CHAPITRE 39.2 * JAMES

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J.L.C

♪♫ ... ♪♫

Mon sang ne fait qu’un tour, se glace puis se met à bouillir. Tout en moi explose d’un seul coup, comme une décharge, incontrôlable, dévastatrice. La femme que j’aime, avec un autre. Cette vision ravive ce que je m’efforce d’enterrer depuis des années. Sauf que cette fois ce n’est pas Amy qui me hante. C’est Elle.

Mes démons, mes peurs... tout remonte à la surface, rongeant mes entrailles. Amy, ce jour-là… L’humiliation, la trahison, le visage de tous ces autres, là où seul moi devais être. Et maintenant, Victoria… avec cet enfoiré.

Je le fixe, ce type, cette raclure qui l’a déjà eue dans son lit et qui semble prêt à réitérer l’expérience. Ses mains, il y a moins de deux secondes, flirtaient dangereusement sur ses fesses, sa peau douce et parfumée. Putain ! Il se tient là, comme si elle lui appartenait. Et elle… elle riait.

Mais bien sûr que ce type pense avec sa bite ! Comme la plupart d’entre nous face à un canon comme ELLE ! Elle est… parfaite. Et lui, il le sait. Ses mains n’étaient pas là par hasard. C’est un prédateur qui n’a jamais rien lâché. Ce n’est qu’un homme, un homme comme bien d’autres, qui la veut. Et moi, comment j’ai réagi quand j'ai vu sa nana l'autre soir se déhancher dans cette foutue mini-robe verte ? Évidemment que j’ai eu envie de me la faire ! C’est un putain d’avion de chasse cette meuf ! Sauf que moi… je ne peux plus, je n’en veux plus d’autre. Je n’ai Dieu que pour ELLE.

Moi qui ai naïvement pensé que la copine et le patron s’aimaient ! Pas plus tard qu’il y a dix putains de minutes, je les voyais se lancer des regards en chiens de faïence sur le parvis du club. J’aurais pu parier qu’ils allaient soit s’envoyer en l’air avant mon retour, soit s’étriper, au choix. Mais je ne m’attendais certainement pas à me retrouver face à ce connard sur le point de baiser Ma copine !

J’ai baissé ma garde un instant, persuadé que Victoria était à moi, que je n’avais pas à m’inquiéter. Quel con !

Victoria m’interpelle. Son ton est doux? calme. Elle s’avance vers moi, mais un regard suffit à couper court à son élan. Mon poing se serre d’un coup. La colère fuse, incontrôlable. Le genre de rage qui monte sans prévenir, comme une vague prête à tout emporter. Mes mots se précipitent, tranchants comme des lames.

— “Juste un ami, hein ?”

Cette excuse à la con résonne dans ma tête comme une insulte. Bordel ! Si seulement j’avais vu clair dès le début… quand il m’a dit qu’il la baisait, par exemple ! Cette putain de phrase n’était même pas au passé. Une satanée affirmation en plus, pas une question. J’aurais dû réagir, confronter l’un ou l’autre, peu importe.

— “Il m'aidait à zipper la robe, James.”

Je la dévisage, la scrute de haut en bas. La voilà sa fameuse tenue en hommage à Perséphone.

La robe, en semi-transparence, épouse ses courbes de manière audacieuse — non provocante — dévoilant sa silhouette divine. La douceur de sa peau se devine à travers l’étoffe diaphane, parsemé de sequins et de broderies qui scientillent à chaque mouvement. Sa vision est ensorcelante, tandis ques les échancrures de la robe laissant entrevoir des promesses à chaque pas. Je ne peux m’empêcher de remarquer à quel point ce vêtement semble moulé directement sur elle. Chaque détail accentue sa beauté naturelle, tout en cachant juste ce qu'il faut. Ça me rend fou et… ou cette démone avait raison, elle est foutrement belle, encore plus époustouflante que ce à quoi je m'attendais et je n'ai qu'une envie lui arragé ce bout de tissu, d'autant plus parce que l'autre con l'a touché !

Et puis, je m'attarde sur son visage. Elle est... diablement calme presque distante.. Pas hystérique ou larmoyante ou mesquine comme...

