CHAPITRE 24.3 * JAMES

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J.L.C

♪♫ DAYLIGHT - DAVID KUSHNER ♪♫


Le besoin de la toucher devient intenable. Tandis qu’elle est accoudée au muret, les bras croisés, je tend ma main vers sa tempe et frôle doucement ses cheveux du bout des doigts. Je poursuis ma caresse vers sa joue puis la courbe de sa mâchoire comme un remerciement tacite. Pourtant, je n’ose aller plus loin. Elle ne bouge pas, mais ferme les yeux. Je préfère moi aussi éviter son regard pour le moment, de peur de rompre cette mince connexion que j’ai timidement amorcée.

Après un moment qui parait durer une éternité, Victoria pivote finalement dans ma direction pour me faire face. Ma main retombe mollement.

— “James”, prononce-t-elle, et mon nom dans sa bouche sonne comme une caresse. “As tu pris de la drogue ce soir ?”

Je sens mon cœur accélérer. C’est l’heure de lui prouver mon engagement, le moment de vérité.

— “Non, je te le promets. Je n’ai touché à rien ce soir.”

Elle continue de me scruter, son regard perçant essayant de déceler la vérité dans mes paroles.

— “Tu aurais pu ?”

— “Oui”, j’avoue, en glissant mes mains dans mes poches pour contenir mon malaise grandissant.

— “Mais tu ne l’as pas fait ?”

— “Non”, je lui assure d’une voix calme et ferme. “Je ne l’ai pas fait.”


Son corps se tend imperceptiblement, ses épaules se raidissant légèrement. Elle inspire profondément et referme les pans de sa veste en croisant les jambes. Je comprends sa préoccupation et je suis prêt à lui offrir toute la transparence qu’elle demande. Son visage se détend légèrement, mais une ombre de doute persiste. Elle poursuit son interrogatoire presque plus hésitante encore, comme si elle redoutait la réponse suivante :

— “Et l’alcool ? Est-ce que c’est une autre forme de dépendance pour toi ?”

C’est une question légitime qui mérite une réponse honnête.

— “Non, je n’ai jamais eu de problème avec, tant que ce n’est pas couplé à la drogue.” Je marque une pause pour m’éclaircir la voix. Géné par ce que je m'apprête à lui révèler, je détourne le regard vers la rue derrière nous. “ Ce soir, j’ai abusé. J’ai... J’avais besoin de compenser. Quand j’ai vu passer le sachet.. J’en avais vraiment envie, Vi. Mais, j’ai joué avec le feu. Je me suis dit que si je buvais suffisamment, je serais trop raide pour aller chercher une dose. Mais, en même temps... avec tout cet alcool dans le sang, je ne suis plus maître de moi-même et si je n’arrive plus à me contrôler, le risque est encore plus grand. C’est... un cercle vicieux.”

Je sais que Victoria m’écoute attentivement. Je sais qu’elle va essayer de faire la part des choses, d’analyser et d’intérioriser cette révélation, comme toujours. Mais lorsque je lui jette un coup d’œil à la dérobée, je vois qu’elle se mord légèrement la lèvre, un signe de stress frappant que je lui connais bien. Je ne suis pas surpris par sa prochaine question, même si je la redoutais plus que toute autre :

— “Donc... si tu as.. enfin, si tu couches avec une femme, c'est un besoin que tu ne peux pas réprimer ?”me demande-t-elle sur la défensive.

Une vague d’inconfort monte en moi. Le tension est palpable. Je suis tenté de chercher une échappatoire, mais la détermination dans son regard me contraint à faire face à la vérité.

— “Victoria, je...”

Je secoue la tête, ma voix s’éteignant avant même que je ne parvienne à finir ma phrase. Merde ! Comment lui dire ? Mon cœur s’emballe et la panique prend ses quartiers. Mes doigts tremblent quand je les pose sur ma nuque, mon regard fuyant vers mes pieds. Putain, je suis pathétique.

Percevant mon hésitation, Victoria m’encourage doucement :

— “James, s’il te plaît, j’ai besoin de savoir”.

Je ferme les yeux, me perdant dans une introspection intense. Les souvenirs affluent, me rappelant mes erreurs passées, les excès accumulés et la douleur que j’ai infligée à mes proches, à Victoria. Je me souviens de ces moments où j’ai tenté de fuir la réalité, me noyant dans des comportements autodestructeurs pour échapper à moi-même. Chaque décision prise dans un état d’ivresse et de transe émotionnelle me revient en mémoire, et je réalise à quel point j’ai été piégé dans un cycle de fuite en avant.

