CHAPITRE 34.4 * JAMES
J.L.C
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À quelques mètres de nous, un groupe d’amis partage également une bouteille de vin autour d’un pique-nique animé. Leurs éclats de voix se mêlent à nos chuchotements, créant une atmosphère vibrante et conviviale. Un bambin passe en draisienne sur le sentier gravillonné plus bas. Ses rires résonnent joyeusement dans l'air. Une fillette trottine derrière lui, un tube de bulles de savon à la main. Les petites sphères iridescentes s’élèvent, scintillent sous le soleil. La scène est empreinte de légèreté, rendant notre pique-nique encore plus agréable au cœur de ce jardin paisible.
Repu, j’éprouve une douce fatigue qui m'incite à m’allonger. Victoria me propose les desserts, mais je repousse l’idée à plus tard. Avec un sourire franc, elle m’invite à me blottir dans son giron. J’accepte volontiers, avec un empressement digne d’un enfant qui se glisse sous une couverture chaude en plein hiver.
Victoria me questionne encore sur l’Écosse, curieuse de savoir comment est l’automne là-bas. Et il est… magique, à sa manière. Les collines se parent d’une palette d’ocre, d’orangés et de bruns, comme si la terre prenait feu. L’air devient plus vif, avec cette odeur de bruyère et de tourbe humide qui flotte dans l’atmosphère. Et puis il y a le vent. Pas cette brise douce qui effleure la peau, non. C’est un vent brut, puissant, qui s’insinue jusque dans les moindres recoins, te faisant frissonner, comme si la nature elle-même voulait t’imprégner de sa force.
Quand le soleil perce à travers les nuages, c’est comme un éclair. Les lochs deviennent presque argentés, et les montagnes, elles, semblent encore plus imposantes sous ces cieux tourmentés. C’est un paysage imprévisible. On se réveille le matin sous un ciel clair et deux heures plus tard, il pleut des cordes. Des jours durant. L’Écosse nous tolère, mais sous ses conditions.
Je me perds dans l’imaginaire de ce tableau, l’esprit vagabond. À chaque pensée d’elle, le désir se renforce, comme un écho du vent qui souffle sur les collines. Et là dans cette brise frâche, je vois Victoria. Postée devant le château de Kilchurn, emmitouflée dans un manteau de laine avec un joli petit bonnet à pompon, qui s'extasie devant les reflets miroitants du loch Awe, le regard pétillant d'émerveillement. Je sais qu'elle voudra absolument que je l'y emmène, elle qui est si mordue d’histoire. Ce lieu si emblématique est un symbole de ma région, un témoin silencieux des contes et légendes qui imprègnent ma culture, une escapade romantique que je me projette parfaitement.
Et à cette image s'en substitut une autre. En été cette fois. Enfin, l’idée qu’on se fait d’un été en Écosse. Chez nous, la saison estivale s’apparente plus à un printemps continental. Les températures ne montent jamais vraiment très haut, et pas de longues semaines de soleil brûlant en vue. Mais ça a son charme aussi. Même en juillet, il y a toujours cette humidité qui colle à la peau. Parfois, on a droit à de belles journées baignées de lumière, mais le ciel est capricieux. Les nuages reviennent vite, surtout en bord de mer. On apprend à apprécier le moindre rayon, à profiter de la nature et à savourer chaque moment comme un cadeau.
Et elle est là, déambulant parmi les champs de bruyère, une couronne de fleurs champêtres ornant ses cheveux blonds. Sa robe légère se soulève délicatement au gré du vent. Le tissu danse autour d’elle, capturant la lumière dorée du soleil, tandis qu’un sourire radieux éclaire son visage. Elle m’appelle, m’embrasse, me dit qu’elle m’aime et m’entraine vers le sol moelleux pour un moment hors du temps. Lui faire l’amour dans la nature sauvage, voilà un autre de mes fantasmes.
Victoria. Chacune de nos saisons lui irait comme un gant.
Au printemps, je l'emmènerais en balade à cheval. Je lui ferais découvrir les sentiers côtiers que je connais par cœur. L’air serait frais, presque vivifiant, et embaumerait des premières fleurs qui pointent le bout de leur nez après l’hiver. On poserait pied sur une plage déserte, l’écume léchant le sable nacré, et je l’observerais, pieds nus, marcher au ras l’eau, son regard perdu dans l’infini bleu de l’océan. Je l’enlacerai, et on resterait là, bercer par le souffle marin, tourner vers l’horizon.
