CHAPITRE 8.2 * VICTORIA
V.R.S.de.SC
♪♫ HIT SALE - THERAPIE TAXI ♪♫
Dans une prière silencieuse, j’avais attrapé la première personne que je croisais dans la loge, ma cousine Laurie. Elle n’avait pas hésité, sentant probablement mon besoin désespéré de m'éloigner quelques minutes. On avait traversé la mezzanine et longé le couloir qui mène au bureau de Mati. La musique semblait se dissoudre derrière nous, et je pouvais enfin respirer un peu plus librement.
Une fois à l'intérieur des toilettes privées, j'avais poussé un long soupir et je m’étais appuyée contre le lavabo. L’écho des basses persistait faiblement à travers les murs, mais ici, à l’abri des regards, je pouvais enfin retrouver un semblant de calme. Laurie, avec sa sensibilité habituelle, avait immédiatement perçu que quelque chose n’allait pas.
— “Qu’est-ce qu’il y a ?”, m'avait-elle, demandé, sa voix douce contrastant avec le bruit distant de la fête, tout en me prenant par les épaules.
Je m’étais regardée dans le miroir derrière nous. Mon reflet trahissant mon trouble : mes joues encore rosies par la danse, mes lèvres légèrement enflées par les baisers passionnés échangés avec James, et dans mon regard, une lueur d’incertitude. J'avais fermé les yeux un instant, essayant de retrouver un semblant de calme.
— “Je ne sais pas si je peux gérer tout ça”, avais-je dit plus pour moi-même que pour elle. “Je veux dire tout ça, James”... avais-je précisé en faisant un geste ample de la main.
— “On prend quelques minutes ici, d’accord ?”, m'avait-elle proposé, une lueur de compréhension dans les yeux. “Juste toi et moi, on respire un peu, et après, on voit ce que tu veux faire.”
J'avais hoché la tête en signe de reconnaissance. Une pause était exactement ce qu’il me fallait. Un entracte. Le temps de comprendre ce que je voulais vraiment, de mettre de l’ordre dans mes pensées et de décider si j’étais prête à retourner vers James, ou s’il valait mieux, au moins, pour ce soir, prendre mes distances.
Je luttais contre moi-même, tiraillée entre l’envie de poser des limites, d’être ferme et rationnelle, et le désir de profiter sans prise de tête. Parfois, quand je regardais James, j’avais l’impression que lui aussi était traversé par des émotions contradictoires. Je le percevais dans sa façon de me tenir, parfois hésitante, parfois possessive. Il était aussi perdu que moi et je me demandais s’il était sage de nous torturer ainsi, de chercher à tout comprendre, à tout contrôler.
Peut-être qu’il était temps de mettre de côté les questions sans réponse, les peurs qui s’infiltraient dans mon esprit. Je pourrais réfléchir plus tard, prendre du recul et analyser ce que tout cela signifiait pour nous... mais pas maintenant.
À ce moment-là, tout ce que je voulais, c’était être avec lui, sentir ses mains sur ma peau, son souffle contre mon cou, ses lèvres contre les miennes. Il y aurait bien assez de temps pour les doutes et les remises en question, plus tard. Ça faisait des semaines que je me torturais, et j’en avais plus qu’assez ! J’avais décidé que, pour cette nuit, j’allais simplement me concentrer sur ce que je ressentais, sur ce plaisir simple et immédiat que je n’avais que trop rarement pris le temps de savourer dans ma vie. Habituellement, je préfère tout gérer, tout contrôler, mais ce soir, je voulais être moins philosophe. Peut-être que l'alcool, avec son effet engourdissant, me poussait à mettre de côté mes réflexions et à me perdre dans l'instant présent, même si cela brouillait un peu ma clarté d'esprit. Tant pis, je veux James !
Lorsque j’étais sortie des toilettes avec Laurie, je me sentais plus apaisée, mais franchement résolue. À peine avais-je franchi le seuil que Nina et Leslie m’avaient intercepté, leurs sourires complices trahissant leur intention. Elles m’avaient entraîné vers l’estrade du rez-de-chaussée et c’était exactement ce dont j’avais besoin. Avec les doutes qui m’assaillaient encore, leurs encouragements étaient une bouffée d’air frais.
Avant de descendre les marches, j'avais échangé un regard et un sourire rapides avec James. Je voulais qu'il revoie cette version de moi, joyeuse et libre et qu'il comprenne que j'avais aussi besoin de me reconnecter avec moi-même.
À mesure que Nina, Leslie et moi, nous nous sommes rapprochées de l’estrade, l’énergie du club avait semblé se transformer, comme si la musique elle-même m’invitait à libérer mes émotions refoulées. Quand les premières notes de la chanson puissante Dark Nights de Dorothy avaient éclaté dans l’air, j’avais ressenti un frisson parcourir ma colonne vertébrale. Cette chanson, avec sa mélodie implacable et son rythme intense, correspondait parfaitement à l’énergie que je voulais dégager. Les mots résonnaient en moi comme un écho à mes propres pensées, un cri de guerre intérieur.
“Cause I need a man with a black heart of gold [...] Cause I need a man who will fight for his own”.
James, accoudé à la rambarde de l’étage, m’observait intensément et je voulais qu’il saisisse toute la portée de ma revendication. Je ne cherche pas un homme parfait, mais un homme intense et authentique. J’avais besoin de libérer mon âme de mes chaînes émotionnelles. Si James voulait être avec moi, il devait être cet homme-là, celui qui ne faiblit pas, ne se dérobe pas. Je captais son air grave et sombre. Il comprenait, mais la question restait suspendue au-dessus de nos têtes : sera-t-il à la hauteur ?
