CHAPITRE 11.3 * JAMES

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J.L.C

♪♫ J’AI ENVIE D’ELLE —L.E.J ♪♫



Le monde extérieur s’éteint, rétréci à la taille de cet espace clos où je suis confronté à l’ampleur de mes fautes. Je suis un spectateur de ma propre déchéance, observant les ruines de tout ce que nous aurions pu être.


Je sens son besoin de silence, de temps pour digérer tout ça et je me retrouve suspendu au bord d’un précipice. Chaque fois que je respire, je sens ses bras se contracter autour de moi, comme si elle cherchait désespérément à me garder près d'elle. Je ne sais plus comment avancer, ni reculer. La culpabilité me comprime le cœur et chaque putain de battement est un tourment lancinant, une repentance silencieuse pour toutes les erreurs et les trahisons que j'ai commises.


Les larmes de Victoria sont des éclats de verre dans ma chair. Elles déchirent, tranchent, s’enfoncent profondément dans ma peau, me faisant saigner de l'intérieur. Chaque soubresaut de ses sanglots fait trembler mes muscles. Sa douleur, cette mer dans laquelle je me noie, devient la mienne et je ne sais plus comment remonter à la surface.


Mon Dieu… J'ai l'impression de tenir entre mes bras un monde qui s'effondre, un avenir qui s'échappe comme du sable entre mes doigts. J’aimerais faire disparaître la souffrance que je lui ai infligée, mais je sais que c’est impossible. Je suis coincé dans ce cercle infernal que j'ai moi-même créé.


Ses larmes, sa colère, c’est tout ce que je méritais. Quand elle s’est ruée vers moi, j’ai perçu dans son regard une détresse si profonde qu'elle m'a scié sur place. Sa douleur nue m’a frappé plus fort que n’importe lequel de ses coups. Et dans le silence qui s’étire désormais entre nous, j’entends enfin ce qu’elle ne dit pas : ma présence est un poison. Je réalise à quel point je suis devenu le miroir de tout ce qu'elle a perdu, un rappel constant de ses espoirs déçus. Ses yeux, autrefois pleins de désir, de douceur et de confiance, sont maintenant chargés d’une amertume que je ne peux plus ignorer. Chaque seconde à ses côtés, je ravive ses blessures. Je deviens le fantôme de ses nuits blanches, l’ombre qui l’empêche d’avancer.


Elle m'agrippe et m’enlace et j’ose à peine respirer. Son corps tremble légèrement contre le mien, chaque secousse de ses épaules transmettent une vague de désespoir. J’aimerais tellement lire dans ses pensées... Est-ce que je lui inspire encore de la tendresse ou seulement du dégoût ? Est-ce qu'elle pourrait encore m'aimer, malgré tout, ou suis-je devenu un étranger ? La lumière tamisée de la pièce projette des ombres dansantes sur les murs, créant un rappel surréaliste de la détresse qui nous unit. Unis, on ne le sera probablement plus jamais. Est-ce qu'elle regrette le jour où nos chemins se sont croisés ? Moi, je ne le regretterai jamais. Jamais, je ne pourrais l'oublier. Jamais je ne pourrais effacer l'empreinte qu'elle a laissée sur moi. Elle a marqué mon coeur à l’encre indélébile, tatoué jusqu’au moindre pore de ma peau, la moindre cellule de mon sang.


Peu à peu, Victoria, ayant ravalé ses derniers sanglots, retrouve un semblant de calme. Ses doigts, légèrement tremblants, provoquent une réaction en chaîne de sensations, entre apaisement et torture. Je perçois la chaleur de son souffle contre ma poitrine, chaque respiration lente et régulière contraste avec son agitation antérieure. J’ai l’impression que ça fait une éternité que je la tiens ainsi dans mes bras, son corps si fragile contre le mien, la douceur de ses cheveux sous ma joue, le parfum salé de ses larmes… Son émoi accentue la profondeur de mon désarroi, mais sa proximité éveille aussi mon désir… Putain fait chier !


Parce que quand Victoria me touche, chaque frôlement de ses doigts, chaque soupir, chaque pression, réveille en moi une flamme brûlante, une attraction charnelle que je ne peux ignorer. Ses mains me harponnent, son visage se presse contre mon torse, ses courbes se dessinent sous mes paumes. Tout ça provoque en moi une réaction viscérale, une lutte intérieure entre la brûlure de la passion et la douleur de ma honte. Cette attirance physique se heurte directement à la peine que je porte et me propulse dans une spirale de contradictions : l’étreindre pour apaiser ce besoin pressant ou la relâcher pour ne pas compliquer la situation ? Laisser nos corps nous offrir un répit ou refouler mes envies pour préserver son bien-être ? J’aimerais tant la réconforter, essayer de maintenir un semblant de connexion, pourtant la libérer s’impose comme la plus sage des décisions, celle qui allègera la souffrance mutuelle, car restait ainsi enlacer nous coûte trop, du moins pour elle, car pour moi, l’idée même de ne plus l’avoir dans mes bras est bien plus insupportable que de continuer à souffrir à ses côtés. Même pétrifié en statue de sel dans un recoin oublié de son monde, je m'y sentirais encore vivant et j’y serais heureux, pourvu qu’elle me garde près d’elle.


Parce qu’une chose est certaine : je ne me lasserai jamais de cette femme, je la désirerai toujours et je me sentirai à jamais incomplet si elle n’est pas près de moi. Je me demande si, à un moment donné, je pourrai vraiment être celui qui la soulagera ou si je suis condamné à rester la cause de ses tourments.


