CHAPITRE 30.1 * VICTORIA

10 minutes de lecture

TOME 2

24H POUR SE DECLARER

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PARTIE 2

PAR COEUR

AU FIL DE l’EAU

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V.R.S.de.SC

♪♫ ♪♫


L'alarme de mon téléphone retentit, perçant le cocon de chaleur et de douceur dans lequel je suis enroulée. Il est 9h00. Si je fais un calcul rapide, six heures de sommeil à peine. Pour beaucoup, c'est suffisant. Pour moi, c’est tout juste reposant. Pour James, c’est peut-être déjà trop.

J’avais remarqué qu’il luttait souvent contre des insomnies et que ces nuits étaient courtes. Il m'avait expliqué qu'il profitait de ses matinées pour aller faire du sport, se mettre en forme et bien commencer sa journée. Pourtant, durant notre semaine estivale, il avait semblé délaisser ce rituel sans broncher, avec enthousiasme même, si je souviens bien de nos réveils câlins — et souvent coquins. Je n’étais pas naïve : je savais que sa décision de sacrifier sa routine était guidée par son envie de maximiser notre temps ensemble. Mais maintenant que je suis au courant de son histoire de dépendance à la drogue, je ne peux m’empêcher de me demander si ces insomnies et son obsession pour le sport ne sont pas intimement liés à cette bataille qu’il mène. Une manifestation des symptômes de sevrage, sans doute. Je ne suis pas experte en la matière, mais il serait peut-être judicieux que j’en découvre davantage. Comprendre ce qu'il traverse pourrait m'aider à lui apporter le soutien dont il a besoin.

Je me tourne dans le lit, tirant la couette autour de moi. Sous ma paume, un corps musclé et chaud. Un grognement aussi, lorsque je cale ma jambe sur lui. Une main se glisse dans mes cheveux, joue avec mes boucles. Le beau dormeur émerge lui aussi.

Je n'ai vraiment pas envie de me lever, de sortir d'ici, de voir la lumière du jour. Même à travers mes paupières closes, je sens le soleil qui tape fort, annonçant une journée radieuse. Ce n’est pas pour me déplaire, au contraire. Mais, une fois exposée à ce rayonnement, c'en est fini de ma nuit. Ici, enveloppée dans la chaleur de James, je peux prétendre que le temps s'est figé, que rien d’autre n'existe, que cette douce intimité est éternelle. Non, finalement, il n’y a aucune raison de se presser.

Après tout, ce sont les vacances et je compte paresser jusqu’à n’en plus pouvoir, rattraper mes heures de sommeil et exploiter à fond mes grasses matinées. Surtout celles qui se profilent chez mes parents, quand je gagnerai la demeure familiale dans les jours à venir. J'ai hâte de retrouver tout le clan, même si je sais que ce ne sera pas tout à fait le même esprit que Noël. C'est la Toussaint, et le cœur n'y sera pas vraiment. Les souvenirs des proches disparus resurgissent toujours, comme ma grand-mère, qui nous a quittés trop tôt. Grand-père aura le moral en berne, tout comme nous autres.

Grand-mère et ses confitures maisons. Je la revois encore penchée au-dessus de la marmite en cuivre, les pots alignés sur le plan de travail. Mes frères, mes cousines et moi, les mimines recouvertes de cette substance sucrée, en train de nous lécher les doigts en riant. Ses doigts. Agiles et gracieux, lorsque nous jouions à quatre mains sur le piano du grand salon, portées par la magie de la musique surgissant de l’instrument. Chaque leçon était une aventure pleine de découvertes, une danse entre les touches et nos rêves. Ma grand-mère me guidait à travers les notes avec patience et tendresse et chaque fois que je reviens à la maison, je joue pour elle.

J’irais faire un tour dans la roseraie, son endroit préféré entre tous, où elle passait des heures à bichonner ses fleurs. Elle avait la main verte, était capable de transformer chaque tige en une œuvre d'art, d'insuffler vie et éclat à chaque pétale. Papi a pris la relève. Il continue à cultiver ce jardin de couleurs et de senteurs en souvenir de Mami, sa bien-aimée. Je sais que le massif d’aster sera en fleurs et que je trouverai encore quelques dahlias, des statices et des gypsophiles que je pourrai faire sécher. J’en confectionnerai un bouquet pour garnir sa tombe et un autre que je ramènerai chez moi, comme chaque année. Il remplacera celui que James m’a offert, un geste inattendu, plein de délicatesse, qui m’a touchée plus que je ne l’aurais imaginé.

Ma grand-mère me manque énormément. Son souvenir, plein de douceur, illumine mon cœur, mais cette lumière est assombrie par son absence. Un soupir échappe à mes lèvres, mais James est là, m’ancrant dans le présent.

Je respire un grand coup, hume son parfum, soupire. Je glisse mon bras au travers de sa taille, il pose le sien par-dessus, agrippe mon coude et imprime de lentes caresses qui me distraient un peu de ma mélancolie. Sa présence est un ancrage au cœur de mes souvenirs, me rappelant que la vie continue, même au milieu des ombres.

