CHAPITRE 42.3 * VICTORIA (à partir d'ici en cours de révision)
V.R.S.de.SC
♪♫ ... ♪♫
Merde. Le message passe sans qu’il ait besoin de finir. Mon esprit remonte malgré moi une semaine en arrière. Moi, cherchant à effacer James de mes pensées, et lui, apparemment, à fuir Leslie. C’était une nuit empreinte de chagrin, mais jamais, je n’aurais imaginé qu’elle avait aussi servi de refuge pour Mati, une échappatoire contre sa propre douleur. À l’époque, j'avais vu ce moment comme une béquille passagère, sans me douter qu’il faisait aussi partie d’un labyrinthe émotionnel dont il ne trouvait pas la sortie.
Et puis, Leslie et lui n’avaient pas remis le couvert depuis des mois déjà. J’en étais persuadée. Elle avait même semblé passer à autre chose dernièrement : un plan cul régulier qui, en réalité, ne lui ressemblait pas du tout. Nina et moi avions pris ça pour un signe, croyant qu’elle montrait enfin un visage serein. Mais vraisemblablement, ce n’était qu’une façade, une illusion qui cachait des blessures encore béantes. Et dire, qu’elle est au courant pour Mati et moi, la semaine dernière. Merde...
— "Alors, toi aussi…", je murmure, ma voix se brisant légèrement.
Il relève la tête vers moi, fait deux pas dans ma direction. Je lis sur son visage l’ombre de ma compréhension, un reflet de la peine que l'on partage. Un sourire triste s’installe sur ses lèvres, son masque de colère tombe peu à peu.
— "Ouais, Vic. Je suppose que nous deux, on est juste des âmes blessées, à la dérive, se cherchant un port d’attache… même si c'est temporaire."
Le poids de ses mots fait écho en moi. Deux cœurs en fuite, deux solitudes qui se sont brièvement entremêlées pour combler un vide. Mais moi aujourd’hui, je suis enfin prête à me lancer. James m’attend, il a besoin de moi. J’ai besoin de lui.
— "Ça pourrait ne plus l’être...”
Je l’observe, perplexe, essayant de comprendre où il veut en venir.
— “Peut-être… peut-être qu’on devrait arrêter de fuir," souffle-t-il, alors que ses yeux se vrillent aux miens.
Fuir oui. Courir non.
— “On ne doit pas refaire ça Mati, c’est la troisième fois déjà.”
Il se rapproche encore, son regard chargé d’une promesse silencieuse, comme s'il envisageait un chemin sur lequel Leslie n’existe plus, où James est oublié. Je sens la tension monter, mais ma certitude reste intacte.
— “Mati”, dis-je d’un ton doux, mais ferme. “James est revenu et je… Ce que nous avons… Je suis sûre de mes sentiments pour lui, Mati. Et je suis sûre des tiens envers Leslie. Toi et moi, tous les deux, c’est une illusion.”
Mon cœur se serre un peu en prononçant ces paroles. Je ne souhaite pas le blesser, mais je suis déterminée à suivre, rester fidèle et honorer ce que je ressens au plus profond de mon âme.
— “Justement Victoria. Peut-être que ça ne l’est pas. Le réconfort qu’on trouve l’un dans l’autre, ça pourrait être suffisant. On n’a jamais osé explorer au-delà de ces passades. On s’entend bien, on partage beaucoup, on a des centres d’intérêt commun, des passions similaires et des aspirations qui se regroupent. Réfléchis, Vi...”
Son visage n’est plus qu’à quelques centimètres du mien. Sa main effleure tendrement mon bras. Je serre ma robe de plus belle. Mon cœur bat la chamade, mais ce n’est pas de l’excitation. La sensation s’apparente à une brûlure de trahison. James est juste là, à quelques encablures. Il m’attend. C’est lui que je veux.
— “Mati”, je supplie doucement, en essayant de conserver une voix posée et sûre. “C’est ta colère qui t’aveugle et ta déception...”
Les mots se coincent dans ma gorge.
— “Je comprends ce qu’y t’éprouve. J’ai partagé la même peine des semaines durant. Mais il est temps de faire face à nos vérités, pas de les fuir à nouveau. James...”
Mon ami me coupe la parole brusquement.
— “James ? Tu parles du type qui t’a largué sans explication et vient de revenir dans ta vie la bouche en cœur ? Est-ce que tu réalises ce que ça implique ? Tu es prête à tout risquer à nouveau ? À faire comme si tout était effacé, alors que tu sais aussi bien que moi qu'il t’a laissée sur le carreau ? Qu’il a joué avec toi ?”
