CHAPITRE 27.6 * JAMES
ATTENTION PASSAGE ÉROTIQUE
J.L.C
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Le déclic de la porte me lacère l’esprit, dissipant mes pensées en éclats nerveux. Mon cœur loupe sa cadence. Je relève la tête juste à temps pour la voir se profiler dans l’ombre. Merde. Super. J’adore quand l'univers me prend en traître. L’instinct supplante la raison. D'un bond maladroit, je me hisse hors du lit, fauchant au passage mon boxer qui traîne à l'extrémité du matelas. Une chaleur inconfortable grimpe dans ma nuque. Pas question qu’elle me découvre dans cet état. Pas maintenant.
Il faut que je bouge, que je donne le change. Mes yeux scannent la pièce en quête d'un subterfuge. Le Minibar. Parfait. Boire de l’eau. Rafraîchir mes idées. Les remettre à l’endroit. Faire semblant de m’occuper. Surtout ne pas croiser son regard tout de suite.
Je m'élance vers ma diversion en quelques pas hâtifs. Mes pieds nus dérapent sur le sol froid. Ce contact me réancre mes sens, sans effacer le tumulte.
Derrière moi, le chuchotis familier de l’eau se déverse dans la vasque. Elle s'affaire au lavabo. Tant mieux. Quelques secondes volées pour retrouver contenance. Je plante mes talons au sol, fais le vide dans ma tête, avant de me pencher pour happer l'eau minérale, sobre, inoffensive. Option raisonnable. Plutôt ça que les mignonnettes d'alcool qui me narguent — un shoot de mauvais bourbon ne m’aidera pas à éradiquer ma fébrilité. Tant qu’à être misérable, autant être hydraté.
J'avale une rasade, plus par réflexe que par soif. Ma gorge se resserre autour du liquide, et ce son ténu fusionne avec les éclaboussures que je perçois dans mon dos. La morsure glaciale s’écrase contre le nœud brûlant dans mon ventre, et au lieu de l'éteindre, l'intensifie.
Paupières closes, je tente une énième fois d'endiguer l'embrasement sous ma peau. Je dois garder la face. Me tenir droit. Faire illusion. Pourtant, une fatigue cinglante me laboure l’échine. Lessivé par cette fièvre charnelle qui dicte ma conduite, je suis l'otage de mes pulsions et je n'en peux plus... Je suis épuisé... Épuisé d’être à la merci de ma luxure.
D’un geste sec, je visse le bouchon, abandonne la bouteille et m’empresse d’enfiler mon boxer en un temps record. Un reste d’orgueil se débat en moi. Il m'écorche de honte, refuse d'admettre à quel point j'ai frôlé la perte de contrôle.
J’hésite. Assumer ou esquiver comme un môme pris en flag ? Non. Je ne vais pas fuir. J'absorbe une goulée d'air frais, un regain de maîtrise, puis je fais volte-face, prêt à soutenir son regard.
Victoria se tient près du faux mur en rideaux de fil argenté qui sépare la salle de bain du coin nuit. Radieuse et fragile. Non, belle et forte. Une énigme qui défie l'évidence, qui rejette l'idée d'une seule définition. Elle serre le plaid contre sa poitrine, ses doigts crispés dessus comme si elle s'accrochait à une armure improvisée.
Pas une trace sur ses traits, rien qui laisse deviner ce qui vient de se passer entre nous. Moi, je suis un champ de bataille, elle, une page blanche. Quoique, ses mèches d'or — à peine recoiffées, toujours indisciplinées — encadrent son visage d’une aura à la fois sauvage et délicate. Sa peau, lisse et immaculée, ne porte plus les souvenirs de notre intimité. Moi, en revanche, j’ai l’impression d’avoir été marqué au fer rouge. Elle a effacé chaque empreinte, chaque fragment de notre étreinte. Du moins en surface. Pourtant, dans ses prunelles, un reste de braise crépite encore sous la cendre.
Je me force à paraître détendu, même si c’est une mascarade ridicule que mon corps travestit à chaque battement frénétique. Tout en moi réclame, me ravage, mais la frontière est là — pas maintenant, pas encore. La bouteille devient mon alibi pour ne pas céder à mes bas-fonds.
— Tu as soif ? lancè-je, en la lui offrant.
Éloquence niveau légende.
— Oui, merci.
