CHAPITRE 29.1 * VICTORIA
ATTENTION PASSAGE EROTIQUE
EMBRUNS D’ILLUSIONS
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V.R.S.de.SC
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Il a encore un peu de lui sur ma peau alanguie. Sur mes lèvres gercées de folie. Au fond de mon ventre aussi. Sa voix résonne toujours dans ma tête, un écho de ses sourires qui me bercent. Il n’est plus le fantôme d’un autre temps, il est ici. Avec moi, contre moi, en moi.
Au diable les pensées qui s’entrelacent comme des vagues dans un océan de mirages, les doutes qui tourbillonnent autour de nous comme des étoiles filantes. Et les bouteilles vides. Et les fleurs rouges dans les cheveux.
Je ne veux que lui. Sa nuit est ma nuit. Son jour est ma lumière.
Entre les ténèbres et les maigres certitudes, ma vie semble s’être transformé en un doux rêve éveillé. Le sentir auprès de moi me suffit. J’ai hésité. J’ai eu envie de courir ailleurs, loin de cette spirale dans laquelle il conduisait mon cœur. Mais fuir face à ces vérités, chercher une issue dans ce qui est clos, a été vain. Dans ses soupirs, dans ses rires, dans ces instants volés, je me suis trouvée. Il ne reste que la ténacité dans la poursuite du meilleur. Et voici que ma nuit, par sa seule présence, fait brèche. Nous prédestiner au bonheur, c’est insatiable, jouissif, c’est ma quête.
Il reste toujours le passé, mais je ne le crains plus. Si on se souvient qu’aucun acte n’est certain, qu’aucun cœur n’est fait de pierre, alors pourquoi se laisser submerger par le poids des réminiscences. Rien ne sert de compter et de recompter, et de compter encore les années lumières qui nous ont séparés. Le livre que je serre fort contre ma poitrine est celui de l’avenir.
Les nuits diront jusqu'où porter nos pas, me guideront vers la rhétorique des jours heureux. Alors oui, je déambule parfois sans savoir quel chemin prendre, mais de chantier en chantier, dans cette vie à construire, nous allons y arriver.
J'ai appris avec lui que les pierres peuvent voler, que les sentiments peuvent être déraisonnés. Je ne veux ni le perdre, ni réfréner mes envies. Le temps nous a magnifiés. Il m’offre des milliers et des milliers de vagues. Il rayonne comme un soleil d’hiver. Tout est exceptionnel.
Nous voici donc ici, sur une plage sauvage, où le vent souffle faiblement, agite l’herbe rase et les ajoncs qui bordent le rivage. L’Écosse est magnifique !
Je danse, il rit. Je l'embrasse, il me retient. Mais la mer m'appelle et je meurs d'envie d'y plonger. Même si elle est déchaînée, même si elle est dangereuse... Les vagues déferlent contre les rochers recouverts de mousse, dévoilent des secrets anciens. Les effluves de la brise marine, celles de la terre mouillée et, plus sbutil, le parfum entêtant de la cannelle et la senteur musquée de sa peau, emplissent mes poumons, me vivifie.
Le sable chaud sous nos pieds contraste avec le souffle frais de la mer. L’horizon s’étend à perte de vue, le ciel embrase nos silhouettes d’un dégradé de rose et d’or, illuminant notre étreinte d’une lumière dorée. C'est le printemps de notre été.
Il m'enlève ma robe. Son regard est de braise, noir de désir. Il me veut. L’étoffe blanche et légère claque dans l’air, s’envole, met les voiles, se libérant de mes épaules comme un souvenir fugace, dansant et tourbillonnant au-dessus de nous. J'entends l'appel des anges dans le murmure du vent.
Ce n'est pas si compliqué, de ressentir, d'aimer le présent. Mon corps est en émoi, mais ses bras, qui me retiennent avec tant de force, sont un refuge, une promesse de sécurité.
Ses yeux bleus — les plus brillants, sincères et mystérieux qu’il m’ait été donné de voir — sont de pâles reflets de cette eau calme et douce qui me rend si vulnérable. Je le regarde et je perds la notion du monde. Son expression paisible appelle à l’amour, à la vie. J'avais presque hésité à l'aimer au début, tellement je craignais de le voir emporté par les flots. Ça n’arrivera plus.
