CHAPITRE 18.2 * VICTORIA

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V.R.S.de.SC

♪♫ ... ♪♫

Si je suis sûre de moi ?

Je le regarde, les mots coincés dans ma gorge, alors qu’une tension familière s’empare de ma poitrine. Je sais que ses intentions sont bonnes, qu’il essaie de me protéger, mais sa question sa question fait ressurgir les doutes que j’ai tenté de réprimer jusqu’ Avant que je dise quoique ce soit, il continue :

— “C’est juste que... je sais ce que tu as traversé. J’étais là, tu te souviens ?"

Je comprends tout de suite ce qui l’inquiète. Mati a été mon pilier pendant cette épreuve. Il m’a soutenue, il m’a serrée contre lui quand tout s’écroulait, quand je n’avais plus de repères. Quand j’ai voulu tout oublier, et que j’ai...couché avec lui.

— “Je sais, mais je...je ne veux pas que tu te fasses du souci. Entre James et moi, c’est compliqué. Il reste des zones d’ombres que je veux éclaircir. Des choses que je dois encore découvrir, sur lui et sur nous.

La frustration et la culpabilité montent en moi. Mati, plus que quiconque, doit pouvoir comprendre que ce n’est pas si facile de tourner la page.

— “Je ne veux pas que tu souffres encore à cause de ce type, Vic.”

— “Je comprends Mati”, dis-je finalement. Laisser entrevoir ses failles est un exercice périlleux, mais nécessaire pour mi aujourd’hui. “J’ai besoin de réponses pour avancer. Avec ou sans lui.”

— “Tu crois vraiment que ça te mènera quelque part ? Je ne veux pas te voir replonger dans quelque chose qui pourrait te faire encore plus de mal,” rétorque Mati, ses mots empreints d'une sincérité désarmante.

Je reste silencieuse, incapable de trouver les mots. Le scepticisme dans ses yeux est évident, et bien que son inquiétude me chagrine, elle n'altère pas mes sentiments.

— “Écoute, je comprends que tu veuilles lui donner une chance, mais sois prudente, d’accord ?"

Je passe une main nerveuse dans mes cheveux et jette un coup d’œil autour de nous. La salle est déserte. Le silence qui y règne est pesant, l'atmosphère lourde fait écho au vide que je ressens au fond de moi depuis hier soir. Le bruit de la ventiliation est à peine perceptible ce qui accentue plus encore le calme oppressant de notre conversation. J’ai besoin de me confier, de partager ce poids et Mati... je sais qu’il m’écoutera sans me juger.

— “James a des problèmes avec la drogue. Il a replongé après m’avoir laissé ce message vocal. Il m’a dit être sobre depuis 13 jours”, j’annonce de but en blanc.

— “Merde !”, lance aussitôt mon patron et ami, le visage grave.

Sans attendre, il s’approche et s’assoit en face de moi et et je vois l’étendue de la situation se refléter dans ses yeux.

— “Vic, c’est vraiment du sérieux... Tu sais à quel point c’est difficile de sortir de ça. Je te le dis parce que j’ai vu ma sœur passée par là. C’est pas juste une question de volonté, c’est un combat de tous les instants.”

Je hoche la tête, sentant les larmes venir, mais je les repousse avec toute la force que je peux rassembler.Les paroles de Mati frappent juste et je lutte pour ne pas céder à l'émotion.

—“Je sais que je devrais probablement prendre du recul, réfléchir à tout ça, et ne pas plonger tête la première sans savoir où je vais. Mais, je ne peux pas non plus l’abandonner comme ça. Pas sans avoir essayé de comprendre, de voir s'il y a une issue possible pour nous deux.”

Son regard s'adoucit. Il me connaît, il sais que je suis têtue et quand j’ai une idée en tête, je ne la lâche pas facilement. Il ne le dit pas, mais son expression révèle une compréhension mêlée de résignation, comme s'il savait qu'il ne pourra pas me convaincre autrement.