Mon esprit tourne en boucle, incapable de trouver une solution. Et pourtant si… Je sais que partir est la bonne décision, la seule qui compte vraiment. Mais alors pourquoi ai-je envie de tout foutre en l'air ? Pourquoi mon corps refuse-t-il de bouger ? Toutes les fibres en moi me crient de rester, de me battre, de m'accrocher à elle. Et pourtant, je suis ici, en train de tout la détruire, encore une fois.


Alors, malgré l’amour que je lui porte, ou peut-être à cause de lui, je sais ce que je dois faire. Mais seconde après seconde, minute après minute, chacun de ses souffles me lient un peu plus à elle. Et même lorsque je me prépare à la relâcher, ses bras frêles encore autour de ma taille me font douter davantage. Il faut que je la laisse en paix, même si ça signifie m’effacer de sa vie, même si ça implique de la perdre pour toujours. Je serre les dents, rassemble le peu de courage qu’il me reste et au prix d’un effort fou, je l’éloigne.


Le contact de sa peau contre la mienne laisse place à un froid mordant. Les larmes de Victoria ont laissé des traces mouillées sur le tissu de ma chemise. Je me recule, incapable de soutenir ce poids émotionnel plus longtemps. Son regard, toujours embué de larmes, me transperce comme une flèche. Elle ne dit rien, mais je vois dans ses yeux une profonde résignation, une acceptation funeste de ce qui est devenue notre réalité. Je n’ai pas les mots et plus la force de les chercher.


Avec une lenteur qui me semble interminable, je me dirige vers la porte en attrapant ma veste qui pend au porte-manteau. Centimètre après centimètre, une déchirure sans nom me fend l’esprit en deux, en dix, en mille . Chaque pas est une bataille, chaque mouvement est une souffrance. Je m’arrête un instant avant de franchir le seuil, la tête baissée, les yeux fermés. Je murmure, presque inaudible, sans même me retourner :


— “Pardonne-moi, Vi.”


Ma main se crispe sur la poignée, je sens le métal froid sous mes doigts, un ancrage sévère dans la fatalité du moment. Mon cœur bat si fort que je crois qu’il va exploser. Une goutte de sueur coule le long de ma tempe, se mêle à une larme silencieuse. Chaque muscle en moi est tendu à l'extrême, comme prêt à lâcher à tout instant. Mais alors, le caractère inéluctable de mon départ imminent me frappe avec une brutalité monstre. L’idée de partir sans retour possible, neutralise ma volonté. Je ne reviendrai pas. Je ne la reverrai sans doute plus jamais. Cette pensée est insupportable. Je ne sais pas comment, et si, je parviendrai à surmonter tout ça. Non, bien sûr que non...


Je sais pertinemment que je vais replonger comme toujours. Noyer ma bile dans la débauche, la drogue et l’apathie contemplative, devenir le fantôme de ma propre existence, retourner dans ce cercle vicieux qui m’anime depuis deux ans. Je me vois déjà en train de m’immerger dans cette vie de destruction, cherchant refuge dans des bras étrangers, enivré par des substances qui m’offrent un répit illusoire. Je ne suis qu’un pauvre reflet de ce que j’étais, un homme brisé qui tente de masquer sa douleur avec des distractions vaines. Ces escapades ne font que renforcer ma solitude, me rappellent à quel point je suis déconnecté de tout ce que j’ai perdu.


Putain, je me tiens dans ma propre prison, au fond d’un gouffre que j’ai moi-même construit, semaine après semaine, faille après faille. Chaque choix, chaque décision que j’ai prise, chaque fuite en avant n'a fait que m’enfoncer davantage dans les bas-fonds de mon existence. Merde ! Je tape mon poing contre la porte devant moi. Cette putain de porte qui se dresse comme un obstacle insurmontable, le symbole de ma défaite, ma punition suprême. Je le sais au plus profond de mes entrailles, c’est le dernier bastion avant ma plongée dans l’obscurité. Sans elle, il ne reste que le noir, l'oublie, le vide, ce trou béant qui m'attend, prêt à m'engloutir à nouveau. Victoria est la lumière, ma seule chance de m’en sortir. Et je lui tourne le dos. L’idée de continuer sans elle est suffocante et je me demande si, au fond, je suis condamné à errer sans but, alors que, merde à la fin, mon but se tient juste derrière moi.


Je secoue la tête et prends une profonde inspiration. “Arrête de t’apitoyer sur ton sort bordel de merde !” je hurle intérieurement ! “Porte ton chemin de croix seul !”


Un pas. Juste un pas. Mais ce pas, c’est tout. Je tourne enfin la poignée de la porte. L’air frais de la nuit me frappe en plein visage. Je mets un pied à l'extérieur, quand soudain, une main enlace la mienne, me forçant à m'arrêter net.


— “James”, murmure-t-elle, “Ne pars pas… Pas comme ça...”


Ses doigts s’enroulent autour des miens avec intensité, comme si elle avait lu en moi et savait que ce pas de plus serait le dernier, celui qui scellerait notre destin. Son appel... Son cri du cœur, ébranle la fragile résolution que je venais de prendre. Victoria vient de jeter mon ancre au fond de sa mer, m’empêchant d’avancer.


— “James ! Je t’interdis de partir !”


Sa voix est faible, presque brisée, mais elle résonne dans ma tête comme une implosion. Mon cœur se liquéfie. Je me tourne lentement, comme un homme sur le point de se jeter d'une falaise. Et dans ses yeux, je vois cette lueur poignante, cette supplication silencieuse qui me traverse de part en part. Comment pourrais-je la laisser maintenant ?

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