Les vagues lèchent nos pieds, le vent caresse nos peaux ruisselantes. L'eau glacée tue mes sens jusqu'à que ce que la chaleur de sa peau les ravive aussitôt. Il plonge au plus profond de moi, me tire vers l’oubli. Je plaque ma paume sur son torse, quelque chose brille à mon doigt. Je n'ai plus pied, je n'ai que lui. L’azur de ses iris, ses mèches châtains qui dégoulinent, ses mains douces et fermes qui me cajolent, me revendiquent, me marquent à vie.
Sa voix rauque et sensuelle me martèle des mots d’amour, m’invite à franchir le seuil de mes réserves.“Laisse-toi aller”. “Rejoins-moi”. “Aime-moi”.
Je ne dis rien, mais j'admire. Je ne lui avoue pas que ses doigts qui m'effleurent lentement me donne envie de tout déchirer, de tout enlacer. Il ne le sait pas encore, mais, lorsque mon regard se perd sur son corps nu, il court au travers de sa peau, plonge dans son ventre, atteint son cœur.
Il me le répète encore : “l’amour est fait pour nous”. Je ne pense pas au jour où ses yeux s’éteindront, je ne pense pas au jour où il aura cessé de croire. L'eau ne nous engloutira pas. J'ai baissé la tête, mon visage s'est abimé dans la contemplation de nos corps emboités, imbriquées, l’un dans l’autre à tout jamais. C'est dans ses bras que je suis née.
Sa chaleur se propage en moi. Son ardeur aussi. Sa tendresse. La douce cadence de nos mouvements, le frottement de nos peaux, son souffle chaud sur mes cils. Son sexe qui m’emplit.
Soudain, je le chevauche, ressentant chaque pulsation, chaque battement de nos coeurs. Il est allongé sur un tissu en laine à carreaux rouge et bleu. Un tartan. Son tartan. Sa terre. Ma terre.
Il me dévisage avec délice, plaque ses mains sur mes hanches qui ondulent avec lenteur puis frénésie. Je suis une mer qui déferle sur lui. Son expression est celle d’un homme éperdu, son sourire est éclatant, sa beauté brute. Je chavire. Son cœur bat sous mes paumes, comme le torrent d’une rivière opaline qui gonfle de désir jusqu’à quitter son lit, embrasse le paysage de notre passion sauvage. La joie s’immisce en nous tandis que je vais et vient en lui. Nos âmes jumelles s’entrelacent, transcendant le monde qui nous entoure. Je sens notre lien se renforcer, se solidifier, fusionner.
Une brise fraîche balaye la plage, emportant dans son sillage des senteurs de tourbe et de miel. Des arômes de whisky envahissent mes papilles. J’ai soif de lui. Je m’abreuve à ses lèvres, gôute sa saveur qui m’enivre.
Le tintement timide de la pluie nous surprend. Les gouttes dansent autour de nous, touchent notre peau brûlante comme des perles de nacre qui se déposent sur notre étreinte.Je ne peux m’empêcher de rire, de l’embrasser avec fougue. L'averse va nous libérer.
La mer, devenue complice, résonne au rythme de nos mouvements, tandis que les nuages sombres embrassent l'horizon, enveloppant notre moment d'une atmosphère mystique. L’eau du ciel, l’eau de la mer, l’eau de mes larmes, scellent notre amour, chassent nos douleurs. Entre le tumulte de la tempête et la clameur de notre union, tout se dissout, se liquéfie. Dieu que je l’aime, bien sûr que je l’aime. Je lui dis.
Il se redresse aussitôt et emprisonne mon visage entre ses mains. Ses lèvres sont froides, glacés même lorsqu’il m’embrasse. Je les dévisage. Non, elles sont bleues. Il tremble, me serre si fort, mais je n’ai pas mal. Un éclair zèbre le ciel. Le tonnerre gronde si fort que j’ai l’impression que mes os craquent. Le vent insuffle un frisson polaire dans mes veines, soulève mes cheveux, pulvérise mes pensées.
Quelque chose ne va pas. Je n’ai plus de repères. Je m’embrase et je me noie. J’ai chaud et j’ai froid. Je m’éteins et je me consume. Il est de feu, alors pourquoi dans son regard, les flammes s’éteignent ? Je ne veux pas voir ça, je ferme les yeux.