Son timbre caresse l’air, fragile et troublant à la fois. Ça doit être un don naturel, parce que moi, je suis en train de fondre sous cette voix. Elle s'avance vers moi. Mais elle ne marche pas, elle glisse. Une panthère à l'affût. Altière, instinctive, magnétique. En a-t-elle seulement conscience ? De son charme ? De sa grâce innée ? Sait-elle à quel point elle tourmente, captive, ensorcelle ? Chaque pas resserre son emprise, et moi, je suis cloué sur place. Totalement aimanté.
Quand ses doigts effleurent les miens, un courant invisible traverse mon bras, torride, fulgurant. Le souffle suspendu, je vacille face à l’évidence brutale de cette alchimie. Ce n’est qu’un contact éphémère. Et pourtant, il me percute de plein fouet. Ses yeux harponnent les miens, juste un instant, puis se détournent. Un éclair, une accroche brûlante, avant qu’elle ne m’échappe à nouveau. Elle manipule la bouteille, porte le goulot à sa bouche pulpeuse.
Mon regard est rivé à elle. Fascination absurde, inévitable. C’est insensé, ce pouvoir d'attraction qu'elle exerce sur moi. Chaque mouvement, chaque détail, même le plus anodin, me désarme. Voit-elle l'incendie que je peine à contenir ou est-elle trop absorbée pour le remarquer ? Peu importe. Je suis déjà perdu ; autant me laisser emporter par cette sensation, ce mélange de désir et d’admiration.
Elle me contourne pour remettre l'eau dans le frigo. L'ombre d'un sourire étire ses lèvres. Ce sourire… Il recèle mille mystères. Vers quel trésor mène-t-il ? À cet instant précis, une pensée m'emboutit net : si je pouvais m’arrêter là, juste pour la contempler éternellement, je crois que je le ferais. Et même après quelques siècles, l'ennui ne viendrait pas. Victoria, dans sa simplicité et sa complexité, dans sa force et sa fragilité, incarne tout ce que je recherche.
Mes yeux traquent ses mouvements et, lorsqu'elle me fait face, les siens glissent sur moi avec concupiscence. Elle ne pourrait pas... Si ? Non. L’idée est trop risquée, trop incertaine. Arrête de prendre tes rêves pour des réalités, Jamie !
Je me détache en un éclair, gêné, conscient qu’elle va remarquer — ou qu'elle l'a déjà fait — ma raideur toujours persistante. C’est incontrôlable, une obsession gravée dans ma chair. Je ne me l'explique pas.
D'ailleurs, comment se fait-il que je tienne encore debout à cette heure ? Comment suis-je parvenu à ne pas comater tel un poivrot après mon orgie de whisky ? Enfin, je présume que c’est mon envie d’elle, cette force brute et implacable, qui me maintient en alerte. Aucun autre argument rationnel. Peut-être qu'une fois que mon organisme sera rassasié, mon esprit le sera autant.
Mon corps se révolte contre l’immobilité. Faut que je bouge, que je trouve une issue. Mon cerveau m’ordonne, presque en panique, de détourner son attention. Je dois faire quelque chose. N’importe quoi. Et voilà ce qui sort… Dans un réflexe précipité, je me baisse pour ramasser sa lingerie égarée çà et là. Je me raccroche à ce maigre prétexte, sachant qu’elle n’aime pas dormir nue. Dormir ? Qui te parle de dormir, Jamie ? Ma tête s’emballe, incapable de se taire. Mes doigts, malhabiles, s'emparent des bouts de tissu, avant que je ne lui tende cette excuse lunaire, aussi fragile qu'une branche sous le poids de la neige. Bordel, de la neige... du froid... une douche glacée. Tout ce dont j'aurais besoin tout de suite ! Je rêve d'un choc thermique là ?
Je lance un « tiens » distrait, mais la tension dans ma voix dénonce ma feinte.
Merde, c'est de la déception cette ombre sur son visage ? Non, putain, juste le reflet de ma connerie. Ses lèvres s’affaissent imperceptiblement, et son regard se voile un instant. Un nuage vient d’éteindre la lumière qui y brillait. Croit-elle que je cherche à la faire fuir ? Que je veux mettre un terme à notre soirée ? Non, je fabule. Cette manière d'agir, c'est mon autre moi, celui qui se débarrasse des femmes une fois le plaisir pris. La vieille habitude, vieille comme le monde : jeter après utilisation. Une facilité, une lâcheté, qui ne mènent nulle part, sauf dans un recoin sombre de ma conscience.
