CHAPITRE 34.3 * JAMES
J.L.C
♪♫ ... ♪♫
Ses yeux ambrés, couleur whisky, capturent la lumière, comme un précieux nectar, et je me perds dans cette profondeur quand j'entame mon speech.
— “Une campagne sous le signe de la séduction et de l’amour des bonnes choses”, je commence, savourant le jeu d’ombres et de lumières sur sa peau.
Chaque éclat met en valeur ses traits délicats, chaque ombre souligne la douceur de ses courbes
— “Avec une égérie”, je reprends. “Un peu à la manière des grandes marques de luxe, tu vois ? Les parfums, les cosmétiques, la joaillerie”.
Victoria acquiesce tout en décroisant ses jambes pour se mettre plus à l’aise. Le mouvement révèle la grâce naturelle de son corps, et je suis hypnotisé par sa présence. Je poursuis :
— “Un femme belle, mytérieuse, qui incarnerait l’essence de Lochranach. Je l'imagine élégante et élancée, avec des formes voluptueuses. Une allure digne et gracieuse. Un visage délicat et puissant, exprimerait une confiance naturelle, tandis que son sourire, à la fois énigmatique et chaleureux, attirerait tous les regards. Et elle aurait de longs cheveux blonds comme les blés — ou l’orge d'ailleurs — et des yeux couleur whisky, bien-sûr.”
Je vois ses pupilles s'illuminer et ses joues s’empourprer.
— “Rassure-moi, t’es pas en train de penser à moi ?”
— “Évidemment que je pense à toi”.
Elle se fige brièvement avant de pouffer.
— “Hier, ce sont mes lèvres qui t’inspiraient pour créer un whisky, et aujourd’hui, c’est carrément mon visage et mon corps qui te servent de modèles. Tu me prêtes trop d’importance James, et une prestance, que je n'ai, de toute façon, absolument pas. Je ne suis pas une muse, voyons !”
Elle secoue la tête, mais je vois qu’elle est flattée, même si elle feint de rejeter l’idée.
Je claque ma langue gentiment.
— “Tu sais être inspiré, c’est bien plus qu’un simple regard. C’est ressentir une vibration, une énergie. Et avec toi, c’est ce qu'il m'arrive en permanence.”
J’attrape tendrement sa main posée à quelques centimètres de moi et entrelacent nos doigts avant de reprendre.
— “Mo chridhe, je te l'ai déjà dit mais je me repète : tu te sous-estimes. Tu as une aura flamboyante. Tu es naturelle, charismatique, un vrai rayon de soleil et chaque mouvement que tu fais dégage grâce et sensualité.”
— “Tu me regardes sous un prisme biaisé, James.”
Celui de l’amour, sans aucun doute. Mais même fendillé, ou même cassé en mille morceaux, il reflètera toujours la même beauté indéniable. Peu importe les angles, cette femme brillera toujours à mes yeux.
— “Peut-être, ou peut-être que c’est toi qui ne te considère pas assez. Imagine les photos et les vidéos promotionnelles sur les réseaux avec toi en tête d'affiche. C'est déjà un peu ce que tu fais sur ton Insta, non ? Pour tes évènements. Les possibilités sont infinies ! Visualise-toi, un verre de whisky à la main, dans un décor à la fois raffiné et luxueux. Une ambiance délicate, avec une mélodie mélancolique et sensuelle en fond sonore. Ça ne parlerait pas uniquement aux connaisseurs et initiés, mais toucherait tout le monde. L’idée, c'est vraiment de mettre l’aspect sensoriel et émotionnel de notre marque en avant. Tu serais l’héroïne de cette histoire captivante, incarnant toutes les nuances de cette boisson : la puissance et le caractère, la richesse et la profondeur, la chaleur et la douceur. Tout !”
— “Eh bien, bravo ! On dirait que tu es un véritable crack dans ton domaine. J’avoue être un peu impressionnée.”
Une petite pointe de fierté vient illuminer mon visage. J'attrape le dernier morceau de pain tranché et le porte à ma bouche.
— “Sans parler de l'effet que tu aurais sur mes clients quand tu apparaitras à mon bras pour les événements et les dégustations. Tu les mettrais tous à tes pieds !”
Victoria s’esclaffe franchement.
— “C’est toi qui surestimes mes talents là ! Je suis juste Victoria, pas une femme fatale ou un faire-valoir.”
Juste Victoria, hein ? Mon regard se pose sur elle, et je me retiens de sourire. Non, elle n’est pas “juste” Victoria. Elle est bien plus que ça.
