CHAPITRE 24.5 * JAMES

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J.L.C

♪♫ ... ♪♫

Le besoin de la toucher devient intenable. Elle est là, appuyée au muret, les bras croisés, absorbée par ses pensées, et moi, je suis trop proche, mais encore trop loin. Lentement, presque inconsciemment, ma main se tend vers sa tempe, effleure ses cheveux du bout des doigts.Je poursuis ma caresse le long de sa joue, puis la courbe délicate de sa mâchoire comme un remerciement silencieux. Pourtant, je n’ose aller plus loin. Un fil invisible me retient, un respect tacite de l’espace qu’elle m’autorise, aussi ténu soit-il. Elle ne bouge pas, mais ferme les paupières et exhale un long soupir. Je préfère éviter son regard, de peur de rompre cette mince connexion que j’ai timidement amorcée.


Après un moment qui parait durer une éternité, Victoria pivote finalement dans ma direction pour me faire face. Mon bras retombe mollement.


— James, as-tu pris de la drogue ce soir ?


Mon cœur s’élance comme une flèche décochée. L'heure est venue. Il est temps que les vérités éclatent, l’engagement que je clame avec mes gestes doit se matérialiser dans mes mots.


— Non, je te le promets. Je n’ai touché à rien.


Ses yeux reste fixés sur moi, perçants, scrutateurs. Elle cherche à discerner le moindre mensonge, le moindre indice.


— Tu aurais pu ?


Je hoche la tête, luttant contre le malaise qui monte en moi. Je plonge mes mains dans mes poches, un réflexe inconscient pour me donner une contenance, mais cela n’empêche pas la tension de croître.


— Oui.


Mon Dieu, cette simple admission m'éloigne tellement de ce que je voudrais être...


Son corps se tend imperceptiblement, ses épaules se raidissant.


— Mais tu ne l’as pas fait ?


— Non. Je ne l’ai pas fait.


Elle inspire profondément et croise les jambes devant elle. Je comprends le poids de ses préoccupations et je suis prêt à lui accorder toute la transparence qu’elle exige, même si ça me coûte. Son visage se détend, mais une ombre de doute persiste dans ses traits. Elle hésite, puis lance la question suivante.


— Et l’alcool ? Est-ce une autre forme de dépendance pour toi ?


— Oui et non, je n’ai jamais eu de problème avec, tant que ce n’est pas couplé à la drogue.


Je marque une pause, pour m’éclaircir la voix. Géné par ce que je m'apprête à lui révèler, je détourne le regard vers la rue derrière nous.


— Ce soir, j’ai abusé. J’ai... J’avais besoin de compenser. Quand j’ai vu passer la came, je... J’en avais vraiment envie. J’ai joué avec le feu, je le sais. Je me suis dit que si je buvais suffisamment, je serais trop raide pour aller chercher une dose. Mais… mais avec tout cet alcool dans le sang, je ne suis plus maître de moi. Et si je n’arrive plus à me contrôler... Le risque est encore plus grand. C’est... un cercle vicieux.


Victoria m’écoute attentivement. Elle absorbe chaque syllabe, qu’elle trie, analyse, interprète, intériorise, comme toujours. Mais lorsque je lui jette un coup d’œil à la dérobée, elle se mordille la lèvre inférieure, une habitude qu’elle a quand elle est stressée, une tension que je connais bien. Je ne suis pas surpris par sa prochaine demande, même si je la redoutais plus que toute autre :


— Donc... si tu as.. enfin, si tu... couches avec une femme, c'est un besoin que tu ne peux pas réprimer ?


La question fuse, nette, implacable. Une vague d’inconfort monte en moi. Mon instinct de fuite émerge. J’ai besoin d’une échappatoire, mais la lueur dans son regard m’immobilise. Elle ne me laissera pas m’éclipser. Elle exige une réponse.


— Victoria, je...


Les mots meurent sur ma langue, étouffés par la peur. Je secoue la tête, frustré par mon incapacité à formuler mes sentiments. Merde. Pourquoi est-ce si dur ? Mon cœur bat à tout rompre, et la panique prend ses quartiers. Mes doigts tremblent quand je les porte à ma nuque, un geste nerveux, compulsif. Je baisse les yeux, contemplant mes pieds comme si la solution s’y trouvait. Je me sens pathétique, démuni.


Victoria perçoit mon hésitation, mais au lieu de reculer, elle avance, attrape doucement ma main.


— James, s’il te plaît.


Elle a besoin de savoir. Pas par curiosité, mais parce qu’elle m’accorde encore, malgré tout, la chance de lui prouver que je vaux mieux que mes erreurs passées.


Je ferme les paupières, me perd dans une introspection intense. Les images affluent en rafales, brutales et sans filtre : des nuits noyées dans l’ivresse, des corps sans visage, des décisions prises dans un état de transe où la raison n’avait plus sa place. Je revois les regards blessés, les reproches tus et la douleur infligée à mes proches, à Victoria. Chaque souvenir est un coup de poignard, me renvoie à quel point j’ai eu recours à la débauche comme une fuite en avant.


Mais au milieu de ce chaos intérieur, Victoria s’impose. Elle est cette constante qui, malgré tout, n’a jamais disparu. L’amour que j’éprouve pour elle, cet amour que je niais, étouffais, reste brûlant, inévitable. Mes escapades n’étaient qu’un bouclier, j’ai été égoïste, aveugle à la manière dont mes actes la touchaient.


