CHAPITRE 38.2 * JAMES

6 minutes de lecture

J.L.C

♪♫ ... ♪♫

Putain, NON ! Mais qu’est-ce qui me prend là ? Victoria mérite plus de considération de ma part, pas ce putain de qualificatif qui ne reflète même pas la réalité ! Elle s'abandonne à moi en âme et conscience, et je lui donne tout l'amour que j'ai pour elle en retour. Je l'aime comme jamais, je n'ai aimé une femme.


C'est fou comme ce connard peut me mettre dans un état pas possible. Mais malgré tout, lorsque Vi le gratifie d’un sourire charmeur, je ne peux m’empêcher de penser à notre conversation de la veille. Juste un ami, mon œil ! Les insinuations de Mati sur leur passé me hantent toujours. Ils ont couché ensemble, ça, c'estest certain. Mais quand ? Dans quelles circonstances ? Ne pas savoir est un supplice.


Victoria et lui se lancent dans une conversation animée sur les préparatifs de la soirée. Je fais mine de m’intéresser à la déco, mais je n’en rate pas une miette, décortiquant chaque mot, phrase, intonation, pause, jusqu'à leur gestuelle et même la manière dont leur corps s'incline l'un vers l’autre. Ils semblent totalement absorbés par l’euphorie de l'organisation, leurs discours sont professionnels, mais leur ton à la fois sérieux et complice résonne comme une mélodie insupportable.


Chaque seconde qui passe, chaque éclat de rire qu’elle lui lance, me torture un peu plus. Je ne peux pas m’empêcher de repenser à ce qu’il a dit, à la façon dont il a laissé entendre qu’il avait sa place dans son lit ! Mon estomac se tord à l’idée qu’elle ait pu lui offrir ce qu'elle n’a pas voulu me donner. Je suis piégé entre le désir de la garder près de moi et la peur de la perdre pour toujours. Mais je ne pourrais jamais plus revivre la même situation qu’avec Amy.


— “Le chef aimerait bien que tu ailles contrôler les recettes des amuses bouche. Il a dû en modifier une à cause d’un problème de réapprovisionnement. Je ne sais plus laquelle. Le plateau des bouchées démoniaques, il me semble. D’ailleurs, tu avais raison, les tartelettes épicées à la citrouille sont une tuerie ! Je dois dire que j’ai ma préférence pour le brownie au gingembre, mais tu connais mon penchant pour le chocolat noir”.


Tiens donc, le connard a le même péché mignon que moi. Je te le ferai bouffer moi !


— “James, tu m’accompagnes ?”, me sollicite Victoria.


Putain son sourire est magnifique. Cette femme aura ma peau.


Victoria m’attrape par la main, m’entraînant vers l’office à l’arrière du club. En passant, elle me présente Baptiste, le petit ami de sa meilleure amie Nina. Le barman me reconnaît et nous échangeons quelques mots furtifs, un mélange de courtoisie et de camaraderie. Je sens la tension dans l’air, mais elle disparaît un instant alors que Victoria me guide dans la cuisine.


Elle me glisse un menu entre les mains. Je l'ouvre, et je suis immédiatement frappé par sa sophistication. Le thème de la soirée est subtilement esquissé, les mots s’enroulent sur la page, avec une écriture très esthétique, presque calligraphique. Les caractères, élégants et stylisés, semblent danser sous mes yeux. Curieux, voir soupçonneux, je l’interroge :


— “C’est toi qui les as écrits à la main ?


— “Oui,” répond-elle avec un sourire fier.


Je scrute la pile de menus soigneusement alignés à côté d'elle.


— “Tous ?, lui demandai-je encore, intrigué par l’ampleur du travail.


— “Oui,” confirme-t-elle, son regard brillant de satisfaction.


— “Et il y en a combien ?”


— “Cinquante.”


Un silence s’installe entre nous, une vague d’admiration m’envahit. Elle a mis tant de cœur dans ce projet, et ça se voit. Je suis fier d'elle, vraiment. Ce n'est pas juste un menu, c'est une extension de son âme, de son art. Victoria est réellement une femme à part. Elle regorge de ressources et me captive à chaque minute. Dans ce moment, entouré de l’odeur des plats en préparation et du bruit des couverts, je sais que je veux être à ses côtés à chaque instant, la soutenir dans tout ce qu’elle entreprend. Et mon amour pour elle irradie l’ombre antérieure avec une nouvelle intensité.


Ma charmante designeuse s’entretient rapidement avec le chef et j’en profite pour examiner un peu plus en détail les suggestions gastronomiques. Les noms, tous thématisés, promettent une explosion de saveur. Il y a tout d’abord le plateau de tartinables Équilibre des Âmes avec un assortiment de topping veggie.


