CHAPITRE 16.3 * JAMES

6 minutes de lecture

J.L.C

♪♫ ... ♪♫

Victoria ressort enfin de la salle de bain, éclatante, encore plus radieuse qu’à l’accoutumée. Je me surprends à en être ému. Ses yeux sont subtilement accentués, ses joues légèrement colorées, rien sur les lèvres, comme d’habitude…

Un jour, elle m’avait expliqué pourquoi elle ne mettait jamais de rouge à lèvres : elle avait cette mauvaise habitude de passer sa langue sur ses lèvres ou de les mordiller lorsqu’elle était concentrée. “À cause de ces petits gestes, que je fais sans même s’en rendre compte en plus, les rouges à lèvres ou les gloss ne tiennent jamais”, m’avait-elle dit. Alors, elle avait fini par abandonner l’idée d’en porter. Je l’avais vue faire plusieurs fois, mais je me souviens aussi d’une lueur étrange dans son regard quand elle m’en avait parlé, un bref flottement qui m’avait fait douter qu'il n'y ait pas autre chose derrière cette explication, quelque chose qu’elle ne souhaitait pas vraiment partager. Je n'avais insisté.

Personnellement, je dois avouer que j’apprécie cette absence d’artifice. Il y a quelque chose de rafraîchissant à pouvoir goûter ses lèvres sans rien entre nous, juste la pureté de son goût à elle. C’est cette simplicité brute, cette authenticité qui me captive. En un sens, je rêve de capturer cette essence pure dans quelque chose de tangible.

Un whisky qui aurait son goût, un hommage liquide à l’imprenable et subtil parfum de ses lèvres. Je l’imagine déjà : une base douce d’orge malté bien sûr avec des nuances suaves de miel pour évoquer cette douceur inoubliable. J’ajouterais des écorces d’agrumes, peut-être du pamplemousse ou de la bergamote, pour rappeler la vivacité de ses baisers. Un soupçon de cannelle et de clou de girofle capturerait parfaitement la chaleur réconfortante qui émane d’elle. Je vieillirai le tout dans des fûts de chêne soigneusement sélectionnés, qui aurait contenu du gin par exemple, pour introduire des notes d’herbes et de baies de genièvre et traduire la fraîcheur et la complexité qui m’enveloppe quand je l’embrasse. Ce whisky serait comme une symphonie de saveurs, chaque gorgée offrant une réminiscence de cette intimité rare et précieuse, un mélange envoûtant de saveurs et d’émotions que je ne peux oublier.

Alors que je suis perdu dans ces pensées, Victoria se tourne vers moi, un sourire curieux aux lèvres.

— “James, tu fais une drôle de tête. À quoi penses-tu ?”

Je me secoue légèrement, réalisant que je suis resté absorbé par mes réflexions.

— “À du whisky...”, dis-je en plongeant mon regard dans le sien, qui m’évoquent si bien la couleur d’un bon cru.

— “Une nouvelle création ?” s’enquiert-elle, ses yeux brillants d’un intérêt sincère.

— “Oui”, je réponds avec légère touche de mystère. “Quelque chose qui capture une douceur complexe, une essence qui m’est particulièrement chère.”

— “Ah oui, laquelle ?” demande-t-elle avec une innocence charmante, tout en ajustant ses boucles d’oreilles avec un sourire subtil.

— “La tienne… Le goût de tes lèvres...”

Un sourire joue sur mes propres lèvres en voyant son léger rougissement. Ses yeux s’écarquillent brièvement avant qu’un sourire mi-timide, mi-amusé ne s’y installe. À cet instant, je réalise à quel point sa beauté naturelle, sans artifices, rayonne plus que tout ce que l’on pourrait imaginer. Je me demande comment j’ai pu un jour envisager de la perdre.

— “Et qu’est-ce qui te fait penser que mes lèvres seraient un bon modèle pour un whisky ?“ questionne-t-elle en se mordillant délicatement la lèvre inférieure, entrant dans mon jeu.

— “Parce qu’elles sont mémorables, inoubliables.”, je déclare comme si c’était une évidence.

Victoria fait un pas dans ma direction se rapprochant imperceptiblement de moi. Je l’entends prendre une grande inspiration juste avant de me chuchoter :

— “Pourquoi ne pas me montrer ce que tu comptes capturer exactement ?”