Il marque une pause et son regard s'assombrit. Son discours est dur, mais sincère, sa voix empreinte de frustration. Je peux sentir la douleur qui l’accompagne, comme s’il se posait ces questions à lui-même autant qu’à moi. Il se détourne. Sa lutte face à ses propres démons tout en tentant de me sauver de mes illusions, est palpable.
— “Tu sais, Vic, c'est facile de se laisser emporter par l’espoir. Mais je me demande : qu'est-ce que ça dit vraiment de nous ? Tu vas replonger dans l’incertitude pour quelqu'un qui t’a laissée dans le flou ?”
— “Oui, je le suis”, je lui réponds calmement.
Mati cherche mon regard et je réitère ma réponse, ferme dans ma conviction.
— “Oui, parce que je l’aime.”
Les mots résonnent dans l’air, lourd de sens. C’est la première fois que je les prononce à voix haute et devant témoin. J’aurais préféré avoir eu le courage, quelques heures plus tôt, de les offrir à James, de les revendiquer même, mais les libérer devant Mati, me procure une sensation d’euphorie et de bien-être. En cet instant, je réalise que l’amour ne se mesure pas seulement à la douleur passée. Il est aussi une promesse d’avenir, une étincelle d’espoir dans l’obscurité et je dois propager cette croyance dans le cœur de Mati.
— “Et toi, aimes-tu Leslie ?”, je le questionne doucement.
Je scrute le visage de mon ami, cherchant des signes de compréhension, de soutien, mais je ne vois que la lutte. Il se bat contre ses propres sentiments. Ce conflit intérieur, cette bataille entre ce qu’on aimerait et la réalité parfois cruelle qui nous entoure. Ce tiraillement de contradictions pourrait faire perdre la tête à n’importe qui.
Alors, consciente que mon unique soutien ne suffira probablement pas, mais que c’est tout ce que je peux me permettre de lui transmettre en ce moment, je prends une profonde inspiration, et lentement, je le prends dans mes bras. Je ne cherche pas à résoudre ses tourments, seulement à lui communiquer un peu de chaleur humaine, à lui offrir un moment de répit, une bulle d’empathie dans ce chaos.
Ma joue posée sur son épaule, Mati soupire longuement et finit par répondre à mon étreinte. D’une paume, il me caresse l’omoplate, de l’autre, il me presse le bras. Son contact est doux et non insistant. Je sens son souffle se régulariser et ses muscles se détendre petit à petit.
Après un moment, je me redresse légèrement, prête à lui prodiguer un dernier conseil, un que je m’efforcerai de suivre moi-même :
— “Souviens-toi que chaque épreuve est une opportunité de grandir. Chaque dispute est peut-être celle qui résoudra enfin le conflit, dans un sens comme dans l’autre. Ne laissez pas vos peurs vous aveugler. C’est ce que j’ai dit à Leslie hier encore. Ne perds pas de vue ce qui compte vraiment, d’accord ?"
Mati acquiesce, me remercie et me libère. Un léger rictus apparait sur ses lèvres lorsqu’il m’observe encore à moitié dénudé.
— “Tout est prêt sauf toi Vic ! Ça ne te ressemble pas.”
— “Non, effectivement. Mais ta soirée sera parfaite chef ! Et de mon côté, je me suis préparée à d’autres choses pour ce soir”, je lui lance avec le sourire. “Mais apparemment, pas à devenir la femme élastique.”
— “Tu veux que je t'aide à fermer ta robe ?, me propose-t-il.
— “Oui, s'il te plaît, j'apprécierai un coup de main.”
Alors qu’il se contourne pour m’aider, l’atmosphère s’allège, et je lui rappelle que, peu importe ce qui se passe ce soir, que ce soit professionnellement ou sentimentalement parlant, il peut compter sur moi.
C'est à ce moment précis que la porte s’ouvre doucement, où devrais-je dire dans un grincement presque sinistre. James, l'homme à qui je m’apprête à me déclarer, se tient sur le seuil, figé, son expression passant de la surprise à la consternation. La scène qu'il découvre est presque irréelle : Mati, derrière moi, une main audacieusement posée au-dessus de mes fesses, l’autre s’acharnant à fermer ma robe. Un frisson d’embarras me parcourt l'échine, et le temps paraît se suspendre dans cette confrontation inattendue.
Le silence s’installe, lourd et oppressant, tandis que le regard acéré de James, plein de questions muettes et de désarroi, se fixe sur nous. L’incompréhension cède rapidement la place à une tension électrisante. Mon cœur rate un battement, puis un autre.
Mon lion va rugir d’une seconde à l’autre.
Annotations