CHAPITRE 22.1 * VICTORIA

7 minutes de lecture

AU BORD DU GOUFFRE

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V.R.S.de.SC

♪♫ ??? ♪♫



Après avoir passé près d’une demi-heure plongée dans mon livre, j’ai décidé de me préparer un repas rapide et simple. Un reste de soupe de légumes d’automne, mijoté dans la semaine et une tartine grillée, ont fait l’affaire. À chaque cuillère chaleureuse et veloutée fondant sur ma langue, à chaque morsure dans le pain beurré, je me sentais enveloppée par une vague de réconfort. C’était exactement ce dont j’avais besoin, une étreinte chaude et bienveillante pour l’âme, de quoi chassait le stress accumulé. Pour couronner ce moment de douceur, je me suis même octroyé un petit plaisir coupable : un carré de chocolat au lait et aux éclats de noisettes — enfin, disons plutôt, une demi-tablette.


Pour continuer à diminuer fatigue et tension, je me suis faufilée sous la douche, où l’eau brûlante a caressé mon épiderme, apportant une sensation de légèreté. La fragrance délicate de l’huile d’argan a flotté dans l’air, dissipant lentement les préoccupations de la journée. James suivait mes pensées non plus comme un spectre, mais comme une brise agréable, effleurant ma mémoire avec une tendresse inattendue.


Une fois rincée et revigorée, j’ai enfilé mon pyjama, un nouvel ensemble beige, doux et cosy que j’avais choisi avec soin. Le tissu glissait sur ma peau, ajoutant à mon sentiment de bien-être. À chaque mouvement, l’écho de sa présence me suivait, tel une chaleur résiduelle. Les éclats de nos rires passés se réverbéraient autour de moi, me rappelant que, même dans la solitude, des traces de lui dansaient toujours dans mon sillage.


C’est ainsi depuis des semaines : mon humeur oscille entre la mélancolie des souvenirs et une colère sourde face à l’ambiguïté et les zones d’ombres qui entourent notre histoire. Chaque jour, je naviguais entre le besoin de combler le vide qu’il a laissé pour pouvoir recouvrer ma paix intérieure et le désir de ressentir à nouveau ce que j’ai éprouvé avec lui. J’avais l’amère impression que ce qu’il représentait, cette connexion unique, constituait quelque chose que je ne retrouverai jamais chez personne d’autre. Dans le silence de mon cœur, une petite voix chuchotait que, même sans étiquette, notre lien était peut-être celui qui définissait tout le reste.


Demain soir, je saurai enfin où j’en suis. L’étincelle entre nous subsiste toujours, et l’attraction est réciproque, c’est indéniable. James m’a déjà avoué ses sentiments : il m’aime. Mais est-ce que mes propres émotions, aussi intenses soient-elles, suffiront pour que je lui ouvre mon cœur ? Peut-être que le moment de vérité approche, mais ai-je vraiment le courage d’affronter ce qui pourrait changer notre dynamique à jamais ?


Je laisse échapper un soupir, me reconnecte au présent. Je finis par me lover sur le canapé, m’emmitoufle dans un plaid gris douillet avec une tasse de chocolat chaud près de moi et ma vapoteuse. Ce soir, j’ai besoin du maximum de réconfort possible. Je lance une plateforme de streaming sur ma télé et choisis de regarder Outlander, ma série de prédilection. L’épisode vient à peine de commencer, et déjà, je me retrouve happée par l’histoire, émerveillée par l’Amérique du XVIIIe siècle. Les paysages majestueux, les costumes d’époque, tout m’apaise et me transporte, comme une escapade mentale loin de mes propres tourments. Mais je ne peux m’empêcher de remarquer que le personnage principal, Jamie Fraser, partage plus qu’un simple prénom avec l’homme qui habite mes pensées. Et quand bien même si j’essaie de l’oublier, la comparaison est inévitable.


Leur ressemblance me fascine autant qu’elle me trouble. Tous deux écossais, avec cette même force tranquille et ce charme irrésistible qui semble presque inné. Voir autant de similitudes entre la fiction et ma réalité est déroutant. Jamie, avec son charisme brut et son cœur d’or, me rappelle dangereusement James et la manière dont il peut si facilement balayer mes défenses et éveiller mes perceptions.


Je songe un instant à opter pour une série moins romantique, comme Mad Men, Peaky Blinders ou Breaking Bad — quelque chose avec un peu plus de mordant et moins de tendresse, qui m’aiderait peut-être à garder la tête froide. Mais à bien y réfléchir, des histoires de drogues, de trahisons et de meurtres ne sont vraisemblablement pas des choix plus judicieux, surtout après les révélations que James m’a faites ce matin.


Juste après le départ de mes copines, une réaction m’était enfin parvenue. J’avais passé l’après-midi dans l’angoisse, à guetter un message qui ne venait pas. Pas de texto, ni d’appel. Mon premier sms — envoyé pour annuler notre déjeuner — était resté sans réponse, me laissant à la fois triste et désemparée. J’avais d’abord pris mon mal en patience, déterminé à ne pas succomber à la tentation de l’interpeller. Mais, après mûre réflexion, j’avais rassemblé mon courage et décidé de l’inviter à la soirée d’Halloween, comme évoqué avec Leslie et Nina.


