CHAPITRE 7.3 * JAMES

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ATTENTION PASSAGE EROTIQUE

J.L.C

♪♫ DO I WANNA KNOW — ARTIC MONKEYS ♪♫

Si seulement elle savait à quel point j’avais attendu ce moment. Comment la frustration accumulée pendant des mois s’évapore enfin… Combien chaque instant partagé avec elle est une libération pour moi... Mais, comme si ma réponse l’avait heurté, elle se décolle de moi.

— “Je n’en suis pas sûre”, dit-elle, son regard se perdant dans l’obscurité du toit-terrasse.

Je lui lance un regard malicieux :

— “De toi ou de moi ?”

Sans répondre, elle fait passer sa jambe par-dessus les miennes, ramasse son shorty noir et se rhabille rapidement. Son geste précipité me déroute un peu. Je me demande si j’ai été trop direct ou si quelque chose dans ma réponse l’a embarassé. Ce mélange d’instant charnel et de brusque retour à la réalité me laisse une impression étrange. Je ne suis pas particulièrement pudique, mais la terrasse d’un club en plein centre-ville, séparée à peine par une porte des centaines de personnes, dont ma sœur et les amis proches de Victoria, me met tout à coup mal à l’aise. Même si je l’ai vu fermer la porte à clé, je ne suis pas rassuré.

Je retire le préservatif de ma queue, ne sachant pas trop où le jeter. Victoria perçoit ma confusion, le récupère d’un geste pratique, se penche pour ramasser l’étui en plastique tombé au sol et se dirige vers un coin de la terrasse pour nous en débarasser discrètement dans une poubelle, tout en réajustant sa tenue. Je la regarde faire en me rhabillant moi-même rapidement me demandant s’il y a d’autres préservatifs dans cette poubelle — j'espère que non — ou si elle a déjà couché avec un mec sur cette terrasse. Peut-être avec ce mec sur la photo, celui qui m’a intercepté en bas... Putain, pourquoi je pense à ça maintenant ? Je devrais me concentrer sur l’instant présent, pas sur des questions qui me torturent l’esprit. Je suis en train de reboutonner ma chemise lorsqu’elle se plante devant moi.

— “Écoute, James, comme tu le sais, c'est mon anniversaire... ”

Je la coupe sans réfléchir, un peu abruptement :

— “Quel âge tu as ?

Elle cligne des yeux, visiblement confuse par ma question.

— “Quoi ?”

Je répète alors, avec un peu plus de douceur.

— “Je suis majeure... si c’est ça qui t’inquiète. Mais j’espère bien que tu t’en rappelles !”

Merde, ce n’est pas ce que je voulais dire. Devant mon air renfrogné, elle finit par me répondre, d’une voix plate et fatiguée.

— “Aujourd'hui, j’ai 24 ans”.

Les mots résonnent dans ma tête alors que je les répète silencieusement : “24 ans, j’ai donc cinq ans de plus qu’elle”, me dis-je à moi-même. Merde ! Je rajuste ma chemise dans mon pantalon et boucle ma ceinture. Je pensais qu’elle était plus âgée. Pas que ça me dérange, ou qu’elle semble vieille. Physiquement, elle pourrait tout aussi bien avoir 18 ans ; ses traits sont encore délicats et jeunes. Mais, à cause du temps que j’ai passé avec elle et des discussions que nous avons partagées, je sais que cette fille est mature et sûre d’elle. Son esprit, ses réflexions, sa manière d’aborder les choses montrent une profondeur que l’on associe souvent à des âges plus avancés. C’est comme si elle avait accumulé une sagesse bien plus grande que celle que l’on pourrait attendre à 24 ans.

— “Tu vois, c’est exactement pour ça que ça ne va pas.”

Je la regarde en plissant les sourcils, un peu perdu.

— “Comment ça ?”.

Elle soupire visiblement agacée.

— “Moi, je sais précisément quel âge tu as, James.”

Je souris légèrement en entendant sa remarque.

— “L’âge n’a pas d’importance”, lui rétorquè-je.

— “Tu es née le 29 novembre 1993”, dit-elle sur un air de défi.

Elle a fait des recherches sur moi. Moi aussi, mais je n’ai jamais été curieux de connaitre son âge. Je savais qu’elle était majeure. L’âge ne compte pas. Ce qui compte, c’est ce qu’on fait avec le temps qu’on a. Et soudain, je comprends : ce n’est pas une question d’âge. Elle m’en veut parce que je ne connais pas son anniversaire.

— “On est donc né tous les deux un 29. Et toi, sais-tu qui de ma sœur ou de moi est l'ainé ?” lui demandè-je, à mon tour.

— “Je ne crois pas que tu me l’aies dit”, répond-elle.

— “Précisément”.

