CHAPITRE 35.1 * JAMES
AVENIR
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J.L.C
♪♫ ... ♪♫
Peu de temps s’écoule avant que Victoria ne m'interroge à nouveau sur ma future start-up, un projet que je n’avais jamais vraiment partagé avec elle auparavant.
Elle est allongée sur le dos, détendu, ses cheveux s’étalant comme une cascade dorée autour de son visage, tandis que le soleil caresse faiblement ses paupières mi-closes. Mon coude s'enfonce légèrement dans l'herbe et ma main effleure le sol, touchant du bout des doigts la douceur de la nature qui nous entoure. La lumière de l’après-midi qui joue sur les traits de Victoria, accentue la courbe délicate de sa mâchoire et le léger sourire qui s’esquisse sur ses lèvres.
Ma star-up… Par quoi commencer ?
Je travaille dessus depuis des mois, mais jusqu’au fameux soir de mon appel manqué, mon installation à Toulouse n'était pas encore acté. D'ailleurs, jusqu’à il y a dix jours à peine, je pensais réellement que tout aller tomber à l'eau. Et maintenant, me voilà plongé en pleine frénésie professionnelle, jonglant entre un agenda digne d'un ministre et diverses tâches qui me paraissent presque insurmontables.
J'en ai besoin. Pour occuper mon esprit. Pour m’impliquer dans quelque chose de réel et tangible. Pour me détourner de la tentation. Le travail est une échappatoire bienvenue – du moins, c’est ce que j'espère.
Le regard attentif qu’elle me porte, m’encourage à m’ouvrir. Son bras vient se heurter délicatement à mon torse et ses doigts me chatouille la barbe. Elle adore faire ça. Ce geste apaisant résonne en moi comme une invitation à me livrer.
— “J'ai un rendez-vous demain avec une agence immobilière spécialisée qui doit me dégoter le local idéal pour l’implantation de la boîte. Et je peux te dire que ce n'est pas une mince affaire. Mon cahier de doléances est long comme le bras. J'ai une idée précise de ce que je recherche et ça ne sera pas du tout cuit pour eux.”
— “Et qu'est-ce qui ferait ton bonheur ?”, me demande-t-elle, son regard brillant de curiosité.
— “Un grand espace industriel, que je pourrais aménager à ma convenance. Peu importe que ce soit en ville ou en périphérie, tant que c’est aéré, avec un plafond haut pour installer mes alambics.”
Je lui explique les différents espaces nécessaires pour faire tourner la machine. Victoria rebondit sur tel ou tel élément, posant des questions pertinentes qui alimentent notre discussion. Au fil de mes projections, j’essaie de visualiser chaque détail et de noter mentalement tous les défis logistiques et techniques qu'il me faut encore surmonter.
— “L'endroit doit refléter non seulement l'art du whisky, mais surtout l'art de vivre.”, je lui expose tranquillement alors que mes doigts papillonnent sur son corps alangui. “Oui, ce sera une distillerie, et je vais y passer des heures — un vrai terrain de jeu en vrai — mais je veux que ce soit aussi un lieu de rencontre, chaleureux et authentique, entre modernité et tradition”.
Les rayons du soleil filtrent à travers quelques nuages épars, nous privant de leurs chaleurs quelques secondes.
— “Tu comptes installer une boutique ? Un bar ?”
— “Pas pour tout de suite, mais c'est dans les cartons.”
Je me redresse légèrement, en entrelaçant mes doigts aux siens.
— “Pour l'instant, l'objectif principal est de renforcer la distribution en B2B. On cible les bars, les restaurants, et les clubs avec un modèle de vente axé sur la relation directe. On a déjà commencé à créer une base de données d'établissements locaux à fort potentiel, et on prévoit une approche de prospection en plusieurs phases : je pense notamment au pays Basque et à la Côte d’Azur. J'ai déjà établi des partenariats avec deux bars et un concept-store à Paris, trois bars et deux clubs à Toulouse, et trois restaurants. Je veux renforcer ces collaborations et en ajouter d'autres.”
Je marque une pause pour laisser Victoria assimiler l'information.
— “Tu me suis ou c’est trop technique ?”, je l'interpelle.
