CHAPITRE 17.2 * VICTORIA

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V.R.S.de.SC

♪♫ ... ♪♫

Je prends un moment pour apprécier ses traits, fascinée par la beauté indéniable de James. Son charme magnétique et son élégance naturelle m'ont tout de suite captivée. Lors de notre première rencontre, j’ai littéralement senti mon cœur s’emballer, telle une adolescente en pleine crise hormonale. C’était comme si ma poitrine cherchait à contenir un tumulte impossible à réprimer. Devant moi, se tenait l’homme le plus séduisant que j’aie jamais rencontré, une incarnation parfaite de mes fantasmes les plus fous et de mes attentes les plus élevées. Ses contours sculptés, la profondeur de son regard bleu roi, son assurance sereine et ce charisme indéfinissable… tout en lui m’avait coupé le souffle.


La puissance de cette révélation avait été telle que j’ai dû mobiliser toute ma volonté pour masquer l’effet de cette attraction aussi fulgurante qu’exaltante. Je n’allais tout de même pas succomber au cliché du coup de foudre ! Et pas question de me pavoiser comme la caricature de l’héroïne de comédie romantique de Noël — surtout qu’on était en plein été, sous un ciel d’un éclat parfait, sans une once de menace orageuse au-dessus des remparts de la Cité. Et cette homme-là n'était certainement pas un preux chevalier en armure étincelante venu m’enlever sur son fier destrier blanc, ni même un acteur hollywoodien venu incognito passé des vacances dans l’Aude. Encore moins un prince charmant égaré hors de son royaume à la recherche de sa dulcinée. Non, c’était probablement un touriste quelconque… Un touriste incroyablement sexy, avec un don troublant pour perturber mes pensées, mais un touriste quand même. Non ? D’ailleurs, comment un homme pouvait-il avoir un tel impact juste en respirant dans le même espace que moi ? 


Je me souviens encore de ce moment avec précision. Avant même d’avoir posé mes yeux sur lui, j’avais perçu sa présence. Son parfum musqué — un mélange captivant de bois de santal et de caramel — avait flotté dans l’air, éveillant une conscience aiguë de sa proximité. Puis, sa voix s’était élevée, effaçant tout le reste. Grave, suave, enveloppante… Chaque syllabe semblait ralentir le temps. Mon esprit tout entier s’est tendu vers cette unique vibration. Il avait dit quelque chose en anglais, mais avec une intonation particulière et un accent distinct, qui avait piqué ma curiosité. Quelques secondes avait suffi pour que j’identifie ses origines. Devant moi, un stand de spiritueux – du whisky – ; derrière, un homme dont l’identité paraissait gravée dans son timbre guttural, musical et authentique. Écossais, forcément.


Dès que je m’étais éloignée, j'avais machinalement consulté mon interface à la recherche de mes notes sur les exposants. Stand 58 : Antoine de la Clastre et James Liam Cameron, associés. James. Un prénom qui, déjà, s’était enraciné dans ma mémoire avec une résonance inattendue, comme détaché du simple fichier où je l’avais consigné pour devenir un refrain récurrent.


Le stand représentait leur marque, Lochranach – Essences du Temps. Un whisky puisant dans la tradition écossaise tout en revendiquant fièrement son ancrage français. Cette alliance singulière avait indubitablement capté mon attention. J’avais hésité à faire demi-tour, sous prétexte d’en savoir plus sur ce concept audacieux et visionnaire. En réalité, ce n’était pas tant le whisky que l’homme derrière cette idée que je brûlais de découvrir… Les quelques mots échangés — sans parler des regards — avaient confirmé que derrière cette façade envoûtante se cachait une histoire que le destin semblait avoir placée sur mon chemin. 


Mais je n’en avais pas eu le temps. Le festival était une fourmilière d’activités, j’étais débordée et ne pouvais me permettre de me laisser distraire plus avant. Entre des rendez-vous à honorer et des tâches urgentes à accomplir, mes priorités étaient claires et mes impulsions devaient être reléguées au second plan. Le devoir m’appelait et mes impératifs professionnels avaient pris le pas sur mon désir de m'attarder.


À cela s’ajoutait ma liaison naissante avec Nicolas. Notre relation, fraîche et prometteuse, méritait d’être explorée avec sincérité. C’était le moment de me concentrer sur ce que j’avais commencé à construire, plutôt que de me laisser séduire par des possibilités non explorées. De toute façon, mon récent petit ami comblait mes besoins immédiats, tant sur le plan émotionnel que physique. Fidèle à mes principes, je n’étais pas du genre à papillonner et la loyauté est pour moi un pilier essentiel. Alors, j’avais repoussé ce bel inconnu dans un recoin de ma tête, de même qu’un rêve qu’on étouffe avant qu’il ne prenne vie.


Et pourtant… quelle erreur ! En chassant James de mes pensées, je m’étais privée d’une rencontre qui aurait tout changé. 


