CHAPITRE 15.1 * VICTORIA
ATTENTION PASSAGE EROTIQUE
DES MOTS
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V.R.S.de.SC
♪♫ DON'T SPEAK - NO DOUBT ♪♫
Je reste figée sur place, mes pensées s’entrechoquent alors que ses paroles résonnent en moi.
James... m'aime ? C’est ce qu’il essaie de me dire, n'est-ce pas ? Il a sombré pour essayer de m’oublier, pour échapper à ce qu'il ressent. Mon cœur se serre, partagé entre la douleur et la compassion. La colère qui brûlait en moi il y a un instant s’évapore, laissant place à une tristesse profonde, presque écrasante.
J’ai toujours accordé une grande importance aux mots. Trop, peut-être. Ils ont le pouvoir de façonner des rêves, de construire des ponts ou d’élever des barrières invisibles. Imaginez, tous ces mots prononcés depuis la nuit des temps, qui ont relié les hommes les uns aux autres, unissant les esprits dans une quête commune ou au contraire, anéantissant des vies et des espoirs. Les mots ont été les armes de choix qui ont galvanisé des foules, inspirant des révolutions ou plongeant la société dans le chaos. Les mots ont parfois conduit à la guerre, à la révolte, au désespoir ou à la mort. Des étendards pour un idéal, des armes pour la survie, des terreaux pour l’amour.
Le pouvoir du langage est double, aussi sublime que dangereux. Bâtir des royaumes ou les faire s’effondrer ? Réconforter ou blesser, édifier ou démolir ? Alors, quand quelqu’un prononce des mots lourds de sens, ces paroles, deviennent-elles des promesses implicites, des engagements tacites qui tissent des liens invisibles entre deux êtres ? Ou sont-ce uniquement les actes que nous devons prendre en compte ?
L’après. On ne fait pas toujours ce qu’on dit. C’est là que réside le dilemme. Parfois, les mots sont prononcés sans véritable intention, comme des automatismes qui ne révèlent ni le fond ni la forme des véritables sentiments. On peut dire des choses sans vraiment les penser, sans en saisir le sens profond ou l’impact réel. Les mots peuvent être des éclats de lumière ou des ombres trompeuses, selon la façon dont ils sont utilisés et la sincérité derrière leur énoncé.
C’est à celui qui reçoit ces paroles de juger leur pouvoir, de déchiffrer leur véritable signification. Les mots, aussi puissants soient-ils, ne doivent pas être les seuls à guider nos perceptions et nos émotions. Il faut aussi observer les actions, ces gestes silencieux qui peuvent trahir la vraie nature des sentiments exprimés. En fin de compte, c’est dans la constance entre les paroles et les actes que se révèle la vérité d’une relation.
Les mots de James sont-ils les architectes de notre destin ou les messagers de notre désastre ?
Dès l’instant où il a dit qu’il m’aimait, j’ai ressenti un mélange de chaleur et d’appréhension. C'était comme si chaque syllabe était une étoile filante dans un ciel sombre, promettant une lumière dans l’obscurité. Mais maintenant, face à ses contradictions, ces étoiles filantes semblent être des illusions, des mirages, qui ne laissent derrière elles qu'un vide glacé. Les mots d'amour qu'il a prononcés — au présent comme au passé d’ailleurs —, me reviennent en mémoire, se heurtant à la réalité de ses actions, me forçant à questionner leur authenticité.
En ce moment, je me trouve à la croisée des chemins, luttant pour comprendre la véritable signification de ses mots et la sincérité de ses sentiments. Comment évaluer tout ça ? Le fossé entre ses paroles et ses actes est devenu un abîme et je dois décider si je peux encore croire en ce qu'il a dit ou si je dois me préparer à une vérité plus amère. Les promesses d’amour, quand elles sont démenties par des comportements qui ne montrent pas le même dévouement ou la même honnêteté, deviennent des énigmes douloureuses. C’est comme si chaque déclaration se perdait dans un dédale de doutes et de confusions.
L’amour n’est pas seulement une question de mots ; il est fondamentalement lié à la constance des actions. Lorsque cette cohérence est absente, les mots deviennent des chants qui résonnent dans un vide émotionnel, creusant un fossé entre ce qui est dit et ce qui est réellement ressenti.
Il m’aime ? Il n’avait rien promis, il n’avait rien expliqué, il était reparti, il m’avait laissé derrière. J’avais accepté ça. Je sais gérer ce genre de situation. Ce n’était pas la première fois que j’y étais confronté.
Dans ses bras, j’avais vécu le moment, pleinement, intensément. J’avais laissé mes désirs dicter mes actes. Nous avions fait l’amour, nous avions ri, nous avions ressenti. Puis la parenthèse s’était refermée, laissant derrière elle une trace indélébile. Tatouant dans mon esprit le souvenir d'une passion partagée, inscrivant sur ma peau la marque de notre intensité. Je n'en suis pas sortie indemne, mais je savais que j'y survivrai et que je chérirai notre aventure estivale pour le reste de mes jours, avec saudade.
Durant les semaines qui ont suivies, on n’a pas totalement coupé le cordon. On s’est envoyé des messages plus ou moins innocents, partageant des anecdotes de notre quotidien, invitant l’autre à réagir à nos envies du moment, s’envoyant des photos de nos errances, des instantanées de nos journées. Ces messages étaient de petits clins d'œil à notre vie respective, une manière subtile de continuer un peu à faire vivre de ce que nous avions partagé. Pour moi, ces échanges étaient à la fois une manière de combler le vide laissé par notre séparation et un moyen de maintenir vivante une étincelle, aussi infime soit-elle. Même si je savais que le temps et la distance avaient leur propre influence sur ce lien fragile. Et parfois, tard le soir, les messages devenaient plus enflammés, plus audacieux. Les mots brûlants éveillaient des images suggestives, des échos éloquents de nos ébats passés et je me laissais envahir par la chaleur qu’ils propageaient dans ma tête, dans mon cœur et au creux de mon intimité.
