, cherchant à établir une connexion que je ne peux plus ignorer.


— “Vi, s’il-te-plaît… regarde-moi.”


Malgré moi, j’obtempère et finis par lui faire face, mes yeux encore embués. Dans son regard, je lis une sincérité brute et une profonde tristesse.


— “Ce message vocal... je te l’ai laissé parce que j’avais pris une décision. Chaque mot que je t’ai dit venait du fond de mon cœur, je te le promets”.


James caresse doucement mes bras, dans un geste hypnotique et apaisant, mais il baisse la tête, comme s'il craignait que je découvre l’ampleur de ce qu'il est sur le point de dire. Je fixe son torse devant moi sans un mot, essayant de maîtriser ma respiration qui s’emballe secondes après secondes, comme si mon corps se préparait déjà à l’impact.


— “Je n’ai pas de justification qui puisse réellement réparer ce que j’ai fait. Je veux que tu comprennes que tu comptes pour moi, bien plus que ce que mes actes vont te laisser croire.”


J’ai la vive impression que ce qui va suivre pourrait tout changer. Mais, je suis déterminée à affronter la vérité, quoi qu'il en soit.


— “Si tu veux vraiment que je te croie,” murmurè-je, “si tu veux vraiment réparer ce que tu as brisé, il faut que tu sois entièrement honnête avec moi. Je ne peux pas continuer à vivre dans ce flou. Je veux la vérité, toute la vérité."


James acquiesce, mais maintenant, c’est lui qui ne peut plus me faire face. Il se détache, ses mains quittent mon corps, et la chaleur de son contact est rapidement remplacée par une froideur mordante qui me fait frémir. Pour combler ce vide soudain, je croise les bras sur ma poitrine, tentant désespérément de me protéger de l’angoisse qui monte.


L’homme qui fait battre mon corps, s’appuie contre le mur de la cuisine. Ses épaules s’abaissent sous le poids de la confession à venir. Il glisse ses mains dans ses poches, fixe le plancher un moment, puis relève enfin les yeux à la dérobée, les sourcils froncés.


— “Le soir où je t’ai laissé le vocal, je passais la soirée avec des amis. Quand j’ai essayé de t’appeler, je...”.


Il s’interrompt, secoue légèrement la tête comme s'il essayait de chasser des pensées désagréables.


— “Je savais que tu dormais, Vi, mais je voulais entendre ta voix, ton sourire et surtout, je voulais que tu saches ce que je ressentais, ce que j’espèrais...”


Il marque une pause et la tension monte en moi alors qu’il se tient là, vacillant entre ce qu’il veut dire et ce qu’il craint de révéler.


— “Après t’avoir laissé le message vocal, j’ai sombré dans une sorte d’euphorie, un mélange d’excitation et de paix intérieure. C’était comme si tout ce que j’avais retenu depuis des années, tous mes doutes et mes craintes, s’étaient évaporés. Je me sentais léger, libéré, en paix avec mes sentiments et sur le point d’enfin changer ma vie. Avec toi. J’ai pris quelques verres et...”


Il reprend son souffle, ses muscles se crispent sous la pression de son propre récit.


— “Après ça, c'est le black-out total.”


La manière dont il évoque ces moments perdus me donne un frisson. Mon cerveau peine à d’analyser ce qu’il entend par là et je reste supendue à ses paroles.


— “Ce matin-là, quand je me suis réveillé, je… Je n’étais pas seul”, confesse-t-il, d’une voix basse presque étranglée.

Le sol se dérobe sous mes pieds.


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