En suivant, deux assiettes, la première composée de canapés Bouchées Démoniaques — tomates séchées, pesto à la truffe ; chorizo, écume de panais ; gorgonzola, noix —, et le seconde de blinis Nuages Célestes — saumon ricotta citronnée ; avocat crevette ; poulet rôti aux herbes —, font toutes deux très envie avec des produits raffinés et de qualité.


Place aux desserts. Les clients pourront profiter au choix de mignardises Délices Paradisiaques ou Morsures Infernales. Un sourire apparait sur mes lèvres à la lecture des appellations. Entre autres macarons aux mélanges de saveurs étonnantes, se glisse les tartelettes à la citrouille évoquées par le grand patron et le fameux brownie. J’y toucherai pas.


J’en suis là de mon analyse lorsque Victoria me présente une ardoise de petit-fours.


— “Tiens, j’ai réussi à chaparder un échantillon de chaque et...”, commence-t-elle en se tournant pour attraper un deuxième plateau : “Voici les tartinables. Je ne sais pas toi, mais moi, j'ai une petite faim et je préfère me régaler avant plutôt qu’après avoir passé ma robe.”


— “Je suis partant. On se croirait dans la lancée de notre pique-nique”, commentè-je avec une pointe de nostalgie dans la voix.


— “Sauf si tu es plutôt sucré. Attends, je peux...”


— “Salé, ça me va, Vi”, je m’empresse de réagir la voyant partir à la quête des pâtisseries.


— “Ok, laissons les douceurs pour après dans ce cas.”


Elle m'adresse un regard complice avant de tendre la main vers les petits hors-d'œuvreoeuvre, faisant glisser les contenants vers nous avec une délicatesse presque théâtrale.


— “Alors, qu'est-ce que tu préfères ?” m’interpelle-t-elle, ses yeux pétillants d’anticipation.


J’avoue ma préférence pour le fumet des Bouchées Démoniaques, ce qui arrache un rire à ma partenaire de dégustation. Je confesse également ne pas être un grand fan ni de l'houmous ni de l'avocat, et elle partage ma désaffection pour ce dernier. On se dispute presque pour savoir lequel s’appropriera le tomate pesto et bien évidemment Madame a le dernier mot. Même si, en fin de compte, j’ai eu le loisir d’en ressentir les arômes lorsque je l’ai embrassé en suivant. Quant aux autres petits délices, ils disparaissent en un rien de temps, et Victoria se régale de tartines à la tapenade et au fromage frais à la ciboulette tout en lançant la conversation sur les cocktails, chacun portant un nom plus évocateur que le précédent.


Mon regard accroche le Flammes du Démon dont elle m’avait parlé et, en connaisseur curieux, je demande quel whisky ils utilisent dans ce mélange. D'un clin d'œil, elle me renvoie vers Baptiste, l’expert en la matière.


— “Il saura te dire quel type d’alcool on réserve pour ce genre de cocktail.”


J’admets que, malgré mes réticences à travailler avec Mati, la logique des affaires prévaut. Après tout, un partenariat avec l’un des établissements les plus prisés de la ville serait un coup de maître. . C’est ainsi que je me retrouve derrière le bar, en pleine conversation avec le barman, tout en jetant des coups d'œil réguliers autour de moi. Victoria virevolte d’un bout à l’autre du club comme une petite tornade. Déménagement de matériel, réinstallation de tentures qui se font la malle, séchage de verre à pied. Je reste prêt à lui prêter main forte si besoin, mais aussi à surveiller les lieux... et à repérer l’autre idiot. Jusqu’à l’accueil d’un jeune couple, un grand brun baraqué et une petite rousse à l’allure svelte, aussi athlétiques qu'enthousiastes. Des performeurs. La baignoire. Mon cerveau fait le lien en un tour alors que Victoria les guides vers un espace situé derrière la scène.


Lorsqu’elle revient enfin vers moi, elle se penche vers son iPad ouvert sur un coin du comptoir, consulte brièvement divers fichiers, passe un coup de fil rapide à Mati — c’est vrai, toujours pas dans les parages celui-là ? — et briefe rapidement deux collaborateurs pour qu’ils vérifient et ajustent les positions des tables et des chaises. Enfin, elle mobilise mon cerveau, mais surtout mes muscles, pour l’aider à inspecter et aménager les deux loges VIP à l’étage. Un canapé par-ci, une table par là. Une main à mes fesses au passage, un baiser complice en récompense. D’autres baisers plus ardents se glissent furtivement dans l’ombre des recoins, mais ceux-là je ne les décris pas.

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