J’ai bien cru qu’elle allait taper du pied, mais non. Au lieu de ça, elle me lance un regard qui mélange frustration et curiosité.

— “Tu sais très bien ce que j’ai voulu dire”, me lance-t-elle, ses yeux plissés cherchant les miens avec une intensité que je reconnais comme de l’agacement.

Elle se positionne de profil, de sorte que je ne vois plus qu’une partie de son visage faiblement éclairée. Je soupire, réalisant l’ampleur de ces non-dits.

— “Oui, tu voulais me faire comprendre à quel point il y a encore des choses que nous ne savons pas l’un sur l’autre”, lui réponds-je calmement, espérant désamorcer la situation.

Je la regarde attentivement, voulant comprendre ce qu'elle ressent vraiment et je vois qu'elle est en train de chercher ses mots, pesant chaque pensée. Avant qu’elle n’ouvre la bouche, je rétorque :

— “Je comprends et je suis désolé. Peut-être que j’ai été trop focalisé sur d’autres aspects et que j’ai négligé certains détails…”.

Je laisse mon dernier mot en suspens entre nous et j’observe sa réaction. Elle incline légèrement la tête, ses cheveux tombant en cascade le long de son épaule. Sa posture, à la fois éloignée et ouverte, montre qu'elle est prête à écouter autant qu'à parler. Elle regarde ses pieds un instant, s’agite, puis relève les yeux vers moi.

— “Tu fais chier James !”

Ses paroles sont violentes, mais ces yeux ne sont pas empreints de colère. Elle est en tain d’analyser la situation, peut-être d’intérioriser ce qu’il vient de se passer entre nous, là sur ce toit-terrasse. Ses émotions sont manifestes et je peux voir les rouages qui carburent dans sa tête.

— “Ok. J’ai besoin d’un verre”, finit-elle par dire.

— “Ça ne t’aidera pas... ”

— “Qu’est-ce que t’en sais bon sang !”

"Par expérience...", je pense. Le ton de sa voix est plus aiguisé qu'un couteau, une frustration non contenue perce à travers. Elle croise les jambes et les bras, ses doigts se crispant sur ses avant-bras, une posture qui traduit à la fois une certaine fermeture et une défense instinctive. Je pose ma main sous son menton et l’oblige à tourner le visage pour me regarder. Elle se laisse faire en battant des paupières. J’ai besoin qu’elle voit la sincérité dans mes yeux, et ma détermination à réparer mes conneries.

— "Victoria, regarde-moi".

Et je pense au plus profond de moi : “Je ferai tout ce que tu veux. Tout. Je répondrai à tous tes désirs, sans réserve. C’est à toi de tenir les rênes, de choisir la direction qu’on prendra. Le pouvoir est entre tes mains, celui de décider si nous pouvons encore être ensemble ou non. Je ferai l’impossible si tu le veux. Je te décrocherai la lune si tu me le demandais. Je suis prêt à tout sacrifier pour toi, à me plier à à la moindre de tes volontés, à me soumettre entièrement à tes choix. Tout ce que je veux, c’est te prouver que je suis entièrement à toi, que je donnerais tout ce que j’ai pour que tu sois heureuse, même si cela signifie me perdre en chemin.”


Mais je lui dis simplement :

— “Je te l’ai dit, je ferais tout ce que tu veux. Alors, qu’est-ce que tu veux Vi ?”.

Son regard se fait triste et lointain. Puis, après quelques secondes, sa posture s’assouplit légèrement, montrant une ouverture timide malgré l’anxiété sous-jacente.

— “Tu es le seul à m’appeler comme ça”, avoue-t-elle.

— “Ça te dérange ?", je lui demande prudemment.

Je lâche son visage et glisse une mèche rebelle derrière son oreille. Elle secoue la tête lentement, ses cheveux bougeant en cascade autour de son visage.

— “Non.”

— “Bien. Tu n’as pas répondu à ma question.”, je lui rappelle.

Ses mains jouent nerveusement avec le bas de sa robe, mais une petite lueur apparait dans ses yeux. Elle a compris.

— “Je veux qu’on ait une conversation tous les deux. Demain.” commence-t-elle. “Je veux qu’on n’oublie pas ce qui vient de se passer”, ajoute-t-elle en tendant la main vers ma joue. Elle caresse mon visage puis poursuit dans un sourire : “Je ne veux pas que la soirée se termine ici”. Enfin, elle m’embrasse délicatement en se hissant sur la pointe des pieds et termine : “Je veux danser avec toi, James.”

Elle se détache et me tend sa main, sa paume ouverte, une invitation pleine de tendresse et de vulnérabilité. Sans hésiter, je prends sa main dans la mienne, un frisson d’électricité parcourant nos doigts entrelacés. Son regard se fait plus doux, presque réconfortant.

Nous retournons à l’intérieur.

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