James et moi en cris, en chœur, en sueur. Le frisson, les papillons, corps pour corps, main dans la main. La fièvre, la morsure, la cadence effrénée, les baisers essouflés, les ongles marquant la chair, des soupirs comme des prières. James en moi, moi sur lui, perdus dans l’extase, au-delà du temps, au-delà de tout…. Et quand mots et images se superposaient, alors je m'abandonnais seule. Le manque devenait insoutenable. Alors, dans le silence de la nuit, je recréais ses gestes, mes doigts suivant le chemin de sa mémoire sur ma peau. Chaque message un peu plus cru, chaque fantasme partagé, ravivait en moi des plaisirs solitaires. Ma main glissait lentement, alimentant ce feu intérieur qu’il avait allumé à distance, jusqu’à ce que mes soupirs remplissent le vide de son absence.
Puis, brusquement, le souvenir ardent de ses nuits se dissipe me laissant nue face à la réalité. James est devant moi, en chair et en os, ancrant le présent avec une intensité presque déroutante. Sa déclaration se répercute encore dans l’air de mon appartement : il m'aime, mon Dieu... James, avec son regard de braise qui semble chercher quelque chose au fond de mes yeux, peut-être une réponse, une rédemption. Je me rappelle les dernières heures passées ensemble : la surprise et la joie de le revoir ; les baisers, les rires, les caresses échangés avec passion et bonheur ; les révélations aussi brutales que poignantes, à la fois douloureuses et déstabilisantes.
Et je l’observe, essayant de percer le mystère de l’homme qui se tient à nu devant moi, celui qui, il y a quelques semaines à peine, m’avait déjà avoué ses sentiments naissants, avant de m’éloigner définitivement, balayant notre histoire d’un simple message qui m’avait laissé désemparé, ivre de confusion et de douleur. Il avait fui notre relation. Je comprends un peu mieux pourquoi, après les confidences qu’il vient de me faire, mais ce n’est pas suffisant. Je ne peux pas oublier ce que j’ai vécu ces dernières semaines. Les sentiments contradictoires qui ont secoué mes certitudes, qui m’ont fait perdre le contrôle. Il a laissé mon cœur à vif, écorché jusqu’au dernier centimètre de mon âme en peine. Et je l’ai détesté, haï même, regretté, pleuré, tout en continuant à le désirer.
C’est lui qui s'est éloigné, laissant derrière lui une traînée d’ambiguïtés et de non-dits. La douleur était encore vive dans mon esprit. Sa disparition a été un coup dur que je n’avais pas encore réussi à surmonter. Et voilà qu’il a resurgi dans ma vie, sans prévenir, sans que je sois prête, à peine quelques heures plus tôt.
C’est trop pour moi. Trop d’émotions, trop de vérités, trop de questions encore sans réponse. J’ai l’impression de devoir gravir une montagne sans corde ni harnais de sécurité, pendue à la paroi avec uniquement une prise instable pour me soutenir. Vais-je atteindre le sommet ou dégringoler et faire une chute mortelle ?
Les yeux de James portent encore la trace de la lutte qu’il traverse, un mélange de désir et de peur, de sincérité et de réticence. Ses traits sont marqués par les épreuves récentes, par les démons qu’il a affrontés et ceux qu’il continue de combattre. Il est là, face à moi, et je me demande si cette rencontre était une coïncidence, un heureux hasard ou le fruit d’un désir inavoué de notre part de nous retrouver. Est-ce que tout ce que nous avons vécu est vraiment derrière nous, ou est-ce simplement une nouvelle page d’un récit qui n’a jamais réellement pris fin ?
Ses gestes sont empreints d’une certaine fragilité que je n’avais jamais perçu auparavant. Cette image contraste fortement avec l’impression que j’avais de lui jusqu’à présent. Celle d’un homme sûr de lui qui semblait avoir toutes les réponses, qui contrôlait tout, qui m’a rendu heureuse et profondément éprise. Maintenant, il paraît déboussolé — malheureux même —, comme s’il cherchait à comprendre lui-même ce qu’il ressent vraiment, à travers ce regard qui erre sur moi. Dois-je être touchée par cette sincérité manifeste ou dois-je rester prudente, consciente des fissures qui se sont formées entre nous ? Après tout, c’est une tout autre facette de lui que je découvre aujourd’hui. Je me sens prise au piège. Comment savoir ce qui est réel, faire le tri entre les apparences et les vérités cachées ? Comment accorder du crédit à ses paroles quand ses actions ont été si éloignées de ce qu’il prétend ?
Une image de lui avec une autre, non, avec plusieurs autres, s’imprime derrière mes paupières, exhumant la distance qu’il a mise entre nous. Une image de moi avec Mati vient la chasser, un rappel de ma propre réalité, de mes propres choix. Les souvenirs se heurtent et se mélangent. Bon sang, s’en est trop ! Je dois protéger mon cœur, me préparer à la possibilité d’une nouvelle déception !
En cet instant, chaque seconde me paraît interminable. Je me demande comment nous en sommes arrivés ici, ce que ces retrouvailles signifient pour nous deux et si nous serons capables de construire quelque chose de solide malgré les fondations ébranlées par nos histoires passées.
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