CHAPITRE 17.1 * VICTORIA

7 minutes de lecture

ATTENTION PASSAGE EROTIQUE

A L'OMBRE DES DOUTES

* *

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V.R.S.de.SC

♪♫ ... ♪♫

— “Alors, comme ça, tu t’installes à Toulouse ?


Je pose la question l’air de rien, les yeux rivés sur l’écran de mon téléphone, feignant l'indifférence. À côté de moi, James observe les rues déjà animées de ce lundi midi, absorbé par le défilé des passants et le flot incessant de la ville.


Depuis quelques minutes, je fais défiler les notifications sur mon téléphone, mais mon esprit est ailleurs. Initialement, je voulais simplement vérifier les actualités du matin, comme je le fais chaque jour. C’est un rituel pour moi. Me tenir informée des actualités me permet de préparer ma journée en ayant toutes les cartes en main. Mais aujourd’hui, après avoir constaté qu’aucune nouvelle inquiétante ne méritait vraiment mon attention, je me suis tournée vers mes messages et mes mails pour me distraire un peu.


Trois textos de mes amis. Le premier de Joël, un clin d’œil salace en référence à ma nuit avec James. Je lui ai répondu avec un simple smiley, assez éloquent pour qu’il comprenne d’aller voir ailleurs si j’y suis. Le deuxième, de Nina, m’informant qu’elle pourrait venir me rejoindre au club dans l’après-midi, mais pas avant 15h. J’ai tapoté une réponse rapide, en notant mentalement de l’appeler plus tard pour qu’elle n’oublie pas le matériel.


Le dernier message de Leslie — fidèle à elle-même —, qui propose de sortir ce soir. J’hésite encore car je ne sais pas encore comment ma journée va se dérouler, alors je laisse sa proposition en suspens, au moins pour l’instant. Il y avait également des messages de la part d’anciens amis et collègues pour me souhaiter un joyeux anniversaire en retard. J’aI aussi reçu un mail de la fac avec une mise à jour sur les cours, que j’ai à peine lu avant de le classer. Le reste de ma boîte de réception est saturé de publicités et de spams que j'efface d’un geste rapide.


Ne parvenant pas à me concentrer davantage, je me suis connectée aux réseaux sociaux, survolant les publications de mes amis et les blogs que je suis habituellement, sans grande conviction. Mais, malgré mes efforts, une seule pensée accapare totalement et indéniablement mon esprit : James.


J’ai posé ma question d’un ton détaché, tentant de masquer une indifférence que je suis loin de ressentir. En vérité, j’attends sa réponse avec impatience. Je meurs d’envie de savoir comment il projette son avenir et, plus encore, de comprendre quelle place il prévoit de m’accorder.


James tourne enfin la tête vers moi. Je relève discrètement les yeux alors qu’il esquisse un sourire léger avant de me répondre :


— “Oui, je suis arrivé samedi dernier”.


Je hoche la tête, essayant de dissimuler mon intérêt croissant. Cette nouvelle donne à réfléchir. Sa réponse me fait déjà envisager à des possibilités futures, et la perspective de son installation permanente à Toulouse — et non plus provisoire comme ce fut le cas cet été — m’interpelle profondément et déclenche en moi une série de réflexions que j’ose à peine formuler. Où vit-il actuellement ? Qu'est-ce qui l'a conduit ici, dans ma ville ? Je sais qu’il a travaillé dans le marketing et qu’il a fait des études en commerce international et en droit. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a vécu une année aux États-Unis pendant son cursus universitaire. De mon côté, j’ai passé une année à Lisbonne pour valider ma licence de LEA, il y a plus d’un an, une expérience qui a aussi grandement influencé la personne que je suis devenue.


— “Tu t’es trouvé un appart ?”


Il m’explique qu’il loge chez sa sœur pour le moment, dans une petite ville de la banlieue toulousaine — je connais l’endroit, je m’y suis déjà rendu l’été dernier avec lui —, qu’il a visité plusieurs appartements récemment, mais qu’il n’a pas encore trouvé celui qui lui conviendrait parfaitement. Sa réponse aiguise encore plus ma curiosité.


Vous savez ce qu'on dit : montre-moi où tu vis, et je te dirai qui tu es. Quel genre d’appart recherche-t-il ? Un trois-pièces spacieux, un studio cosy, ou peut-être un loft impressionnant ? Préfère-t-il un appartement moderne et pratique en centre-ville ou une maison plus tranquille dans les environs ? Les options sont nombreuses, et chacune pourrait révéler quelque chose de sa personnalité ou de ses aspirations. Est-ce que son futur chez-lui sera le reflet de ses goûts personnels ou une projection de la vie qu’il imagine à Toulouse ?


J'avais eu un aperçu de son appartement d'Édimbourg lors d'un appel en visio. Un grand canapé en cuir sombre trônait au centre de la pièce principale, ouverte sur une chambre avec un lit imposant. Aucune cloison entre le salon et la chambre, juste une continuité fluide entre les deux espaces. Le parquet en bois ancien, aux tons chauds et usés par le temps, donnait à l’ensemble une touche de caractère et d’histoire. Les fenêtres encastrées, hautes et larges, offraient une vue directe sur les façades typiques de la capitale écossaise. Son intérieur dégageait une impression de confort spacieux, avec une ambiance résolument masculine. Les teintes sombres prédominaient, créant un équilibre subtil entre le charme de l'ancien et une pointe de modernité. Un léger désordre y régnait alors : un coussin tombé ici, une pile de livres là. Je n’avais pas pu m’empêcher de le taquiner à propos de son lit défait. Son sourire malicieux et la lueur espiègle dans ses yeux avaient répondu bien avant ses mots L’allusion suggestive sur ce que ma présence dans son lit ferait à ses draps, apparemment trop peu froissés à son goût, m’avait fait frissonner des pieds à la tête. Mon cœur s’était emballé sans que je puisse le contrôler.