Mais soudain, il y en a une qui occulte le moment présent. Mon départ de Toulouse signifie que je serais à nouveau séparée de James. À peine retrouvé, déjà éloignée. Ce sentiment de déchirement me serre la poitrine, même si je sais que ce n'est que temporaire. Enfin, je l’espère. Instinctivement, je me recroqueville un peu plus contre lui.

— “Quelle heure est-il ?”, me demande-t-il doucement rompant le silence cristallin de notre suite.

Sa voix endormie me rend toute chose. J’enfouis mon visage contre son torse avant de déposer un baiser sur sa peau satiné.

— “Dans les neuf heures, je présume”.

— “C’est un peu tôt pour toi”.

Je sens son sourire dans ces mots.

Huit heures de sommeil, c’est mon idéal. Au-delà, je me sens engourdie, dans le brouillard. Mais il y a des jours où, même après seulement quelques heures, je me réveille avec une clarté inattendue, revigorée, comme si la nuit avait distillé des secrets dans mes rêves. Tout dépend de la phase dans laquelle je me trouve quand l’alarme sonne, comme un jeu de hasard où Morphée est le croupier. Ce matin, la douceur de ses bras m’enveloppe encore, la pesanteur des draps me cloue à son étreinte, et son corps à mes côtés est le meilleur des réveils. Je prends une profonde inspiration, imprégnant mon esprit de cette intimité. Je nage dans cet entre-deux et je ne suis pas prête à rompre le charme de sitôt.

James dépose un baiser sur ma tête et se contorsionne pour nous positionner face à face. J’ouvre enfin les yeux pour plonger dans son regard. Un océan me dévisage. Deux saphirs brillants, aussi profonds que des abysses, aussi puissants que des torrents. Leur nuance me fascine : un bleu si intense, un kaléidoscope si unique, qui évoque aussi bien les mystères d’un lac inexploré que la teinte d'un ciel d’orage avant la tempête. Doux et calme et pourtant, si féroce et indomptable.

— “Je ne me lasserai jamais de te le répéter, Victoria, mais tu es magnifique”, déclare-t-il tendrement en traçant les contours visage du bout des doigts.

Mon cœur rate un battement et une langueur sensuelle s'installe dans mes muscles.

— “Merci”, je réponds en laissant courir mes paumes sur son torse. “Tu es loin d’être déplaisant à regarder... ou à toucher”, je lui renvoie, taquine, en glissant mes mains sur son cou, savourant la texture de sa peau, puis celle plus rugueuse de sa barbe naissante.

Il sourit franchement.

—“ Oh, vraiment ? Peut-être devrais-je m’immobiliser pour que tu puisses mieux profiter du spectacle alors.”

Ce qu'il fait aussitôt, malicieux. La tournure de notre échange semble nous porter vers des horizons intéressants.

— “Profiter, oui, mais je ne suis pas contre quelques explorations en supplément… À condition que tu y mettes du tien, bien sûr.”

Je m'approche, mon souffle chaud effleurant ses lèvres moqueuses. James attrape ma cuisse et la hisse sur sa hanche. Je me laisse aller volontiers contre lui.

— “Je ne suis pas en reste, ni en sucre, ni de marbre, au demeurant”.

Sur ses derniers mots, il presse son bas-ventre contre le mien et la teneur de ses propos prend tout son sens. La tension est électrique. Ma libido se met en branle prête à m'emmener au sommet de ses monts et merveilles.

— “Je vois que tu sais jouer de tes charmes”.

Je l'asticote en louvoyant mon corps contre le sien, mes hanches se déplacent pour accentuer cette pression charnelle.

Il incline la tête, le bleu de son regard devenant aussi sombre que l’acier.

— “Peut-être que j’attends juste le bon moment pour te surprendre, Victoria. Tu sais que j’adore te surprendre.”

Mon cœur s’emballe et un petit rire m’échappe.

— “Je crois que tu m’as assez surpris cette nuit pour toute une vie.”

James se redresse légèrement, un sourire malicieux aux lèvres.

— “Oh, je n’en ai fait qu’une petite partie. Tu sais que je suis plein de ressources", dit-il fièrement, confiant. "Mais, je te l’accorde, je devrais peut-être prendre des notes sur ce que je peux encore améliorer. Je suis très studieux.”

Je pouffe en secouant la tête avec amusement. Je me sens ragaillardie. J'ai l'impression de retrouver le James d'autrefois.

— “Oh, génial, un élève modèle. Je pense que tu devrais te concentrer sur l’exécution, pas sur la théorie, James.”

Il prend un air faussement blessé avant d’ajouter :

— “Donc tu veux dire que ma performance n’a pas réussi à te conquérir ? Je suis dévasté. Moi qui penser t’avoir trop gâtée...”

Je ne peux m'empêcher de rire à sa désolation feinte.

— “Si je t’ai donné l’impression que tu n’étais pas à la hauteur, excuse-moi Monsieur Légende Vivante. C’est juste que je suis difficile à impressionner, tu sais.”