ELLE n'est pas comme Amy !

Elle murmure mon nom, mais, je ne veux plus la regarder. Alors, je le fixe LUI.

Mati recule à peine, mais son regard… Il ne cille pas. Son air arrogant me donne des envies de meurtres. L'écraser, le pulvériser, lui démolir sa sale tronche de minable se transforme en obsession. C’est plus qu’un simple désir de confrontation, encore moins un caprice vaniteux. C’est un besoin viscéral. Régler cette histoire ici et maintenant devient la seule issue. Il voulait en découdre tout à l’heure, non ? Parfait. I va avoir son compte, et bien plus encore. Qu’importe si j’ai l’avantage ou pas. J’ai l’habitude de cogner et, sobre, mes poings ne ratent jamais leur cible.

— “T’avais l'air de vouloir jouer les durs tout à l’heure, non ? Dimanche aussi. Le ring est ouvert.”

Le connard esquisse un rictus carnassier, les mains glissées dans ses poches, comme si je venais de lui faire la meilleure proposition de la journée. Pas un brin surpris, bien campé sur son orgueil, il incline légèrement la tête, prêt à relever le défi. On verra combien de temps cette confiance tient le coup.

Mais avant qu’il ne puisse répondre, Victoria s'interpose. Ses yeux, grands ouverts, lancent des éclairs.

— “Vous êtes prêt à vous battre pour quoi, au juste ? Pour prouver qui est le plus idiot des deux ?”

— “Je ne fais qu’accéder une requête tentante...”, lâche gueule d'ange d'une voix doucereuse, provocante.


Mes muscles se contracte, ma nuque se détend.

— “Tu ne vas pas aimer ce qui va suivre.”

Dans le quart d’heure, il sera méconnaissable.

— “Mati, sors… s'il te plaît.”, lui ordonne Victoria d’une voix basse, glaciale, qui me fait frissonner, et pas de peur.


Ce "s’il te plaît" n’a rien d'une demande. Il lui file un coup d’œil irrité, mais le rictus, lui, reste figé sur les lèvres.

— “Je ne te laisse pas seule avec le fou furieux”, riposte-t-il.

Je m'avance d'un pas, prêt à lui refaire le portrait. Mais Victoria anticipe. Elle m’attrape par le biceps, ses doigts fins fermement enroulés autour de mon bras. Juste assez pour retenir la droite qui s’apprêtait à lui faire sauter la mâchoire.


Il ricane. Putain d’enfoiré !


Elle glisse doucement devant moi et murmure sans me quitter des yeux :

— “James, arrête”.

Son timbre est de velours, mais sa poigne est de fer. Elle s’ancre à moi, m’enveloppe d’une barrière de calme et de fermeté. Ses doigts se resserrent, son pouce caressant imperceptiblement mon bras, comme pour apaiser la colère qui bouillonne en moi. Un mur de détermination, un barrage entre mon agressivité latente et lui.

Elle plante ses iris ténébreux d’abord dans les miens, y lit la rage prête à éclater, puis se tourne vers l’autre, le fusillant du regard.

— “Et toi, arrête de sourire comme un gamin excité. Je t’ai dit de nous laisser. Descends, vérifie que tout va bien. Décharge-moi au moins de ce poids, d’accord ?”

Le connard hésite une seconde, se met en branle, et, à notre hauteur, me crache :

— “Contrôle tes nerfs, parce que si tu lui fais du mal, tu ne ressortiras pas d'ici en un seul morceau.”

— “Touche-la encore devant moi, et on verra bien lequel de nous aura besoin d’un brancard à la fin”.


Je resserre les dents, l’adrénaline en ébullition.


— “Saches que la douleur est un langage que je comprends parfaitement", cancane l'ordure.

— "Fais-moi confiance, j'ai déjà vu des hommes comme toi s’effondrer.”

— “Regarde-toi. T'es sur le point de perdre ton sang froid”.

— "Comme toi avec ta brune ?"


L'expression du type tourne à l'orage. J'ai touché où ça fait mal. Mon poing se tend, prêt à s’abattre. C’est elle qui me devance encore. Elle pose une main ferme contre son torse, le forçant à reculer d’un pas. Sa voix éclate, puissante.