Encore une fois, j’avais attendu, anxieuse, craignant qu’il ne réplique jamais. Son nom a fini par s’afficher sur mon écran peu avant 20 h. « Ok », puis, presque instantanément, un smiley sourire. Malgré la brièveté de son message, j’avais senti la pression se relâcher dans ma poitrine. James viendrait, et quelque part, cette certitude me réjouissait plus que je ne l’avais escompté. Pour l’amener à s’impliquer dans la conversation et dans l’espoir de susciter son intérêt, j’avais rapidement tapoté en retour le thème de l’évènement « Anges et Démons », mais sa réponse avait été tout aussi distante : « C’est noté. »


Au début, sa confirmation m’avait apporté satisfaction et soulagement. Pourtant, au fil des secondes, cette simplicité a commencé à m’irriter. Pas de questions, pas d’approfondissement, juste trois quatre mots à la hâte qui semblaient réduire notre complicité à une froideur déconcertante. Je me souvenais nos anciens échanges où il s’enthousiasmait pour chaque détail, où on pouvait passer des heures à discuter de choses et d’autres, de petits riens, de grands projets. En vérité, j’attendais qu’il me dise qu’il comprenait mon invitation, qu’il était heureux de venir, ou même qu’il se souciait de notre situation. Mieux, j’aurais préféré qu’il m’appelle pour qu’on puisse en discuter de vive voix, partager nos pensées, comme autrefois. Cette absence de nuance m’avait perturbé plus que de raison, je le sais, mais j’avais la désagréable impression que notre lien était désormais relégué à une formalité.


Qu’est-ce qu’il lui prenait, à la fin ? J’avais senti l’agacement poindre et, plus vive encore, une note de colère s’imprimer dans mes entrailles. Mais, je m’étais vite ressaisi : peut-être était-il occupé tout simplement, absorbé par des contrariétés que j’ignorais. Peut-être que j’exagérais les choses. Après tout, il n’était pas dans ma tête et ne pouvait pas savoir à quel point son manque d’enthousiasme m’attristait. Trouver un équilibre entre malaise et compréhension était nécessaire.


Puis, je m’étais demandé comment il vivait tout ça de son côté : nos retrouvailles imprévues, sa volonté manifeste de ne pas se contenter d’une simple amitié, et surtout, sa déclaration d’amour. Ces paroles résonnaient encore en moi, troublantes et puissantes, mais surtout, empreintes de tant de questions. Comment parvient-il à gérer ses propres émotions dans tout ce chaos ? Comment arrive-t-il à concilier l’amour qu’il dit me porter avec toutes les craintes qu’il m’a exprimées ?


Plus j’y réfléchissais et plus je réalisais que James est devenu une énigme à mes yeux, une contradiction permanente qui ne cesse de m’intriguer et de m’inquiéter. Sa dépendance à la drogue, bien qu’apparemment sous contrôle pour le moment, reste tout de même une épée de Damoclès prête à s’abattre sur lui. Sur nous ?


J’avais perçu la peur sur son visage, cette peur de replonger dans les ténèbres dont il avait à peine émergé. Il hésitait, déchiré entre ses sentiments pour moi et ses propres démons intérieurs, et je me demandais comment il pourrait éviter de sombrer. Puis, la vérité m’avait frappée : James est déjà en train de se noyer. Il se débat, lutte désespérément pour résister au courant, pour garder la tête hors de l’eau, mais au fond, il est déjà totalement submergé.


Il dit ne pas attendre de moi que je le sauve, mais il est impensable que je le laisse couler dans les profondeurs. Ce serait comme voir un navire en détresse à la dérive dans une mer noire : hors de question que je reste sur la rive, spectatrice impuissante de sa perte. Sauf si… sauf si je suis la cause principale de sa tempête… sauf si, en cherchant à le secourir, j’aggrave son naufrage. Mon Dieu, il y a de la place dans mon cœur pour deux, mais si je devenais le vent qui précipite les vagues au lieu de l’ancre qui le stabilise ?


James… celui qui a été le soleil de ma vie pendant une semaine, avant de m’abandonner au crépuscule d’un chapitre que j’ai essayé si fort de refermer. Celui qui aurait dû se transformer avec le temps en un rayon de joie éternel dans les méandres de ma mémoire. Se peut-il qu’il soit l’homme avec qui je vais voguer contre vents et marées ? Le compagnon de voyage à travers les tumultes de ma vie ? Si James est ce navire fragile perdu dans cette mer déchaînée, suis-je prête à embarquer pour cette traversée fluctuante ?


Tout est trop confus dans ma tête, comme un puzzle dont les pièces refusent de s’emboîter. Et puis, il y a ce quelque chose dans son passé avec Amy, un aspect troublant pas encore entièrement clair pour moi. Les bribes d’informations que j’ai rassemblées ne forment qu’une image partielle, insuffisante pour embrasser l’intégralité de leur histoire.


Mes propres émotions — désir, colère, peur — me tiraillent, mais une chose est indéniable : je veux comprendre, percer les mystères et trouver un chemin, même s’il est semé d’embûches. Il m’a laissé dans le doute trop longtemps et il faut que je cesse de vivre dans l’incertitude.


Épuisée par cette tempête intérieure, j’ai réalisé que je ne pouvais pas continuer à me perdre dans ces réflexions. J’avais besoin d’un répit, d’un moment pour respirer et m’éloigner de ce tourbillon affectif. Alors, je me suis tournée vers l’épisode 13 de la saison 3 d’Outlander, espérant que l’univers de Claire et Jamie m’apporterait l’évasion nécessaire.







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