Mais à l’époque, rien ne présager que mon histoire avec Nicolas ne durerait pas. Faute à quoi déjà ? Ah oui : à son manque d’initiative pour faire évoluer notre relation, qui avait fini par enterrer tout enthousiasme de ma part. Et puis, sa tendance à être aussi flou qu’un brouillard londonien sur ses sorties à répétitions…Oh et surtout le fait qu’il croyait que faire la fête jusqu’au matin était l'apanage du bonheur tandis que mes soirées cocooning étaient visiblement considérées comme des punitions. Quant à son idée du romantisme, elle se résumait à des parties de jambes en l’air entre deux séries d’abdos...


Je ne saurai même pas expliquer comment cette aventure ratée a pu s’étirer pendant près de quatre mois. Sûrement, parce que sexuellement parlant, il tenait le coup. Mais quand je pense à ce que James et moi avons vécu cet été, la comparaison est tout bonnement absurde.


James est de loin le meilleur partenaire que j’aie jamais eu. Ce qu’il m’a offert n’était pas seulement une intensité rare, mais une présence constante qui a transformé chaque instant en un moment précieux. Il ne s'agissait pas uniquement de plaisir, mais de découvertes sensorielles, d’expériences en cascade qui ont éveillé des émotions nouvelles et inédites. Sans même en avoir conscience, il a surclassé tous les autres, dépassé toutes mes expectatives, fait exploser ma libido au-delà de l’imaginable. Sa manière de m’aimer est tout simplement incomparable : désir, tendresse, attention, inventivité, avec lui, je me sentais vibrante et connectée d’une manière bien plus intime et profonde que ce à quoi je m’étais attendu. 


Perdue dans mes réflexions, je constate que mon regard se détourne difficilement de lui, envahie par une forme d’admiration silencieuse. Pareil au jour de notre rencontre, il porte une barbe savamment négligée qui lui donne cet air à la fois brut et irrésistible. Je n’ai pas oublié ce contact râpeux contre des zones très sensibles de mon anatomie, et rien que d’y songer des picotements courent le long de ma colonne vertébrale. Le désir se faufile sous ma peau, puissant et incommodant, en écho à nos ébats passés. Je regrette déjà de nous avoir privés de ce dernier baiser plus tôt !


Sans le vouloir, un petit soupir étranglé s’échappe de ma gorge, trahissant sans ambages l’agitation intérieure qui m’habite. James tourne la tête vers moi, ses yeux cobalt captant mes prunelles avec une précision déstabilisante. Je déglutis avec difficulté, sentant son regard scruter le moindre de mes mouvements. Une chaleur soudaine me monte au visage et la gêne me gagne. Je me détourne, priant pour que mon état d’excitation ne soit pas trop flagrant.


Je suis consciente que nous sommes encore dans une phase délicate de notre relation. Pourtant, son image reste omniprésente dans mon esprit, m’empêchant de maintenir cette distance émotionnelle que j’essaie désespérément de préserver. Comment pourrais-je faire autrement ? Chaque pensée, chaque souffle semble être imprégné de lui, et je n’ai plus le contrôle sur ce que je ressens.


James possède ce genre de physique qui ne laisse aucune femme indifférente. Sans surprise, mes copines ont toutes fondu comme neige au soleil face à son allure de viking moderne. Son Instagram, pour ne rien arranger, n'a fait que rajouter de l'huile sur le feu. Elles se sont littéralement extasiées en découvrant sa galerie soigneusement mise en scène : planche de surf en main sur une plage sauvage, cheveux encore mouillés ; vêtu d’un kilt, un sourire en coin, défiant l’objectif dans une clairière écossaise ; concentré, en train de se faire tatouer sous l’éclat de néons rouges ; ou encore, debout à côté d’un cheval alezan, tenant les rênes d’une main et caressant l’encolure de l’autre, tel un modèle pour le mois de mai d’un calendrier intitulé Les hommes et la nature... Sans compter les grands classiques de glamour social dans des bars et clubs branchés ou les sempiternels clichés d’avant séance de sport, muscles saillants et regard déterminé, prêt à sculpter son corps à la perfection… ce qu'il fait, bien évidemment. Autant dire que les soupirs énamourés de mes amies n’étaient qu’une formalité après ça… et moi, bien sûr, qui tentait désespérément de garder mon sang-froid. 


Je n’ai donc aucun mal à imaginer la multitude de femmes qu’il a dû séduire et mettre dans son lit. Et après ce qu’il m’a révélé cette nuit, il me semble que je vais devoir revoir mes estimations à la hausse. En comparant ma vie amoureuse – ou disons plutôt sexuelle – à la sienne, je me sens soudainement… insignifiante et limitée. Je n’ai jamais accumulé autant de partenaires, et l’image que je me fais de son passé me perturbe plus que je ne voudrais l’admettre.