Mon cœur rate un battement, pris de court par l’intensité de son regard. Je pose instinctivement ma main sur sa hanche, la ramenant doucement à moi. Victoria se laisse faire posant ses paumes à plat sur mon torse. Je me penche vers elle, déjà conquis par la promesse du moment. Alors que mes lèvres effleurent à peine les siennes, je vois une étincelle s’allumer dans ses yeux.

— “Mais pas maintenant, James. Je suis prête à partir.”

Elle se recule légèrement, son sourire révélant un mélange d’amusement et de complicité. J’aspire encore à ce moment suspendu, cherchant à capter la chaleur de son sourire, quand elle se détourne pour retourner dans sa chambre. Je la regarde partir, le cœur encore battant sous l'effet de notre presque-baiser. Je laisse échapper un soupir, et putain… et putain… je réajuste malgré moi ma queue qui commence déjà à frétiller dans mon pantalon. Merde, quand je dis que je veux tout faire pour elle, je suis bien servi.

Je m’efforce de me concentrer sur ce que je peux faire pour alléger son urgence. La perspective de l’aider, aussi banale soit-elle, me semble maintenant précieuse.

— “Tu as besoin d’aide ?” je l’interpelle poliment, avec l’intention sincère de lui rendre service plutôt que de rester là à me morfondre, inutile et inactif.

— “C’est gentil, merci. Tu pourrais remplir ma gourde avec de l’eau fraîche sil-te-plait ? C’est la petite grise sur le comptoir près de la machine à café.”

Je hoche la tête et me dirige vers la cuisine. La gourde est exactement où elle l’a indiquée. Je la prends et la place sous le distributeur de son frigo. Constatant que le bac à eau est vide, j’entreprends de les remplir au robinet. L'eau coule lentement et je me surprends à sourire en constatant combien il m’est agréable de faire enfin quelque chose pour elle. Même après le presque-baiser, c’est ce simple acte de préparer sa gourde qui me semble désormais étrangement romantique.

Lorsque je me retourne, Victoria est plongé dans la fouille frénétique de son bureau. A ses sourcils froncés et son regard agité, je comprends qu’elle n’arrive pas à mettre la main sur quelque chose. Je trouve ça mignon, cette petite pointe de panique dans son attitude. C’est tellement elle, jongler entre mille tâches avec une certaine désorganisation, mais sans jamais vraiment sombrer dans le chaos. Elle pousse un soupir frustré, et je m'approche doucement, la gourde à la main.

— “Merci”, me dit-elle, avec un regard qui me fait presque oublier que je suis ici pour jouer les assistants logistiques.

Puis, elle se fige un instant, comme si une pensée fugace venait de la traverser. Ses yeux s’évasent légèrement.

— “Je l'ai !”, s’exclame-t-elle, triomphante, en sortant un carnet de sous une pile de papiers, avec un sourire qui pourrait faire fondre n'importe qui. “Je savais bien qu’il était là quelque part. On peut y aller”.

Un sentiment de légèreté flotte maintenant entre nous, comme un soulagement après l’intensité des dernières heures, une sensation de normalité retrouvée après avoir franchi une sorte de seuil invisible. Je la suis lorsqu’elle saisit son téléphone sur la table basse et un petit carton posé près du meuble télé. Nous enfilons nos chaussures simultanément : elle ses baskets en toile blanche, confortables et décontractées, et moi mes boots en cuir chocolat, plus formelles. Nos tenues ne sont absolument pas assorties. J’ai hâte de me doucher et de me changer... ou peut-être pas, car ça voudrait dire me débarrasser du parfum de Victoria qui flotte encore sur ma peau et mes vêtements. Nos tenues sont loin d’être assorties. En fait, je me surprends à penser à quel point j’ai hâte de me doucher et de me changer... ou peut-être pas, parce que ça signifierait me séparer du parfum de Victoria, encore présent sur ma peau et mes vêtements.

En quittant l’appartement, je passe un dernier regard autour de la pièce. Je me rappelle ces soirées où on discutait jusqu’à l’aube, où le monde extérieur semblait disparaître. Ces souvenirs sont des pierres angulaires de notre relation et je m’accroche à eux comme à des promesses de ce que nous pouvons encore construire. Alors qu’elle referme la porte derrière nous, un mélange de nostalgie et d’espoir m’envahit. J’espère de tout mon cœur que je pourrai bientôt remettre les pieds ici, retrouver cette chaleur, cette intimité, et continuer à écrire notre histoire à deux.

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