— “D’accord. Mais promets-moi que tu prendras soin de toi avant tout. Ne te perds pas dans ses problèmes, Vic. Tu en as déjà assez bavé.” Il marque une pause, puis ajoute d’un ton malicieux, essayant de dédramatiser la situation : “Ah, l’amour...”

Ce sourire, bien que taquin, est une bouffée d’air frais qui allège un peu l'atmosphère. Il me rappelle que malgré tout, il est là pour moi, prêt à m’épauler. Avec un rire tremblant encore empreint de sanglots étouffés, je lui lance :

— “Oh, arrête un peu ! Et pense un peu à Leslie...”

Il soupire et lève les yeux au ciel avec une expression mi-amusée, mi-exaspérée.

— “M’en parle pas...”, dit-il, en secouant la tête.

Après un clin d’oeil complice, il se lève d’un bond.

— “Tu devineras jamais ce qu’elle m’a sorti hier. Elle m’a dit que “ma bite n’était pas assez grosse pour arriver de l’autre côté du trottoir” ?”

— “Attends, quoi ?”

Je reste bouche bée, totalement abasourdie par sa déclaration.

— “Je sais pas trop ce qu’elle voulait dire, mais, apparemment, elle pense beaucoup à ma bite alors ...”.

— “Mati !”, je proteste en levant les yeux au ciel à mon tour.

Il continue avec un sourire narquois.

— “Et, c’est pas tout : avant de monter dans l’Uber, elle m’a carrément mis la main aux boules”.

Je m’apprête à réagir, mais il lève les deux mains devant lui, déjà prêt à se défendre.

— “Je l’ai pas laissée faire ! J’suis pas complètement con ! Je l’ai balancé dans l’Uber en claquant la porte !”.

—“Mouais... mais t’aurais bien voulu, avoue”, soupiré-je en roulant des yeux.

— “Putain oui !”, éclate-t-il de rire, un sourire satisfait collé au visage.

Malgré moi, je ne peux m’empêcher de rire également. Ce moment léger fait fondre la tension qui pesait entre nous. On échange un regard, et je sais que, malgré les défis qui nous attendent, à l’un comme à l’autre, la vie continue, même avec ses hauts et ses bas.

— “Bon, puisque tu me laisse en plan et que tu préfère ton bel apollon à ma charmante compagnie”, dit-il d'un air faussement vexé, “je te laisse filer le rejoindre. Profite bien de votre tête-à-tête,” dit-il en s’éloignant. “Et surtout, n’oublie pas ce que je t’ai dit : prends soin de toi.”

Je hoche la tête, reconnaissante pour son soutien et sa franchise. Alors que Mati s’éclipse dans son bureau à l’étage, je jette un coup d'œil à l'heure : 13h44. Il est temps de rassembler mes affaires, de terminer quelques tâches avant l’arrivée de James.

Désormais seule, mes pensées s’emballent. Alors que les préparatifs continuent autour de moi, je ne peux m'empêcher de repenser à la dynamique complexe entre Mati et Leslie.

Ces deux-là me fascinent. Mati est tombé sous le charme de Leslie dès qu'ils se sont rencontrés. Mais ma meilleur amie s'est convaincue qu'il n'était qu'un séducteur invétéré, incapable de se contenter d'une seule femme. Elle a toujours eu peur de ne pas être à la hauteur, de ne jamais pouvoir combler l'attention qu'il semble constamment rechercher. Quand elle l'a quitté après à peine quelques semaines, j’ai vu Mati s’effondrer. Il a tout tenté pour la reconquérir, mais Leslie était catégorique : elle refusait de croire qu’il pouvait changer. Elle voyait en lui ce qu’elle redoutait le plus, une confirmation de ses propres insécurités.