— “Non, ça va, continue. Je découvre, mais tu as piqué ma curiosité”, m’avoue-t-elle tout sourire.
— “En plus de ça, Antoine et moi écumons les foires d'exposition et les salons spécialisés depuis des années, comme tu le sais déjà, Miss Carcassonne. Ces événements sont cruciaux pour nous, parce qu’ils nous permettent de rencontrer des professionnels du secteur et de nous faire connaître. Participer à ces rassemblements renforce notre notoriété de marque, en positionnant Lochranach comme un acteur sérieux dans le domaine des spiritueux. Ça nous aide aussi à générer des prospects en établissant des contacts directs qui pourraient se traduire par de futures alliances pro.”
— “C'est malin !” s'enthousiasme ma petite novice en entrepreneuriat.
— “Exactement. Et on organise aussi des dégustations directement chez nos partenaires. D’ailleurs, j'en ai une de prévu mercredi soir au Py-R, tu connais ? En plus, ils ont un domaine à quelques kilomètres de Toulouse, ce qui ferait deux points de vente viables.”
— “J’en ai entendu parler, mais je n’y suis jamais allé”, me concède-t-elle en pivotant légèrement pour se mettre de biais, avant d’enchaîner : “Et toi, tu participes à toutes les dégustations ? Je veux dire, c’est toi qui animer ?”
— “Il faudra bien, oui. Jusqu’à présent, ici à Toulouse, Antoine s’en chargeait. Quand j’étais dispo et dans le coin, je l’accompagnais bien sûr. J’aime voir les gens goûter nos whiskies, être là quand ils découvrent chaque saveur. Ces sessions, tu vois, elles servent pas uniquement à promouvoir, ça permet aux clients de vivre l’expérience Lochranach et d’éduquer le marché sur notre savoir-faire. Cette stratégie booste notre position d'excellence et établit une présence durable et engageante auprès du public.”
— “ Vous vendez aussi directement aux particuliers, c’est ça ? Avec le site ?”
— “On a effectivement déjà activé des canaux en B2C. Le but, c’est d’attirer du monde directement sur notre plateforme en ligne, ce qui permet non seulement de vendre nos bouteilles, mais aussi de toucher une plus large audience. C’est ce qu’on appelle 'générer du lead', c'est-à-dire attirer des clients intéressés par ce qu’on propose. Notre page Insta nous aide aussi, on y lance nos campagnes de com, ça génère du flux vers le site. Il fonctionne plutôt bien d’ailleurs depuis quelques mois et j'espère qu'il pourra représenter une part significative de nos transactions. Mon objectif est de tripler notre volume d'ici l’année prochaine”.
Victoria, toujours curieuse, déporte la conversation vers un terrain plus technique. Elle me questionne sur les chiffres, sur les bénéfices, les marges. Je vois bien à son regard qu’elle n’est pas vraiment à l’aise avec tout ça, qu’elle cherche à se faire une idée précise, même si ce n’est pas son domaine.
Alors, je prends le temps de lui expliquer, sans trop entrer dans les détails complexes. Elle hoche la tête doucement, ses yeux fixés sur moi, concentrée. J’essaie de rendre ça aussi simple et fluide que possible.
— “En gros, tout doit être calculé au cordeau, sinon on risque vite de se retrouver en difficulté. Ce n'est pas seulement des chiffres sur un papier, mais une mécanique bien huilée. Sur ce terrain, le charme ne fait pas tout. Le combo gagnant c’est : expérience, instinct et bonnes décisions.”
— “Précision et intuition. Ça a du sens. Et tu ne manques ni de l'un ni de l’autre. Parole d’initié.”
Je souris. Le double sens de ses mots me saute à la figure.
— “Tiens donc. C’est vrai qu’il y a eu cette fois où mon instinct m'a soufflé de demander son numéro à la jolie blonde sexy sur laquelle je fantasmais depuis des mois...”
Victoria glousse en venant nicher sa tête dans mon épaule.
— “Et elle t’a dit non !”
— “Exactement ! J’ai passé trois jours à attendre que tu m'appelles.”, je la houspille gentiment. “Sérieux, j'ai cru que j'allais repartir en Écosse sans te revoir. Je crois même que j'étais prêt à te pister sur les réseaux et à débarquer pour te forcer à prendre un verre...”