Je lui adresse un sourire, laissant planer une tension ludique entre nous. Mon pouce se faufile entre ces lèvres entrouvertes, sa bouche l'engloutit et le suçote avec nonchalance. Il fait mine de vouloir me mordre et je ramène mes mains contre ma gorge en riant. Il en profite pour nous réajuster et venir immiscer sa cuisse contre mon intimité.

— “Difficile à impressionner, hein ? Et légende vivante, tu as dit ?" Son regard devient plus intense, sa bouche se fend d’un sourire canaille. “Ça me rappelle un défi… que je serais ravi de relever.”

Il frotte sa cuisse allègrement contre mon entre-jambe. Le contact est irrésistiblement provocant et je plisse mes sourcils, transportée par son audace. Une chaleur douce monte en moi, et déjà une première décharge de plaisir serpente dans ma colonne vertébrale.

— “Un défi, dis-tu ? J’espère que tu es prêt à investir un peu plus de temps que la dernière fois, parce que je ne suis pas si facile à convaincre.”

Cette fois-ci, il grogne, avant de me faire basculer sur son torse pour m’emprisonner dans ses bras. La couette glisse sur mes fesses, l'air frais me fait frisonner.

— “Vraiment, Vi ? Tu sais que je serais resté éveillé toute la nuit pour te prouver ma valeur. J’aurais pu te montrer combien je peux être persévérant et ardu à la tâche". Il accentue ses mots en m’enserrant un peu plus fort, comme une promesse. "Mais, non, Madame...", il marque une pause, cherche à son tour le mot adéquat et m'affuble gentiment : Diva de la paresse ou Belle-au-bois-dormant, si tu préfères", change-t-il précipitamment en voyant mon air offusqué, " a choisi de laisser le marchand de sable faire son œuvre au lieu de tirer avantage de mon expertise et de mes compétences athlétiques”

Il finit sa remontrance grivoise avec un sourire espiègle, puis se penche en avant pour capturer mes lèvres. Je me laisse aller un instant, savoure le moment, avant de me libérer, requinquée et franchement réjouie.

— “Si tu es aussi assidu et aussi... comment dire, talentueux, que tu le dis, peut-être que tu n'as pas vraiment besoin de mes instructions, Monsieur Je-sais-tout.", je lui signifie en lui tapotant le torse. "J'ai mieux fait d'aller prendre une douche dans ce cas."

James ricane.

— “Si tu crois que je vais laisser passer l’opportunité de me doucher avec toi, tu te trompes, mo chridhe !”, réagit-il avec entrain, en se redressant légèrement.

— "Tu sais, avec toute cette énergie que tu déploies à vouloir me garder contre toi, je me demande si tu es vraiment prêt pour la suite. Pourquoi ne pas reprendre un peu de force en attendant ?”, je lui conseille en me dégageant doucement pour m'agenouiller.

James se laisse retomber en arrière tandis que je fais mine de m'en aller. Il tourne sa tête de gauche à droite et fais claquer sa langue avant de s'exclamer :

— “Reprendre de la force ? Je te rappelle que c'est toi qui me proposes un entraînement intensif là !”

— “Oui, mais comme tu me l'as si bien démontré, tu as l'air d'être une vraie machine de guerre, non ? Mais même les machines ont besoin de faire le plein si je ne m'abuse ?"

— “Tu veux dire que je dois recharger mes batteries au lithium avant de continuer le combat ?”

— “Exactement ! Parce que je suis certaine que tu as des capacités à mettre en avant, mais il serait dommage de s’épuiser trop vite.”

Excédé ou excité, James s'écrie :

— "Je vais te montrer moi qui de nous deux sera épuisé après ! À la douche !"

Joignant le geste à la parole, James se redresse en un mouvement fluide. Décidée à lui échapper, je file déjà à l'autre bout du lit, mais pas assez rapide face à ce lion affamé, qui me capture par la cheville. Il me tire avec une telle force que je perds l’équilibre et m’écrase sur lui.

— “Arrête, arrête !” éclatè-je, tandis qu’il me chatouille, ses doigts agiles parcourant mes côtes. Je me débats, pris d'un accès de rire, mais c’est peine perdue. James, avec un sourire malicieux, intensifie ses attaques.

Finalement, il réussit à me redresser en position assise sur ses genoux, un air triomphant sur le visage. Il passe ensuite ses jambes par-dessus le rebord du lit, prêt à s'élancer vers la douche. Je ris à gorge déployée, mes bras s'enroulant autour de son cou dans une étreinte complice. Alors qu’il s’apprête à nous lever, je prends la parole :

— “Attends, si tu tiens tellement à m’accompagner, j’ai une proposition à te faire”, dis-je, avec une pointe de mystère dans la voix.

James lève un sourcil et nous garde assis.

— “Je t’écoute. Je sais que tu peux être très exigeante”, commente-t-il répond-il avec une intensité sous-jacente, sa voix rauque se faisant plus basse alors qu'il repousse d’une main mes cheveux derrière mon épaule, caressant ma peau délicate au passage.

— “Un bain, ça te dit ?”

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