— "Tu n’es pas juste Victoria, tu es ma petite maniaque du contrôle, toujours sur la défensive et toujours aussi exceptionnellement belle", rectifiè-je en appuyant sur le ma.
Elle fait semblant de ne pas réagir, mais je vois bien ses joues légèrement rosir, encore. Elle attrape sa barquette de légumes grillés et continue son déjeuner, évitant de croiser mon attention trop longtemps. Je la connais, je sais quand mes mots la touchent plus qu’elle ne le montre.
Je m'assois totalement et attrape doucement son menton pour plonger dans ses yeux magnifiques.
— “ Vi… Tu es authentique et naturelle, et c’est ça qui fait toute la différence. Tu n’as pas besoin de jouer un rôle ou même de porter des talons pour être impressionnante. C’est ta personnalité qui attire.”
Ses épaules se raidissent vaguement. Elle pousse un long soupir. Mais je ne pense pas que ce soit de l'agacement. Elle a l'air un peu perdue. Quand, elle reprend la parole, je capte de suite que, comme souvent, elle se retranche derrière son humour piquant.
— “Ah, donc tu me trouves impressionnante avec mes vieilles godasses, mon jean délavé et mon gros pull noir ? Tu tentes vraiment tout pour me vendre ton idée là, hein !”
Je ris doucement, incapable de résister. Je lâche son menton et me recule. Mode analyse activé. Ses baskets… sportive, dynamique. Une fille qui prend soin d’elle, de son corps. On valide. Le jean… Ah, ce jean. Il épouse admirablement ses formes, surtout ce fessier galbé et foutrement appétissant. On approuve plus que tout. Quant à ce pull noir, large, il est ravissant. Il a ce charme discret qui la rend encore plus attirante, tout en douceur, tout en simplicité.
Même en faisant le point mentalement sur chaque détail de sa tenue, le constat est sans appel : elle pourrait porter n'importe quoi, elle resterait incroyable.
— “Admettons, avec cette tenue que tu considères apparemment insignifiante. Que dis-tu de ça : Victoria, l’indomptable aventurière, féru de vitesse, sur ma Yamaha, ton jean, ton pull noir, bon d'accord, peut-être des bottes, mais plates, pour éviter les talons. De toute façon, c'est déconseillé. Tu arrives dans un décor industriel, brut. Tu coupes le contact, mets la béquille, et d’un geste fluide, tu retires ton casque. Tes cheveux se déploient sensuellement, tu les fais tournoyer pour les repousser derrière tes épaules. Avoue, c’est sexy ?”
J'arque un sourcil interrogateur. Victoria hoche la tête mais déjà, ses traits se détendent et son regard pétille.
— “Tu jettes un regard appuyé à la caméra, un sourire énigmatique en coin, toujours aussi naturelle. On te tend un verre de Lochranach. Tu l’attrapes, élégante et décontractée à la fois. Tu lèves le verre, légère, tu le portes à tes lèvres, comme si tout cela t'était parfaitement instinctif. Et voilà, le tour est joué.”
Elle baisse la tête. Sa paume remonte le long de mon bras, ce qui, avec l'image que je viens de me faire d’elle dans ma tête, déclenche un agréable frisson.
— " Et je suppose que c'est toi qui me le tendrait, ce verre ?”, me susurre-t-elle d'une voix douce.
— “ Tant qu’à faire, oui.”
Elle laisse passer un court silence. Ses doigts caracolent maintenant dans ma barbe.
— “ Tu penses que tu décrocherais facilement le rôle ?”
— “ Ça dépend de la directrice de casting. Je présume”, réponds-je, en laissant à mon tour mes doigts vagabondaient sur sa cuisse.
— "Ah ! Alors c'est ça..." souffle-t-elle en levant les yeux, un rictus joueur sur ses lèvres. “Moi qui pensais avoir été invitée à un pique-nique romantique par un charmant Écossais… Et je découvre qu’en réalité c’est une audition déguisé avec un metteur en scène complètement fada… ou gaga ! Tu caches bien ton jeu, Monsieur Tarantino ! Mais, je ne suis pas Uma Thurman..."
Je m'amuse de son changement de ton, sachant pertinemment qu'elle se joue de moi.
— “Pourtant, tu danses aussi bien qu'elle, voire même beaucoup mieux. Pourtant, je t'aurais plutôt imaginée en admiratrice de Almodóvar ou Woody Allen, avec leurs intrigues dramatiques et leurs romances passionnées....”
Victoria esquisse un léger sourire et hausse les épaules d'un air désinvolte. Je sens qu'elle se prépare à conclure, et je comprends que la conversation arrive à son terme. Je me mets à l'aise, m'appuyant en arrière sur mes mains.
