CHAPITRE 29.2 * VICTORIA

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ATTENTION PASSAGE EROTIQUE


V.R.S.de.SC

♪♫ ♪♫

J’ai appris avec lui que les pierres peuvent voler. Que les sentiments n’ont pas besoin d’être raisonnés pour être vrais. Je ne veux ni le perdre ni réfréner mes envies. Le temps nous magnifiera.

Sa soif se propage en moi. Son ardeur aussi. Sa tendresse. La douce cadence de nos mouvements, le frottement de nos peaux, son souffle chaud sur mes cils. Son sexe qui m’emplit.

Cet homme n’est plus le fantôme d’un passé lointain, ni une illusion insaisissable. Il est ici. Tout autour de moi. Contre moi. En moi. M’entoure, me refaçonne, me bouscule, me pénètre jusqu’à la racine même de ce que je suis désormais. Il s’ancre et se déploie. Sa chaleur m’envahit, sa force m’absorbe, sa clarté perce mes ténèbres. Rien en moi ne résiste à son emprise.

Chaque désir, chaque envie qui nait en moi lui est maintenant lié. Le courant qui traverse mes veines ? Lui. Le noyau de mes fantasmes ? Encore lui. La source de ma passion inextinguible ? Toujours lui. Le cœur battant de mes émotions ? Irrémédiablement lui. Il est le carburant qui nourrit mon feu intérieur, le maintient en éveil, en alerte, alimente les couches les plus secrètes et intimes de mon être.

Soudain, je le chevauche, ressentant chaque pulsation, chaque battement de nos cœurs qui se nivelle dans un tempo unique. Il est allongé sur un tissu en laine à carreaux rouge et bleu. Un tartan. Son tartan. Sa terre. Ma terre.

Il m’examine avec une délectation silencieuse, plaque ses mains sur mes hanches, guide mes mouvements qui alternent entre paresse et furie, une danse sauvage sans chorégraphie, une valse où je suis à la fois l’amante et la mer qui déferle sur lui. Une houle sans fin, sans limite.

Son expression est celle d’un homme éperdu, son sourire est resplendissant, sa beauté brute et magnifique. Je chavire. Sa poitrine pulse sous mes paumes comme le torrent d’une rivière cristalline qui gonfle de désir jusqu’à quitter son lit, embrasse le paysage de notre passion sauvage. La joie s’immisce en nous, s’épanouit à chaque frisson partagé, à chaque va-et-vient, une rencontre de mondes parallèles. Ici et maintenant, nos âmes jumelles s’entrelacent et s'élèvent, pareilles à des battements d'ailes, se fondent et se solidifient, transcendent tout.

Quels que soient mes doutes ou mes peurs, il est la vérité absolue qui les force à surgir et les fait éclater. Mais, en ce qui concerne mes espoirs et mes rêves, alors il les intensifie, les embellit, les transforme en certitudes.

Cet homme est devenu mon centre gravitationnel, l’origine de mon aspiration aussi. Plus qu’un simple visage dans la foule de ma vie, il incarne l’impulsion qui déclenche les mouvements de mon âme, le fil conducteur qui guide mes pas, la cause et l’effet de mes décisions, la clé de tout ce qui fait tourner mon monde.

Dans cette nouvelle dynamique, cette fusion de nos essences, il s’est converti en une partie fondamentale de ma propre identité, indissociable, indomptable. Alors, au diable les pensées qui s’entrechoquent, vagues imprécises dans un océan de mirages où je dérive avec délice. Laissez-les tourbillonner, ces doutes disparates, étoiles filantes qui s’effacent avant de toucher terre. Je n’envisage que lui. Lui, tout entier. Sa nuit a dévoré la mienne. Son jour a consumé mes ombres.

Une brise fraîche balaie la plage, emportant dans son sillage des senteurs de tourbe et de miel. Des arômes de whisky envahissent mes papilles, décuplent ma soif de lui. Je m’abreuve à ses lèvres, goute sa saveur qui m’enivre davantage à chaque baiser.

La pluie, timide et éthérée, se met à danser autour de nous, tombant telles des perles de nacre. Chaque goutte glaciale frappe notre peau brûlante, nourrit notre fièvre commune. Je ne peux m’empêcher de rire, de sourire, de l’embrasser avec fougue. L’averse va nous libérer.

La grande bleue, complice, résonne au rythme de nos déhanchements, tandis que les nuages sombres voilent l’horizon. L’atmosphère devient mystique. L’eau du ciel, l’eau de la mer, l’eau de mes larmes, scelle notre amour, chassent nos tourments. Entre le tumulte de la tempête et la clameur de notre union, tout se dissout, se liquéfie. Dieu que je l’aime, bien sûr que je l’aime. Je lui dis.

Il se redresse aussitôt et emprisonne mon visage entre ses mains avec une intensité qui m’étonne. Ses lèvres, glacées par la morsure du froid, se plantent sur les miennes. Une sensation étrange, presque irréelle, s’empare de moi. Je les scrute, incrédule. Elles sont bleues. Il tremble, ses bras me sanglent si fort que je devine qu’il lutte pour me garder près de lui, mais je ne ressens ni peur ni douleur. Un éclair zèbre le ciel. Le tonnerre gronde avec une telle violence que mes os craquent. Le vent insuffle un frisson polaire dans mes veines, soulève mes cheveux, pulvérise mes pensées.

Quelque chose ne va pas.

Les repères que je croyais immuables se dérobent comme du sable qui fuit entre mes doigts. Je m’embrase et je me noie. J’ai chaud et j’ai froid. Je m’éteins et je me consume. Il est de feu, alors pourquoi, dans son regard, les flammes agonisent ? Je ne veux pas voir ça, je ferme les paupières de toutes mes forces.