Puis, Victoria s'impose dans mes pensées, une lumière dans ma nuit obscure. Je me souviens de l’amour que j’éprouve pour elle, un sentiment que j’ai souvent cherché à repousser, persuadé que mes défauts la mettraient en danger. J’ai utilisé des relations sans lendemain comme un bouclier, pensant que je la protégeais en gardant mes distances. Mais dans cette danse éphémère, j’ai été égoïste, utilisant la luxure et la dépendance comme moyens de me punir. Sauf que la vérité de ce moment, aussi douloureuse soit-elle, est essentielle pour que nous puissions avancer ensemble.

Je me retourne face au muret, laissant errer mon regard au-delà du fleuve. Ce que je m'apprête à avouer n’est pas facile. J’ai peur d’effrayer Victoria encore davantage, mais il est temps.

— “Le sexe, pour moi, c’est pour m'échapper, pour fuir. C'est la drogue qui me pousse à agir et pas autre chose, crois-moi. Oui, il y a parfois ce besoin physique que je ressens, cette envie d’assouvir une pulsion, mais...”.

Je marque une pause, mon cœur battant la chamade. En tournant à nouveau mon regard vers la femme à mes côtés, je capte l’attention de ses yeux ancrés dans les miens.

— “Victoria, je me suis servi du sexe pour me punir, pour nous saboter, pour m’empêcher de me retrouver face à mes véritables sentiments pour toi. Mais, comparé à ce que je vis avec toi, ces plaisir sans attache ne sont rien.”

L’angoisse me submerge, je sens mes doigts se crisper sur le muret, mes articulations blanchir sous la pression. La respiration de Victoria devient plus rapide, je perçois son attente.

— “Etre avec toi, te faire l'amour, c’est ce que j’ai éprouvé de plus fort et pur de toute ma vie. C’est comme si je touchais l’essence même de ce que je cherche depuis toujours, de ce que j’espère pouvoir garder pour le restant de mes jours. Quand on est ensemble pour moi, c’est.. c’est un aperçu de ce que pourrait être le grand amour.”

Je termine ma déclaration, laissant mes paroles se dissiper dans l’air nocturne. Le silence entre nous est chargé d’émotions non exprimées. Puis, sans un mot, elle s’avance vers moi et glisse ses bras autour de ma taille, sous ma veste. Son étreinte est à la fois douce et intense. Sa joue se pose contre mon torse, et je sens son cœur battre en écho au mien. Instinctivement, mes bras se referment autour d’elle, comme si c’était la seule réponse possible. Sa chaleur se diffuse en moi, enveloppant chaque partie de mon être. En cet instant, je ressens une sécurité et un sentiment d'appartenance que je n'avais jamais connus avec personne d’autre qu’elle. Ce contact rappelle la profondeur de notre lien, tout ce qu’on a partagé et tout ce qu’il nous reste à découvrir encore.

On reste ainsi, enlacés dans le calme ambiant, chacun trouvant du réconfort dans l’autre, tandis que le murmure de la Garonne et les lumières scintillantes de la ville continuent de nous entourer. Les minutes s’étirent, se fondant dans l’ombre apaisante de la nuit.

Puis finalement, Victoria se détache lentement de moi, sans toutefois rompre notre étreinte. Elle cherche mes yeux, son regard rempli de détermination. Lorsqu'elle brise le silence d'une voix claire et résolue, chaque mot résonne en moi avec une telle intensité que je me sens littéralement désarmé. Avec une assurance qui me coupe le souffle, elle me dit :

— "Je te crois, mais j'ai besoin de sentir que tout ça est vrai... Embrasse-moi, James, comme la première fois. Et après, emmène-moi quelque part et fais-moi l'amour, comme avant."

Comme une vague en furie, ses paroles balayent tout sur leur passage, me laissant abasourdi. Je sais que ce n'est pas simplement une demande ; c'est une affirmation, une confirmation de tout ce que nous avons traversé. Pour un instant, je reste là, comme un idiot, sans voix, ne sachant pas quoi répondre. Est-ce que je rêve ? Je scrute son visage à la recherche d'une trace d'hésitation ou de doute, mais je ne trouve que cette détermination brute, ce désir palpable qui fait écho au fond de moi.

C'est alors qu'une pensée traverse mon esprit, une pensée que je n'exprime pas à voix haute : je donnerais tout pour elle, jusqu'à mon âme et mon dernier souffle. C'est une évidence, un fait gravé dans ma chair : elle est mon âme sœur.

Je m'approche lentement d'elle. L'air se charge d'électricité. Le monde autour de nous disparaît, nous laissant seuls dans un espace saturé de sentiments intenses. Mon regard se fixe sur ses lèvres, légèrement entrouvertes, comme une invitation silencieuse. Il n'y a plus de mots, seulement l'urgence du moment, le besoin viscéral de combler l'espace qui nous sépare, physiquement et psychiquement.