Mes muscles se figent, ma main toujours suspendue en l’air. Je dois rattraper ça. Vite.
— Tu seras plus à l’aise..., ajouté-je précipitamment.
Putain, je m'enfonce là ! C’est la tentative la plus bancale de ma vie. Je me rhabille, elle se rhabille et le tour est joué ? Quel crétin ! C’est officiel, je devrais faire carrière dans les bourdes monumentales. Même ses sourcils me jugent. Le vertige m'emporte.
Je plonge dans ses yeux, atterré, espérant y trouver un indice, un miracle de compréhension, mais ses pensées demeurent impénétrables, enfouies derrière ce regard mystérieux, fascinant et déroutant à la fois.
Je m’en veux. Je m’en veux d’être aussi évident, d’être si vulnérable. Dans cette ambiance saturée de tension, chaque geste, chaque mot devient une erreur potentielle, et je tente de naviguer dans ce labyrinthe d’émotions avec une maladresse que je ne pardonne qu’à moitié.
Elle finit par saisir délicatement ses sous-vêtements. Mais au lieu de se revêtir, elle fait tout l'inverse. Dans un acte presque irréel, elle relâche le tissu qui cerclait sa silhouette. La seconde suivante, la voilà à nouveau nue devant moi, le plaid en velours glissant lentement à ses pieds, dévoilant son corps avec une sensualité désarmante. Mon pauvre coeur prend une claque. La couverture s’amoncelle au sol, témoin muet de son audace sublime. Bon sang, si même la gravité conspire pour souligner sa beauté, autant déclarer forfait. Je suis foutu. Définitivement foutu. Condamné à la vouloir jusqu’à m’en perdre. Elle est mon chaos, mon abîme, et je sombre sans espoir de retour. Qu’est-ce que je peux faire, moi ? Rien. Juste tomber. Et dire merci.
Victoria ne montre aucun signe de gêne. Pas une once d'hésitation dans son attitude, pas de doute dans sa posture. Au contraire, elle semble rayonner d'une assurance céleste, se tenant droite, fière, indépendante, telle une reine qui réclame son trône — ou plutôt son roi. Un frisson d’anticipation me parcourt. Enterrez-moi. Six pieds sous un monticule de désir.
Mon esprit est en équilibre, entre émerveillement et incrédulité. Mes yeux ratissent chaque courbe, s'attardent sur chaque ombre subtile et chaque éclat de lumière qui caresse sa peau. S'ils pouvaient crier, ils hurleraient que je suis un homme perdu. Mon cœur explose comme un ballon de baudruche trop plein. Ma capacité à gérer la pression dans mon bas-ventre ? Elle est aussi inexistante qu’un trou noir.
Ma reine franchit la distance entre nous, ses mouvements aussi hypnotiques qu'une danse sauvage. Sa perfection est une avalanche qui va m'ensevelir dans les dix prochaines secondes. Tout semble se dilater, la pièce rétrécit, se fait étouffante. Ses prunelles me jaugent, me marquent de leur sceau tempétueux. Lorsqu’elle pose une main badine sur mon épaule, je me tends comme un ressort. Quand elle verrouille son poignet autour de ma nuque avec une autorité à la fois douce et inflexible, je ploie, réduit au silence, prêt à céder de bout en bout à son emprise. C’est ça, serre-moi, fais-moi comprendre que je ne suis plus qu’un accessoire dans ton royaume. Que dire du moment où elle se hisse sur la pointe des pieds, ses courbes venant parfaitement épouser les miennes : il ne reste plus rien de moi, vaincu, consumé par le feu qu’elle attise. Comme toujours.
Nos visages à la même hauteur, sa bouche, à quelques millimètres de la mienne, enfièvre mes sens. La caresse qui s'en suit est si légère qu’elle m'enflamme davantage qu’un baiser passionné. Elle me teste, me défie, m’allume ouvertement. Son haleine dans mon oreille fait exploser mes dernières résistances.
— Merci, James. Tu crois qu'on a vraiment besoin de se rhabiller tout de suite ?