— “Ah bon ? Juste un verre, vraiment ?”, me coupe-t-elle, sourcil levé et regard espiègle.
Toujours allongée sur l'herbe, elle se redresse légèrement, se mettant sur un coude.
— “Oui, Vi. Juste un verre”.
Je lui fais un clin d'œil tout en m'approchant de son visage. Mes doigts frôlent délicatement sa main posée dans l’herbe.
— “Le plus si affinités était au programme, mais j'avais déjà capté que tu avais ton petit caractère”, je lui chuchote à l’oreille.
Un doux sourire se dessine, et elle pousse une mèche de cheveux derrière son oreille, un geste qui me rappelle à quel point elle est naturelle et ravissante. Mais, avec cette femme, c'est toujours un jeu subtil entre flirt audacieux et tendresse complice. Elle approche sa bouche de la mienne.
— “Un petit caractère, oui, mais je sais que tu aimes ça.”
Et elle m'embrasse du bout des lèvres, les yeux pétillants de malice.
Je sens une chaleur suave envahir ma poitrine.
— “Oh, je ne peux pas nier que ton esprit me captive”, je murmure, amusé.
Elle se laisse retomber sur le dos, riant doucement, la tête tournée vers le ciel.
— “Alors, peut-être que tu devrais te préparer à plus de surprises.”
— “Des surprises ? J’adore ça,” je rétorque, le cœur battant.
— “Rendez-vous ce soir, alors !”
Instinctivement, je regarde ma montre comme si elle allait me donner l'information que seule Victoria peut me donner.
— “A quelle heure tu veux que je te rejoigne au club ?”
— “Eh bien, laisse-moi te faire un rapide récapitulatif,” commence-t-elle, un sourire mystérieux sur les lèvres. “L'événement débute officiellement à 18h, et la première partie de la soirée est réservée aux clients qui viennent savourer un dîner. On propose un menu spécial bien sûre, avec des tapas concoctés pour l’occasion en partenariat avec un jeune chef toulousain. Et je te raconte pas les cocktails : fabuleux. Il y en a un que tu vas adorer : le Flammes du Démon.”
— “En quoi il consiste ce “Flammes du Démon” ?”, je lui demande, intrigué, même si je devine déjà sa base ambrée.
— “Whisky, liqueur de cerise et ginger ale”.
Elle me gratifie d'un sourire éclatant, fière de me présenter ce mélange audacieux.
— “C’est une combinaison intrigante. Whisky et gingembre ça matche. Mais j’avoue que la liqueur de cerise me surprend. Ça pourrait donner une belle profondeur. J'ai hâte de voir si ça tient ses promesses.”
— "Batispte et Cléa savent y faire, tu ne seras pas déçu”, approuve-t-elle. “Pour le reste, le gros des invités est attendu à partir de 22h — ceux qui ont réservé à l'avance pour assister au show et les guests que Mati a réussi à faire venir. Entre 23h et 23h30, prépare-toi à être émerveillé par une performance surprise. C’est le clou du spectacle et, ayant assité à leur entrainement, je peux te dire que c’est de la haute voltige. Après ça, le DJ prends le relais, l'ambiance devient électrique et la piste s’enflamme. Enfin, si tout ce passe comme prévu. Auquel cas, je n'aurais qu’à ouvrir mon Livre des Ombres et lancer une petite incantation. Sait-on jamais, le pouvoir des trois me libèrera peut être.”
Sa référence ne m'échappe pas et j'imagine bien ma petite sorcière figer à tout va pour maîtriser le chaos ambiant généré par les imprévus et aléas qu’elle ne peut pas encore anticiper. Sacré bout de femme ! Quoiqu’il advienne, je serais charmé.
Victoria continue à m’exposer ses différents rôles de coordinatrice et d'ambassadrice de la soirée et je suis prévenu : entre la restauration, les animations, l’accueil des invités, la supervision du timing, des équipes et des performances, elle sera débordée. Elle me conseille donc de venir vers 22h, lorsqu’elle sera un peu plus disponible après la fin du service et prête à m’offrir un verre de ce cocktal explosif qui promet de raviver mes papilles. Même si de mon côté, je mise plus sur un ravissement de mon cœur.
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