Je me retourne face au fleuve, laisse errer mon attention au-delà des flots. Ce que je m'apprête à avouer n’est pas facile. J’ai peur d’effrayer davantage Victoria, mais il est temps. Je n’ai plus le choix. Si je veux être honnête, il faut que je plonge.


— Victoria, j’ai utilisé le sexe pour fuir. Oui, il y avait ce besoin physique intense, cette envie irrépressible d’assouvir une... pulsion. Mais ce n’est pas seulement ça. Je me suis servi du sexe pour nous saboter.


L’angoisse me submerge, mes doigts se crispent sur la pierre, mes articulations blanchissent sous la pression. La respiration de Victoria se fait plus rapide.


— C’était ma façon de m’empêcher de faire face à mes véritables sentiments pour toi. Une manière lâche de tout détruire avant que ça ne devienne trop réel. Trop beau pour moi. Je connais la douleur de la trahison, Victoria. Et, en agissant comme je l’ai fait, je savais que tu ne me le pardonnerais pas. C’était exactement ce que je cherchais. Une punition. Un aller simple sans retour.


Mon Dieu, si je me tourne vers elle, verrai-je du mépris, du dégoût, dans ses yeux ? Mon cœur cavale comme un cheval fou. En pivotant vers la femme à mes côtés, je ne décèle qu’un mélange de chagrin et de déception qui me désarme. Et merde...


Elle reste silencieuse, mais son expression fluctue.


— Comparé à ce que je vis avec toi, à ce que je ressens quand je suis auprès de toi... Ces plaisirs sans attache, ces moments creux... ils ne sont rien. Juste des tentatives désespérées de combler un vide que toi seule es parvenu à remplir.


Je respire profondément, sentant que les mots que je vais prononcer risquent de tout briser définitivement.


— Tu vas me dire que ça ne change rien. Que mes excuses ne gommeront pas mes actes ni la peine que je t’ai infligée. Je n'essaie pas de minimiser mon comportement ou à m’attirer ta pitié. Je veux juste que tu saches la vérité, que tu comprennes ce que tu représentes pour moi et à quel point j’ai été stupide de tout compromettre.


Je baisse la tête, ma voix à peine audible :


— C’est peut-être trop tard, mais toi... toi, ça fait plus d'un an que tu es la lumière dans ma nuit. Avant même qu’on se découvre cet été, tu étais déjà là, dans ma tête, comme une lueur qui m’appelait sans que je comprenne pourquoi. Je n'ai jamais connu une telle intensité avec une autre femme. Quand je suis avec toi, Victoria, c’est comme un aperçu du grand amour. Celui que je ne pense plus mériter.


Je termine ma déclaration, laissant mes paroles se dissiper dans l’air nocturne. Le silence entre nous est chargé d’émotions. Puis, sans un mot, elle s’avance vers moi et glisse ses mains autour de ma taille, sous ma veste. Son étreinte est à la fois douce et vive. Sa joue se pose contre mon torse, et nos cœurs pulsent en écho. Instinctivement, mes bras se referment autour d’elle, comme si c’était la seule réponse possible. Sa chaleur se diffuse en moi, enveloppant chaque partie de mon être. En cet instant, je ressens une sécurité et un sentiment d'appartenance que je n'avais jamais connus avec personne d’autre qu’elle. Ce contact rappelle la profondeur de notre lien, tout ce qu’on a partagé et tout ce qu’il nous reste à découvrir encore.


On demeure ainsi enlacés, dans le calme ambiant, chacun trouvant du réconfort dans l’autre, tandis que le murmure de la Garonne et les lumières scintillantes de la ville nous entourent. Les minutes s’étirent, se fondent dans l’ombre apaisante de la nuit.


Puis, finalement, Victoria se détache de moi, sans toutefois rompre notre étreinte. Elle cherche mes yeux, son regard rempli de détermination. Lorsqu'elle brise le silence, elle s'exprime d'une voix claire et résolue avec une assurance qui me coupe le souffle :


— J'ai requis ta franchise, voici la mienne : je ne demande qu'à te croire, James. J'ai envie de me laisser aller, mais j'ai aussi besoin de sentir que tout ça est réel. Que ce n’est pas une illusion, un beau discours, des promesses dans le vent.


Elle effleure mon torse de ses doigts, traçant un chemin invisible avant de murmurer, ses lèvres presque contre les miennes :


— Fais-moi oublier mes doutes. Emmène-moi là où plus rien d’autre n’a d’importance. Montre-moi… ce qu’on est, ce qu’on pourrait être. J'ai envie de toi James, j'ai envie que tu m'embrasses, que.. tu me fasses l'amour, comme avant. Cette nuit. Maintenant.


Comme une vague en furie, un de ces rouleaux que je surfe avec passion, ses paroles balayent tout sur leur passage, me laissant abasourdi. Chaque syllabe sussuré me fait frissonner.


Ce n'est pas simplement une demande ; c'est une affirmation, non, une confirmation de tout ce que nous avons traversé. L'idiot que je suis reste sans voix, ne sachant pas quoi répondre. Est-ce que je rêve ? Je scrute son visage à la recherche d'une trace d'hésitation, mais je ne discerne rien d'autre que cette détermination brute, ce désir palpable qui m'expédie déjà au septième ciel.


Je donnerais tout pour elle, jusqu'à mon âme et mon dernier souffle. C'est une évidence, un fait gravé dans ma chair : Victoria est mon âme sœur.

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