— “Et pour ta gouverne, je t’ai invité à un pique-nique et rien de plus. Juste, penses-y. Je suis vraiment sérieux. Sinon, il faudra que je demande à ma diva de sœur, et avec ça, vive les caprices de stars et les conditions salariales !”
— “Un salaire, tu dis ? Ça, c'est intéressant !”, s’exclame ma future starlette en se réajustant. “Mais attention, mes exigences pourraient vite te mettre sur la paille.”
Je tourne mon visage vers le soleil en croisant mes jambes nonchalamment. Mes paupières se ferment et ma voix s'élève calmement :
— “Pas de risque, je sais que tu accepteras le paiement en nature...”
Soudain, un projectile rebondit sur mon front, puis un autre atterrit sur mon torse. Je souris de toutes mes dents, ravi de ma boutade.
Quelques secondes plus tard un léger pschitt se fait entendre. Je tourne un peu la tête pour découvrir Victoria porter le goulot de sa limonade à ses lèvres aguicheuses. En buvant, elle laisse échapper un petit soupir de satisfaction, comme si chaque gorgée était un véritable délice. Ce simple geste, d’une sensualité à couper le souffle est une preuve de plus que cette femme magnifique serait la personnification parfaite de la séduction.
Je secoue la tête face à cette vérité, réalisant à quel point elle exerce sur moi un pouvoir fascinant.
Victoria, interrompant sa gorgée, m'observe avec une expression torve.
— "Qu'est-ce qu'il y a encore ?" s’enquiert-elle, une note de défi dans sa voix.
Je lui lance un sourire sarcastique.
— "Rien de grave, juste que je tente de comprendre pourquoi tu insistes à te voir comme une simple mortelle alors que t’es une déesse vivante."
— “Rohhh... Arrête tes flagorneries !”, s’écrit Madame Perfection.
Non, je m'éclate. Je me tourne sur le flanc, toujours accoudé.
—“ Sérieusement, je me demande juste si tu as remarqué que même les miroirs ont du mal à capturer toute ta splendeur.”
Victoria, agacée mais, intéressée malgré tout, fronce légèrement les sourcils.
— "Si tu ne me descends pas tout de suite de ce piédestal, je vais te le mettre là où tu penses !” fustige-t-elle, faussement menaçante.
Je me redresse un peu, feignant l’indifférence.
— “Attends, j’en ai d’autres en réserve. Que penses-tu de celle-ci : À côté de toi, les diamants sont de la pacotille sans teint ni éclat. Constate la rime.”
Ses yeux ne sont plus que deux billes écarquillées.
— “Ah non, je te préviens”, gronde-t-elle en levant un doigt inquisiteur. “T’as pas intérêt à me sortir une phrase de dragueur de trottoir ou je te plante là dans la minute !”
Dans un éclat de joie, je lève les mains en signe de reddition. Il est temps que je change mon fusil d’épaule.
— “D’accord, d’accord, j’abandonne les phrases toutes faites... mais laisse-moi essayer autre chose.”
Voyant que m’apprête à la rejoindre, Victoria me stoppe d’un regard intraitable :
— “C’est bon, je suis convaincue. Avec toi, les mots ne sont rien à côte de ce que tu sais faire avec tes mains ou ta bouche. Oui je sais, pas besoin d’une démonstration.”
Ma tête explose de rire, mon cœur fait un saut périlleux, mais je n'en montre rien. Elle est tellement dans le vrai. Enfin, j'espère quand même que mes mots la touchent un minimum. Parce que, si elle ne me prenait pas au sérieux, si elle croyait que je n'étais qu'un manipulateur, ça me ferait plus mal que je ne le laisserais paraître.
Mais bon, ne pas trop y penser, et jouer les innocents.
— "Quoi ? Mais, pas du tout" dis-je avec une moue faussement choquée en me réinstallant confortablement. "Je voulais juste... attraper le dernier samosa. J'ai un petit creux."
Avant que je réussisse à mettre la main dessus, Victoria me le chaparde, et croque dedans. En guise, de cesser le feu, elle me propose du saucisson aux noix. La chipie a bien compris que j’adorais ça. Pour compléter mon repas, j'engloutis le reste de salade aux poivrons et aux pois chiche dont Victoria ne veut plus, une nouvelle tranche de saumon, — cette fois-ci, celle à l'ail des ours et fleurs de bleuets que je trouve encore meilleure que la précédente —, et quelques olives vertes juteuses. Quant à Victoria, elle se jette sur le second Rocamadour avec gourmandise : elle ne mentait pas en déclarant qu’elle en raffolait.
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