Quelque chose m’étouffe.

Je lutte pour respirer, je panique, l’air me manque. Mes membres se débattent furieusement. Pourquoi suis-je au milieu de l’océan ? Le sel me pique les rétines, m’aveugle. L’obscurité se mêle au courroux des vagues déchaînées. Une énergie m’attire vers le bas, écrasante, une ombre prédatrice. Je n’y comprends rien ! Mon Dieu, je vais me noyer !

Quelque chose me brûle.

Je dois refroidir mon cœur avant qu’il ne parte en fumée. Suffoquer les braises pour que l’incendie ne dévore pas tout. Comment l’eau peut-elle vaincre le feu ? Comment le feu peut-il survivre dans l’eau ? Je dois sombrer pour me sauver. Contre un volcan, je ne peux rien. C’est une force de la nature que jamais je ne maitriserai. Il est explosif, impulsif, destructeur. À son contact, l’eau s’évapore : je n’y ai pas ma place. Je dois fuir vers les profondeurs, m’échapper d’ici à tout prix.

Quelqu’un m’appelle.

Une voix, un souffle familier dans ce chaos. Où est-il, lui qui m’a promis la sécurité, qui m’a offert la certitude de ne jamais être seule face à l’abîme ? Où sont ses bras, ses mains robustes et protectrices qui me donnaient l’illusion de pouvoir tout affronter ? Je veux croire qu’il est là, quelque part. Que sa chaleur, sa détermination pourra apaiser les eaux glacées qui me sabordent.

C’est alors que dans la noirceur tourbillonnante, je l’aperçois. Un corps à la dérive, une âme engloutie, captive des abysses sans fin. Non ! Je hurle son nom, mais les flots avalent mes mots, avant même qu’ils ne franchissent mes lèvres desséchées. Les doigts gelés du désespoir m’étranglent, me font prisonnière. Une douleur sourde me paralyse, chaque mouvement devient une lutte acharnée. Je ne peux plus bouger. J’ai perdu le contrôle. Je vais le perdre, lui, mon refuge, ma flamme de vie.

Je ferme les yeux, ne voulant pas le voir sombrer, ne voulant pas admettre que la mer pourrait nous séparer pour toujours. Mais les ondes m’aspirent et je coule à pic. Non, hors de question. Je vais me battre, nager et remonter à la surface. Le récupérer. Le sauver. Nous sauver. Et puis, le vide. Plus d’eau, plus de vent, juste une chute vertigineuse vers… autre chose.

Un sursaut me projette hors du néant. Mes paupières s’ouvrent brusquement, laissant apparaître un plafond blanc plongé dans la pénombre. Je reste figée, immobile, tandis que ma poitrine se soulève à toute vitesse. Mes poumons fonctionnent. Je respire. L’air s’engouffre dans mon corps, vif, glacé, presque douloureux, mais terriblement vivant.

Je ne suis pas en train de me noyer. Je frissonne. Le froid mord ma peau, comme si l’ombre de l’océan m’avait suivie jusqu’ici. Pourquoi me noyais-je ? Des images fugaces flottent dans mon esprit, des souvenirs distordus qui s’évanouissent avant que je puisse les saisir. Je tente de me concentrer, mais tout n’est plus qu’un murmure à peine audible. Les brumes de mon subconscient font rempart à ma mémoire, gardiennes de fragments égarés, d’une vérité inaccessible désormais.

Un mot émerge cependant de ce chaos, un prénom qui fend les ténèbres comme un éclat de lumière : James.

Je prends connaissance de l’endroit où je suis. Sous ma main, qui explore timidement l’espace autour de moi, je sens un drap duveteux, puis une surface tendre et tiède. Je tourne la tête, mes yeux ajustant leur vision à la pénombre. À mes côtés, un torse se soulève et s’abaisse paisiblement. Une respiration calme, continue. Un léger ronflement. Des traits bercés par un repos réparateur. Ses paupières tressaillent à peine, trahissant l’agitation d’un songe lointain, alors que je lutte encore pour me libérer des vestiges de mon cauchemar. Ce n’était qu’un mauvais rêve. James est là.

Instinctivement, d’un même élan, je tire la couette sur moi pour protéger ma nudité de la fraicheur de la nuit et me glisse vers son corps chaud, en sachant pertinemment que c’est de lui dont j’ai besoin. Je comble la distance de nos silhouettes et accueille sa proximité avec soulagement et ravissement. Mon visage se réfugie contre son épaule. Mes jambes s’enroulent autour des siennes, et ma main vient se nicher sur son cœur.

Dans les méandres de sa torpeur, James perçoit mon retour. Il bouge à peine, se réajuste, passe son coude derrière ma tête pour recouvrir de sa paume mon omoplate. Sous mes doigts, son battement régulier résonne, puissant, rassurant. Cette simple pulsation absorbe les dernières traces d’angoisse, effaçant la tempête intérieure qui m’a terrassée. Le calme revient, en moi, autour de moi, en lui. Même dans cet état léthargique, il semble reconnaître ma présence. Un sentiment de sécurité et d’apaisement renait au fond de mon être. Je soupire, prête à me laisser emporter à mon tour dans un sommeil limpide, dénué des tourments qui m’ont hantée. Quand je referme les paupières, je sais que je ne suis pas seule dans l’obscurité. Ses bras m’entourent comme un abri, et dans ce refuge, je me sens entière à nouveau.

Un souffle léger m’effleure l’âme, un écho à peine perceptible. Dans un coin lointain de ma mémoire, une scène flotte, fugace, comme un mirage dans un désert : un océan, des landes, une gemme bleue à mon doigt… James. Une peur sans nom, un cri étouffé, distant. Un sentiment profond, une certitude, l'avenir. Nous.

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