La visio s’était poursuivie : la température entre nous était montée d’un cran, quelques vêtements avaient disparu progressivement, les mots se faisaient caresses, supplantant les gestes, traçant des chemins invisibles qui nous rapprochaient, nous enivraient. La conversation, devenue murmure, s’immisçait entre deux soupirs. Chaque phrase prononcée n’était plus que volonté de provoquer, d’allumer un feu en nous. L’écran, complice silencieux de notre étreinte virtuelle, absorbait nos désirs, transformant nos regards en promesses. Ce mélange étrange de proximité et de distance, où les fantasmes se déployaient en images fugaces, où la passion était limitée par l’absence de contact réel, a été une expérience frustrante et terriblement érotique. James n’était pas avec moi, mais c’est tout comme. Mes doigts l’avaient remplacé, sa voix m’avait guidée, mes gémissements l’avaient propulsé jusqu’aux portes de l'extase, tandis que la force de sa jouissance me traversait telle une onde ardente. Mon Dieu, j’en avais été toute retournée...


Et voilà qu’en y repensant, une vague de chaleur me monte aux joues — et pas que… Pour cacher mon trouble, je me plonge dans l’écran de mon téléphone, espérant que James ne remarque pas l’émoi intérieur qui m’anime. Il continue de parler de son installation à Toulouse et de ses recherches d’appartement. Sa voix calme, posée, tranche avec le tumulte qui agite mon esprit. Il mentionne qu'il prévoit d’en visiter d’autres la semaine prochaine, et, sans trop y réfléchir, je lui propose de l’accompagner. Mes lèvres s’étirent en un sourire spontané, sentant déjà une douce euphorie m’envahir à cette simple idée.


Je commence à imaginer ce que cela signifierait pour nous deux s’il se stabilisait ici, à Toulouse. Mon esprit vagabonde dans cette possibilité — tout aussi excitante que déstabilisante soit dit en passant —, lorsque sa voix douce me tire de ma rêverie :


— "Ça me ferait plaisir, vraiment."


Son ton est sincère et chaleureux, presque rassurant. Il penche légèrement la tête, comme s’il voulait mesurer ma réaction.


— "Je dois en visiter deux jeudis après-midi. Tu es libre ?


Il y a quelque chose dans sa voix, une note subtile d’espoir. Il attend plus qu’une simple confirmation. Mon cœur s’accélère imperceptiblement.


— "Oui, je...", je commence avant qu’une hésitation ne me freine.


Je suis ravie qu’il veuille m’impliquer dans quelque chose d’aussi personnel. C’est un signe évident qu’il souhaite me garder dans sa vie, je crois, ou du moins, qu’il compte sur le fait qu’on continue à se voir. Pourtant, cette idée, aussi séduisante soit-elle, soulève des doutes en moi. Je l’observe du coin de l’œil, essayant de déchiffrer son expression. Il semble serein, un léger sourire encore accroché aux lèvres, mais moi, je suis submergé par une vague de questions. Il y a tant de zones d’ombres entre nous que je ne sais même pas où nous en serons demain. Je ne suis pas certaine de ce que je veux exactement, ni même de ce que je devrais attendre de lui.


James a dû percevoir mon hésitation, car il réagit presque aussitôt, un léger voile de regret couvrant sa voix :


— “Désolé, je ne voulais pas être intrusif”.


Il détourne brièvement le regard, comme s’il tentait de masquer une émotion trop vive.


— "Non, c’est moi qui ai proposé," dis-je en souriant doucement, espérant alléger l’atmosphère et dissiper le malaise.


Je verrouille mon téléphone et le retourne dans ma main, le pouce caressant distraitement l’écran noirci. Je fais de mon mieux pour paraître détendue et j’essaie de bannir toute nuance de doute dans ma voix lorsque je reprends :


— "Jeudi après-midi, je pense pouvoir me libérer. J’aimerais beaucoup t’accompagner."


James acquiesce, mais un changement ténu s’opère sur ses traits. Son visage, qui s’était adouci, devient subitement fermé. Ses yeux se détournent vers la vitre et son regard se perd à nouveau dans la contemplation du paysage extérieur. Il semble concentré, presque méditatif, comme s’il s’éloignait mentalement de notre conversation. Mince, il est clair que quelque chose le chiffonne. Cette distance soudaine me prend de court, me laissant avec un sentiment étrange et inexplicable.


Je l'examine discrètement alors qu'il se plonge dans la vue extérieure. J’aimerais ajouter quelque chose, mais je ne sais pas quoi… James se tient droit, les jambes légèrement écartées pour l’aider à maintenir son équilibre. Sa main repose nonchalamment sur son genou, l’autre est posée sur la banquette entre nous — à quelques centimètres seulement de la mienne, je remarque —, comme s’il voulait me toucher sans en être tout à fait conscient. Son index tapote distraitement le cuir du siège, un geste presque imperceptible, qui trahit une agitation enfouie sous son calme apparent. Il semble partagé entre une tranquillité de façade et une préoccupation latente, pesant peut-être déjà le poids de ce nouveau chapitre de sa vie.. Une adaptation qui, d’une certaine manière, nous relie davantage l’un à l’autre.

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