Avant que nos lèvres se touchent, je m’écarte légèrement, contrit, conscient que mon état n’est pas des plus engageant. Je ne peux m’empêcher de m’excuser laissant ces mots m’échapper :

— “Vi, je suis désolé, j'ai bien trop bu pour que ça ressemble vraiment à notre première fois.”

Elle sourit faiblement avant de repousser ses cheveux en arrière dans un geste irréfléchi, une lueur de compréhension s’allumant dans ses yeux :

— “Peu importe. Je veux être avec toi, ici et maintenant. Alors, James, juste... embrasse-moi.”


Je la tire à nouveau vers moi et elle s’aggripe au tissu de ma veste. Ma main trouve sa joue, sa peau douce sous mes doigts. Mon pouce repousse délicatement une dernière mèche blonde derrière son oreille. Elle ferme brièvement les yeux et frémit sous mon contact. Lorsqu’elle les rouvre, le désir pétille dans son regard. Je me penche vers elle, mon souffle chaud effleurant son front, puis descendant lentement le long de son nez jusqu’à sa bouche. Son parfum m’enivre, l’odeur douce de son shampoing mélé à la fragance subtile et naturelle de sa peau.


Sa respiration rapide trahit l’impatience qu’elle tente de réprimer et ses doigts, toujours accrochés à ma veste, se resserrent. La tension entre nous grandit, amplifie nos sensations. Chaque effleurement crée une décharge sensuelle. Victoria se hisse sur la pointe des pieds pour rapprOcher nos bouches qui s’attisent et nos lèvres se rencontrent avec tendresse. Ce baiser est la clé qui déverrouille tout ce que nous avons gardé en nous, tout ce que nous n'avons pas dit. Chaque contact est une promesse — non, une déclaration de notre désir réciproque, un mélange parfait de nostalgie et de nouveauté. C’est comme une reconnexion à quelque chose de fondamental, de précieux, qu’on avait cru perdu.


Victoria approfondit le baiser et il suffit d'une seconde supplémentaire pour que tout bascule. Une vague de chaleur m’envahit alors que je l'attire un peu plus près en pressant ses hanches vers les miennes. Nos langues se mêlent, joueuses et curieuses. Ses mains rampent sur mon dos, ses doigts s'accrochent à mon t-shirt comme si elle craignait que je lui échappe. Ma main derrière sa nuque, l'autre creusant le creux de ses reins, je suis incapable de résister à l'envie de la sentir encore plus près, jusqu'à ce que chaque millimètre de nos corps se touche.


Alors je me cale contre le muret, enroule fermement mon bras autour de sa taille pour l’encourager à se positionner entre mes jambes. Je n'aurais pas dû faire ça. Nos corps s’alignent parfaitement, et je sens la dureté de mon désir contre son bassin. Nos sexes sont maintenant collés, si bien que je ne peux plus masquer mon érection. Merde, et Vi qui répond avec une fougue palpitante et qui se presse encore et encore…


Non. Pas ici. Pas comme ça. Je ne tenterais pas le diable en plein rue ce soir. Mais le frisson est là, irrésistible. L'interdit, l’envie dangereuse de céder maintenant… Tout est si excitant. Le goût de ses lèvres, ses doux gémissements contenues, tout en elle réveille un désir torride. J’ai besoin de calmer les choses.


Je fais mine de m’arrêter et l’observe. Elle me fixe en fronçant les sourcils, étonné ou soucieuse. Je souris. Elle comprends, fait la moue. Elle enroule ses bras autour de mon cou, s'approchant de ma bouche avec une audace délicieuse. Elle garde les yeux ouverts et dépose un baiser doux sur mes lèvres. Je fais de même, capturé par son charme.


— “James ?”, me dit-elle.


— “Victoria ?”, je lui réponds.


Nous continuons ce badinage, un ballet de lèvres qui se frôlent, s'effleurent, hésitent. Tantôt je l'embrasse, tantôt je recule, la laissant en suspens. Elle me rend la pareille, nos souffles se mélangent dans cette danse polissonne. Mais jouer a ses limites. Au bout d’un moment, je finis par forcer le passage, plongeant ma langue dans sa bouche, abandonnant totalement mes réserves. L’un contre l’autre, l’un dans l’autre, je laisse mes émotions se traduire. Ce n’est pas un simple geste physique ; c’est un engagement solennel que je prends de l’aimer, la chérir, la protéger, la vénérer même. Je veux reconstruire ce qui a été brisé, ne plus jamais laisser les non-dits nous séparer.


Finalement, à bout de souffle, je me recule légèrement, gardant mon front appuyé contre le sien. Je cherche son regard et y trouve une lueur joyeuse pleine d’espoir, de reconciliation.


— “Je t’en fais la promesse,” murmurè-je, “je donnerai tout pour être avec toi. Je suis tien depuis le premier jour, Vi.”

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