Lorsque le titre suivant avait fendu l’air, Woman de Doja Cat c’était comme si la musique me donnait une voix supplémentaire, un moyen de faire passer un autre message clair. Chaque mouvement, chaque geste que je faisais sur l’estrade était une déclaration de force et de détermination. Je ne me laisserai pas briser si facilement. J’allais me battre pour moi-même, pour ce que je voulais, et s’il essayait de me pousser à bout, j’avais le pouvoir de le détruire également. Ma danse était devenue délibérément sexy et provocante. Je m’étais déhanchée au rythme du tempo afrobeat et de la voix suave de la chanteuse, célébrant ma féminité et ma confiance en moi sous les regards exaltés de la foule. James avait cette expression fascinée, comme s’il était à la fois captivé par ma danse et à deux doigts de venir m’extirper de là de force. Cette tension, mêlée à son regard intense, m’avait fait sourire.
Sur un mix de Maneater et de Dakiti, mes amies et moi avions encore intensifié notre jeu, laissant les paroles franchir nos lèvres à tue-tête, fuser dans l’air et s’implanter dans les esprits échauffés de la foule, galvanisée par la tension sexuelle presque palpable. Leslie dans mon dos, Nina devant moi, nos corps se mêlaient et se démêlaient sensuellement. On incarnait la confiance et le pouvoir, faisant ressortir notre force et notre séduction à chaque geste. La salle entière ressentait l’effet magnétique de notre danse et les regards admiratifs ne faisaient que renforcer notre sentiment d’emprise. Pour moi, c’était une manière de rappeler à James, que je n’étais pas une femme qu’il pouvait enfermer dans une case. J’étais libre, puissante, et je comptais bien lui montrer que, peu importe ce qu’il pensait ou ressentait, je resterais debout, prête à affronter tout ce qui viendrait.
C’est Mati qui était venu nous descendre de l’estrade peu après. Alors que je descendais les marches, encore vibrante de l’énergie de la scène, je me sentais prête à retrouver James avec une détermination renouvelée. Il nous avait alors gentiment grondées :
— “Vous voulez déclencher une orgie dans le club ou quoi, putain ?”.
J’avais ri à sa remarque en me perchant sur son épaule. Leslie, avec son habituelle répartie, lui avait répondu du tac au tac :
— “Excellente idée, comme ça tu pourras enfin apprendre deux trois petits trucs sur le plaisir féminin”, avait-elle lancé sarcastiquement.
Mati, imperturbable, avait répliqué :
— “Si on monte là tout de suite tous les deux dans mon bureau, Les, je pourrais t’apprendre deux ou trois petits trucs, moi aussi.”
Ma copine avait plissé les yeux, un sourire narquois se dessinant doucement sur ses lèvres, avant de riposter :
— “Dans tes rêves, Mati. À toi tout seul, t’arriverais même pas à me faire frissonner.”
— “C’est marrant, parce que j’ai un tout autre souvenir. Si tu te rappelles bien, c’était toi qui me suppliais à chaque fois.”
Il avait souri en disant cela, mais je voyais clairement qu'il tentait de cacher une lueur d’amertume et de regret. Leslie l’avait regardé intensément dans les yeux pendant un instant, puis visiblement agacée, elle lui avait tourné le dos en lui lançant un “Ferme-là” avant de se précipiter au milieu d’un groupe de mecs, cherchant probablement à noyer sa frustration en le rendant jaloux, encore une fois.
Après ça, Nina et moi avions fait un détour par le bar. Elle avait envie d’un câlin rapide et Baptiste, malgré le bar bondé, avait pris le temps de l’embrasser tendrement avant de nous préparer deux nouveaux cocktails pétillants.
Tout à coup, des bras m’avaient enserré et caressé la taille. Sans l’ombre d'un doute, j’ai immédiatement su que c’était James. La chaleur de ce contact si familier m’avait fait frémir de la tête au pied. J’avais senti son souffle dans mon cou alors qu'il se pressait contre moi, sa présence à la fois rassurante et électrisante. J’avais tourné légèrement la tête pour le regarder et apercevoir des notes de surprise et de désir dans ses iris bleus saphir. Ses bras s’étaient refermés autour de moi, comme pour ancrer ce moment de connexion. Puis, avec une fermeté déterminée, il m’avait retourné et plaqué contre lui, plaçant ses mains sur mes hanches avec une assurance possessive. Avant même que je puisse réagir, ses lèvres s'étaient posées sur mon cou, puis l'échauffement d’un suçon m’avait fait frissonner d'extase. C'était un geste impatient, presque primitif, qui affirmait son désir de manière brute et inévitable. Il me revendiquait et je comprenais parfaitement son besoin impérieux — je l'avais moi-même provoqué.
Nos bouches s'étaient trouvées et doucement explorées. Ses lèvres étaient agréablement fraîches, mais le goût de whisky était distinctif et marquant — James et le whisky une alliance étourdissante… Nos langues se sont mêlées avec une lenteur sensuelle, découvrant le plaisir d’une intimité retrouvée. Je sentais la chaleur de l’alcool, amplifiant la douceur de ce contact, chaque effleurement apportant un éclat de désir.
— “T’es une putain de déesse”, m'avait-il glissé à l’oreille juste après m'avoir embrassé.
Je lui avais mordu la lèvre en retour, un geste taquin qui avait fait rire James contre ma bouche. La tension palpable entre nous avait semblé se dissoudre sous ce simple échange, remplacée par une complicité plus douce et presque familière.
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