Quelque chose m’étouffe. Je lutte pour respirer, je panique, je bats mes membres frénétiquement. Pourquoi suis-je dans l’eau ? Le sel me pique les yeux. Je n’y vois plus rien. Et quand j’ose les ouvrir les yeux, l’obscurité se mêle à la fureur des vagues. Une force m’attire vers le bas, écrasante, une ombre prédatrice. Je n’y comprends rien ! Je pleure. Mon Dieu, je vais me noyer !
Quelque chose me brûle. Je dois refroidir mon cœur avant qu’il ne parte en flamme. Éteindre les braises avant que l’incendie ne dévore tout. Comment l’eau peut-elle vaincre le feu ? Comment le feu peut-il survivre dans l’eau ? Je dois sombrer pour me sauver. Contre un volcan, je ne peux rien. Il est explosif, impulsif, destructeur. L’eau s’y évapore, je n’y ai pas ma place. Je dois plonger vers les profondeurs, fuir, m’échapper.
Quelque chose m’appelle. Une voix familière, un murmure dans le chaos. Où est-il ? Où sont ses bras protecteurs, ceux qui me promettaient la sécurité ? Je veux croire qu'il est là, que sa chaleur peut attiédir les eaux glacées qui m'engloutissent.
Mais, dans la noirceur tourbillonnante, je le vois. Un corps à la dérive, une âme engloutie, captive des eaux, perdue dans les profondeurs… Non ! Je crie son nom, mais l’eau avale mes mots, les emportant avec elle. Le désespoir m’étreint, me fait prisonnière. Je ne peux plus bouger. J’ai perdu le contrôle. Je vais le perdre, lui, mon refuge, ma flamme dans cette tempête. Je ferme les yeux, alors que la mer m'aspire davantage, comme si elle voulait me séparer de lui pour toujours. Hors de questions, je vais me battre, me débattre, nager et nous remonter à la surface. Le sauver. Nous sauver.
Soudain, j’ouvre à nouveau mes yeux. Je ne suis plus dans l’eau. Je fixe un plafond blanc plongé dans la pénombre. Je frissonne. J’ai froid. La peur me tenaille encore, mais mes poumons font leur travail : ils respirent. Je respire. Je ne suis pas en train de me noyer. Pourquoi je me noyais ? Des images fugaces flottent dans mon esprit, des souvenirs distordus qui s’évanouissent avant que je puisse les saisir. Je tente de me concentrer, mais tout n'est plus qu’un murmure à peine audible. Les brumes de mon subconscient fond rempart à ma mémoire, gardiennes de fragments égarés, d’une vérité inaccessible désormais.
Un seul mot fait jour dans mon esprit : “James”.
Je sais où je suis. Sous ma main qui tâtonne, je sens un corps rugueux. Je tourne le visage dans cette direction. Un torse nu qui se soulève régulièrement. Un souffle calme. Un visage détendu, adouci par un sommeil réparateur. Ce n’était qu’un cauchemar. Il est là. Je crois ?
La chaleur qui émanait de lui s’est dissipée dans l’espace entre nous, et instinctivement, je me rapproche, accueillant sa proximité avec soulagement et ravissement. Je tire la couette sur moi, la douceur du tissu me réconforte, me protège de la fraîcheur de la nuit. Des rayons de lumière filtrent à travers les rideaux, créent des motifs délicats qui annoncent l’aube naissante, baignant la suite d’une ambiance presque onirique. Mais je suis certaine d’être ancrée dans la réalité cette fois.
Ma tête vient se nicher contre épaule, ma jambe s’enroule autour de la sienne et ma main s’immobilise sur son cœur qui bat paisiblement. Tout contre lui, je sens enfin la tension s’effacer, comme si son contact absorbait les dernières traces d’angoisse.
Dans les méandres de sa quiétude, James perçois mon retour. Il bouge imperceptiblement, se réajuste. Sa main vient envelopper délicatement la mienne. Même dans cet état léthargique, il semble reconnaître ma présence. Un sentiment de sécurité et d’apaisement renait au fond de moi. Je soupire, prête à me laisser emporter à mon tour dans un sommeil limpide, dénué des tourments qui m’ont hantée. Quand je referme les yeux, je sais que je ne suis pas seule dans l’obscurité.
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