Et en hiver… Enveloppée dans un long tartan, elle se tiendrait devant la cheminée en pierre de ma chambre d'enfance. Sa peau suave contrasterait avec la texture rugueuse du tissu, et je saurais qu’elle est nue en dessous. Son regard intense se planterait dans le mien. Elle me sourirait, un éclat de malice dans les yeux, avant de laisser tomber la lourde laine, qui dévalerait le long de son corps nonchalamment. La lueur des flammes danserait sur sa peau. Chaque courbe de sa silhouette de rêve, chaque ombre qui valserait sur ses traits, la rendrait mystérieuse et ensorcelante. La chaleur de la pièce s’intensifierait, la température grimperait dans mes veines, comme un volcan prêt à exploser...
Je suis brusquement tiré de ma rêverie par la voix de Victoria. Elle m’interpelle, et l’instant fugace s’évapore, me ramenant à la réalité. Mais je ne suis pas prêt à le laisser filer si facilement.
D'un mouvement fluide, je me redresse et me retourne vers elle. Je glisse ma paume dans ses cheveux et sans prévenir, mes lèvres capturent les siennes dans un baiser passionné, inattendu. Elle sursaute légèrement, surprise, ses doigts se referment autour de mon poignet comme pour m'arrêter, mais au lieu de me repousser, elle se laisse faire, s’abandonnant totalement à ma passion à peine contenue. L’étreinte se fait plus profonde, plus intense, et je sens son souffle se mêler au mien.
Quand je finis par me détacher, le désir a déjà voilé ses yeux et, ses lèvres, gonflées et humides, témoignent de l'intensité de notre fièvre. Un sourire énigmatique étire cette jolie bouche qui a le pouvoir de me propulser au seuil de l’ivresse. Légèrement essoufflée et avec un éclat de défi dans le regard, elle me lance :
— “C'est en quel honneur ?”
Son ton est à la fois taquin et intrigué, comme si elle cherchait à comprendre ce qui m’a poussé à l'embrasser si soudainement. Si elle savait… Autant lui dire.
— “Je pensais à toi. Nue. Sous mon tartan”.
Elle écarquille les yeux, médusée par mon aveu direct, et un éclat de rire fend l’air. Mais je vois aussi le feu qui s'allume dans son regard, une étincelle à laquelle je ne peux résister.
— “Vraiment ?” murmure-t-elle, sa voix plus basse, son corps se rapprochant imperceptiblement du mien.
Sa main glisse le long de mon bras, effleurant la peau avec une douceur délibérée, presque une provocation. L'atmosphère se charge de tension. Elle parcourt mon tatouage du bout des doigts, traçant les motifs langoureusement. Je me demande si elle va me pousser à la limite ou se retirer en souriant, comme elle aime le faire parfois. Je ne lui laisse pas le bénéfice du doute, j’attrape son menton pour la forcer à me regarder droit dans les yeux.
— “Tu te rappelles ce que je t’ai dit en quittant le marché ?”, demandè-je à la femme responsable de la folie qui s’empare de moi.
— “Oui. Tu m’as promis une dégustation… Quelle était le mot déjà ?”
— “Mémorable”.
Je laisse mes doigts crapahuter le long de sa gorge, appréciant la douceur de sa peau et la courbe envoûtante de ses seins. Elle entrouvre les lèvres pulpeuses que je fixe avidement. Je suis à deux doigts de les prendre entre mes dents quand Victoria dépose un raisin dans ma main. Sa bouche s’élargit en un sourire carnassier.
— “Alors, fait moi déguster...”, me provoque l’insolente créature.
Sans attendre ma réponse, elle prend un second raisin et le porte à mes lèvres. Je me laisse faire. Bien évidemment. Si elle exige que je m’arrache le cœur de la poitrine pour le lui livrer, je le ferais sans la moindre hésitation. Et même si elle voulait le dévorer, je la laisserais, fasciné par la douceur de sa cruauté, incapable de ressentir autre chose que l’envie de lui appartenir entièrement.
Ma bouche happe ses doigts et le raisin roule sur ma langue. Je suce sa peau avant qu’elle se retire et je sens le jus sucré exploser sur mes papilles lorsque je mords le petit fruit. Victoria se lèche les babines. Putain de merde, ce jeu va mal, très mal finir ! Mais soit, je m’y laisse prendre.
Je m’assois près d’elle et récupère la grappe vermillon. Je décide de lui rendre la pareille, insinuant une petite bille fruitée dans ce palais des délices. Elle la croque et ferme les paupières en rejetant sa tête en arrière, exposant son cou dans un geste aussi gracieux que sensuel. Elle me rend fou ! Je ne peux résister. Je me penche aussitôt, et ma langue trace une ligne ardente sur son cou offert, savourant ce mélange enivrant de douceur mielleuse et de chaleur extatique. Elle rit doucement, un son léger, tandis qu’elle s’accroche à mes épaules, ses courbes divines venant se presser contre mon torse.
Notre petite dégustation coquine se prolonge jusqu'à ce qu'il ne reste plus un grain. Nos bouches sont comblées, non seulement par cette fringale fruitée, mais aussi par les baisers qui ont accompagné chaque bouchée.
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