Epuisé par le rejet constant et par le spectacle quotidien de Leslie flirtant avec d'autres mecs sous ses yeux, Mati a fini par lâcher l’affaire et s’est résigné. Pourtant, il m'a récemment confié qu'il n'avait jamais vraiment tourné la page. Il m'a dit, presque avec une lueur d'espoir, que si elle lui donnait une deuxième chance, il lui prouverait qu'elle se trompe, qu'il est capable d'être l'homme qu'elle voudrait qu'il soit.

Mais ce qui me frappe le plus, c'est cette danse étrange qu'ils exécutent, chacun de leur côté, feignant de profiter de la vie sans l'autre. Leslie affirme qu'elle se fiche de lui, qu'elle est passée à autre chose. Mais je la connais trop bien pour la croire. Elle a peur de l'amour, de se laisser aller à quelque chose de vrai, de vulnérable. Mati, de son côté, continue de jouer les séducteurs, laissant les filles tomber à ses pieds sans vraiment y chercher plus qu'une distraction.

Mati et Leslie sont pris dans un cycle où la peur ou, la fierté, les empêche d'avancer, de se donner une vraie chance. Ils s’aiment, c’est évident, mais ils sont trop terrifiés pour l’admettre, chacun attendant que l’autre fasse le premier pas. Leur histoire est un triste rappel de la complexité des émotions, de la manière dont les cicatrices du passé influencent nos choix présents.

Et ma propre relation avec James, de quoi retourne-t-elle ? Aimer c'est accepter de se mettre en danger, de se perdre un peu pour découvrir ce qui pourrait être. Mais combien de fois peut-on se brûler les ailes avant de décider que le jeu n'en vaut plus la chandelle ? Est-ce que je ne suis pas en train de répéter un même schéma, me précipitant vers une situation qui pourrait se terminer de la même manière qu'avant, enfermée dans une histoire que je ne suis pas certaine de pouvoir écrire autrement ?

J'ai dit à Mati que j’avais besoin de réponses, oui mais, peut-être que les chercher auprès de James, dans un face-à-face prématuré n’est pas la meilleure approche. Peut-être ai-je besoin de temps pour méditer avant de le revoir, ou peut-être, au contraire, devrais-je arrêter de tourner en rond et prendre une décision rapide, qu'elle mène à la réconciliation ou à la rupture. Pour l’instant, je ne suis pas encore certaine de la voie à suivre…

L’amour est souvent un duel entre nos désirs et nos peurs, entre ce que l’on est prêt à offrir et ce que l’on garde précieusement pour soi, de crainte de voir nos espoirs détruits et nos rêves s’envoler. James et moi, on est encore en plein champ de bataille, chacun redoutant ce qui pourrait arriver si on se laissait vraiment aller. Lui, redoute de me faire du mal, de se perdre dans ses travers et ses failles, de ne pas être à la hauteur de ce que nous pourrions devenir. Moi, parce que plonger dans une relation qui pourrait bien m’entraîner dans les mêmes eaux troubles que celles où j'ai failli me noyer est un pari risqué. Parce que m’engager dans quelque chose d’incertain, sans date de péremption va à l’encontre de mes habitudes. Les souvenirs de l’emprise que James a déjà eu sur moi, le prix que j’ai payé, les cicatrices qu’il m’a laisses, me poussent à réfléchir davantage. Je soupire en repensant aux paroles de Mati. Il a raison de s’inquiéter. D’abord moi. Après James. D’abord me retrouver, ensuite décider.

Assez tergiverser. Quand faut y aller, faut y aller. Je sors mon téléphone et, avant que je ne change d'avis, j'envoie un message à James pour reporter notre déjeuner.

“Hey James, il vaut mieux qu’on annule notre rendez-vous. J’ai besoin de prendre un peu de temps pour réfléchir à tout ça. J’espère que tu comprendras. Je suis désolée."

Après avoir appuyé sur "envoyer", je prends une profonde inspiration. C’est un petit pas, mais un pas vers quelque chose de plus clair, de plus sain. Il ne s'agit pas d’une fuite, mais d’une manière de me protéger, de m’assurer que lorsque je prendrai ma décision finale, elle sera la bonne pour moi.

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