Sa voix, un mélange de soie et de braise, un souffle vif sur des charbons ardents s'enroule autour de mes poings qui déjà se crispent. Dieu, sa question lourde de sous-entendus, fait naître un frisson viscéral le long de mon échine. C’est pas juste une réaction. C’est une déclaration de guerre à mon sang-froid. Le bruit sec de mon boxer qui se relâche contre ma peau lorsqu'elle tire malicieusement dessus est un coup de fouet qui réveille les fibres encore endormies de mon être. Si tant est qu'il en ait resté une... Son rire s’élève, enfantin, diaboliquement enivrant, un appel qu'il est impossible de repousser.
Pendue à mon cou, un rictus effronté flottant sur ses lèvres, elle m'étudie, guettant ma réponse. Je ne tiens plus. Mes mains fermes empoignent ses hanches, ancrent son corps au mien.
— C’est à toi de me le dire Vi...
Ma voix est rauque, brisée sous la pression de sa silhouette accueillante.
Un éclat d’amusement — un vrai carnage plutôt — traverse ses iris d'ambre, mais elle ne perd pas une seconde pour riposter :
— Eh bien, il se trouve que j’ai toujours un peu froid… Alors, tu veux bien m’emmener au lit s'il te plait ? minaude-t-elle, mielleuse, provocante.
Ses désirs sont des ordres. Ni une ni deux, je fléchis légèrement les genoux, passe un bras sous ses jambes, l’autre dans son dos pour la soulever. Mon torse héberge son poids avec délectation. Elle s’accroche à moi en riant contre mon cou. Je nous mène au pied du king size, guidé par une idée bien précise. Nos yeux ne se quittent pas d'un iota, mes intentions claires comme de l’eau de roche, alors que je la conduis exactement là où je veux la voir.
Elle semble lire dans mes pensées, anticipant ce qui allait suivre — c'est-à-dire moi, la projetant sans ménagement sur le matelas, comme j’avais pris l'habitude de le faire pour la taquiner — en une fraction de seconde, son expression change. Ses sourcils se haussent, son regard se durcit et elle pince la peau de ma nuque.
— Je te préviens, n’y songe même pas, James, parce que tu finiras ta nuit sur le carrelage, sinon !
Sa voix se fait ferme, mais un éclat d’humour perle à la fin de sa menace
— Carrément ?
Je fais mine de me scandaliser, exagérant ma surprise avec une moue dramatique, tout en gardant un contrôle parfait sur le moment, savourant chaque seconde.
Elle hoche la tête avec aplomb.
— Oh oui ! Et je veux que tu me déposes élégamment, je te prie !
Ses mots sont un ordre déguisé en caprice, mais la lueur de pouvoir dans ses pupilles m’incite à lui obéir. Son défi, son rire… je ne peux m'empêcher de succomber à cette magie. Je contourne le lit avec précaution.
— Vas-y, glisse tes petits pieds pour repousser la couette et les coussins, tu seras gentille.
Je la provoque, sachant qu'elle va répondre à ma commande avec la même énergie que la mienne. Elle claque la langue et roule des yeux, mimant l’exaspération à la perfection.
— Mais bien sûr ! rétorque-t-elle. Baisse-toi un peu.
Le sarcasme suinte dans sa voix, mais il y a cette étincelle de désir dans son ton. Paroles et gestes sont des promesses de jeu encore plus excitantes. Sa soumission n’est qu’une illusion et je me marre intérieurement en la voyant s’exécuter, ravi aussi bien par la douce complicité qui s'installe que par la sensation de son corps contre le mien. Je n'ai même pas envie de la lâcher d'un pouce.
Coussin après cousin — six si j'ai bien compté — elle les envoie valser aux quatre coins de la pièce avec une vivacité pleine de grâce. La couette lui donne plus de fil à retordre, mais elle finit par la dégager tant bien que mal.
Quand elle se redresse, je me penche et la dépose délicatement, comme exigé, au centre du lit. Ses cheveux blonds s’étalent telle une auréole autour de son visage. Elle resplendit.
Je la rejoins sans tarder et tout autour de nous se referme lorsque le duvet blanc sur nos hanches vient nous envelopper dans un cocon de chaleur et de confort. Nos regards se croisent avec connivence et amusement. C'est un abandon total à la douceur du moment, un lâcher-prise face à nos émotions qui bouillonnent sous la surface. Victoria me sourit. Le monde entier peut bien disparaître. Plus rien n’existe, à part nous deux, ici et maintenant.
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