Ce n’est pas que je sois obsédée par les chiffres, mais c’est cette idée qu’il ait pu partager tant de moments intimes avec autant de femmes qui me déstabilise. Après tout, il a bien eu du mal à me dire avec combien il avait couché depuis qu’il avait replongé il y a quelques semaines. J’en viens à me demander si le sexe n’est pas devenu pour lui une autre forme de dépendance… Si tel est le cas, je ne tiendrai pas la tête d’affiche bien longtemps face aux expériences plus intenses et variées qu’il a sûrement dû avoir. Ces réflexions éveillent des doutes sur sa capacité à s’investir dans une relation sérieuse et durable...


Partagée entre fascination, dissension et jalousie, je ne sais plus que penser. D’un côté, son passé et tout ce qu'il a vécu avant que nos chemins se croisent m’envoûte secrètement. Mais de l’autre, je crains de ne pas correspondre à ses attentes, surtout dans l'intimité, ou de n’être qu’une page de plus dans une histoire qu’il a déjà largement écrite. 


Voilà où j’en suis lorsque le Uber s’immobilise devant le club, mettant un terme à ce chaos mental. La voix du chauffeur me ramène rapidement à la réalité. Je tourne vers James un regard incertain, sa présence m’envahissant de mille interrogations. Son expression est indéchiffrable. Attend-il quelque chose de moi ? Une décision ? Une prise de parole ? Un ange passe. Instinctivement, je saisis la poignée de la portière. Mais, avant que je n’ouvre et coupe court à la tension qui nous happe, James, avec une douceur presque timide, glisse une main hésitante sur mon genou. Il se penche vers moi, ses yeux cherchent mon approbation, un signe, ou peut-être un désir plus secret... Sa paume effleure ma joue et ses lèvres rencontrent les miennes avec une tendresse qui me désarme. Un contact éphémère, mais chargé d’émotion.


Puis, tout aussi doucement, il se recule et pose son front contre le mien. Nos souffles se mêlent dans l’espace clos de la voiture, et je ne sais plus où je suis. Lui, calme et assuré, son souffle régulier. Moi, en proie à un chaos intérieur, un cœur qui bat si fort que je crois qu’il va éclater.


— À tout à l’heure, Vi, murmure-t-il.


Son timbre si grave se répercute dans tout mon être. Je ferme les yeux, m’accordant quelques secondes de plus pour savourer ce moment suspendu dans le temps, mais surtout pour essayer de démêler ce qui bouillonne en moi. Je devrais me sentir attendrie, reconnaissante de cette étreinte respectueuse, apaisante, délicate, mais… À mesure que les secondes passent, la séparation semble de plus en plus difficile à accepter. Avec effort, je finis par m’écarter, hoche la tête en guise d’assentiment. Pas un mot ne quitte la barrière de mes lèvres pincées et mon adieu reste coincé dans ma gorge.


Alors que je me décide enfin à sortir du véhicule, une impulsion me saisit. Ignorant le pourquoi du comment, je fais volte-face et ma bouche se colle à la sienne dans un baiser brûlant, frénétique. Mes mains se saisissent de sa veste, agrippant le tissu pour m’y ancrer. Son corps se fige un instant avant de se tendre contre le mien, sa respiration coupée par la surprise. Ses mains fébriles se posent déjà sur mes hanches, comme s’il voulait me retenir instinctivement. Ma langue, audacieuse, caresse la sienne, avide, avant de ralentir pour nous ramener doucement au présent.


— Ça te donnera matière à réflechir pour ton whisky, soufflè-je contre sa peau. 


Son expression, mêlant étonnement et désir, ne me laisse pas de doute. L’étincelle dans ses pupilles allume une flamme en moi, et intérieurement, je jubile. Un sourire joueur s’étire sur mes lèvres tandis que, sans attendre, je prolonge notre étreinte par une série de petits baisers, légers et délicieux. Chaque contact de mes lèvres sur les siennes me fait frissonner, me poussant à savourer ces instants comme s’ils étaient les derniers. Ils ne le seront pas. J'irai le chercher, dans ses silences, ses fuites, qu'importe la distance qu'il mettra entre nous, je ne le laisserai plus s’en aller. Jamais.


Finalement, un lourd soupir m’échappe, et à contrecœur, je me détache. Avec une ultime poussée de volonté, mes doigts ouvrent la portière et après un dernier regard, je sors du véhicule.


La lumière du soleil de midi me frappe de plein fouet dès que je mets un pied dehors, éblouissante, presque aveuglante. Pourtant, malgré la brillance du jour, le souvenir de ses lèvres persiste, une empreinte indélébile, un goût sucré salé que rien ne peut effacer. Le monde autour de moi reprend son rythme, mais ce contact, cette sensation, reste imprimée. James est un fragment de moi que je n'avais pas anticipé

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