— “Putain, stop ! Ça suffit !” hurle Victoria.

Son cri fend l’air, résonne contre la baie vitrée du bureau.

— “Tu veux la vérité ?, siffle-t-il. “La seule chose qui me retient, c’est elle. Mais je ne te ferai pas de cadeau. Et, prend ça pour un autre avertissement : ne me parle plus jamais de Leslie.”

Mati tourne les talons, après m'avoir lancer une dernière oaillade pleine de mépris, et le silence s’abat, lourd, étouffant, chargé de mon besoin de violence resté insatisfait. La porte claque derrière lui. Il n'y a plus que nous deux, Victoria et moi, seuls dans la pièce, nos respirations désordonnées, entremêlées.

La tension est palpable, presque suffocante. Mon cœur bat à tout rompre, chaque pulsation vibrante de rage. Elle est là, tout près, son corps pressé contre le mien, un rappel constant de ce qui m’a poussé à bout. Mes poings se desserrent à peine, les muscles encore tendus, prêts à exploser à la moindre étincelle.

J’essaie de me calmer, d’étouffer l’incendie qui menace de consumer notre relation. Mais sa proximité est presque insupportable. Sa main, encore posée sur mon bras, m’empêche de basculer dans le vide. Elle me fixe, ses yeux sombres me sondent, cherche une brèche dans ma tempête intérieure.

Son souffle sur ma peau, sa chaleur qui pulse à travers le tissu raffiné de sa robe, sa paume posée désormais juste au-dessus de son cœur qui palpite, elle s’efforce de me ramener vers elle, vers le présent. Une vague d’émotions contradictoires me submerge : la colère, toujours tenace, se mélange à cette attraction irrésistible que j’endure à chaque fois qu'elle gravite dans mon sillage. Je la ressentais envers Amy, aussi, à l’époque, pas avec la même intensité, mais avec une profondeur troublante.

Amy, j'ai aimé cette femme. Je revois celle que j'ai bien failli épouser, son visage s’incruste comme une plaie jamais refermée. Je voulais tout pour elle, tout avec elle. La protéger, construire un foyer qui ne tremblerait jamais. Je l’imaginais mère de mes enfants, nos vies entrelacées, solides, à l’abri du moindre doute. C’était censé être inébranlable. Mais elle m’a trahi, froidement, pendant des années, et je l'ai planté en une seconde, sans un regard en arrière.

J’ai balancé mes affaires dans ma valise, quitté Ibiza par le premier vol. Barcelone m’a accueilli dans son effervescence, mais tout était vide, gris. J’ai traîné de bar en bar, noyant ma douleur à coup de gnôle, cherchant une parade à ce vide abyssal. J’ai sauté une nana dont je ne me rappelle plus le visage. C’était la première, après. Par vengeance, par démence. Les rires des autres résonnaient comme une farce cruelle. Chaque verre levé était un cri de désespoir, un hommage à ce que j’avais perdu. Mon téléphone n’arrêtait pas de vibrer, mais je ne répondais pas. Personne ne savait où j’étais passé. Je m’en veux encore aujourd’hui de la frayeur que j’ai causé à mes proches. Mais, ce n’était que la première d'une longue liste.

Deux jours plus tard, je débarquais chez mes parents. Je me suis enfermé dans mes appartements, refusant de voir quiconque, ressassant mes pensées, laissant les jours filer, et je finissais mes nuits au bar du coin. J’ai revu Elaine, à plusieurs reprises, une ancienne copine avec qui je suis sortie au lycée, une amie de la famille que je connais depuis longtemps. Méprisant Amy, elle a pris un malin plaisir à me réconforter, où plutôt à assouvir toutes mes pulsions sauvages et débridées, de toutes les manières possibles, encore et encore.

Cette semaine infernale est encore vivement implantée dans ma mémoire. Mon père a dû venir me récupérer à deux reprises au petit matin, une fois dans le caniveau et, l'autre, dans ma voiture garée en bord de route, près de Creag na Bròn, un promontoire... Mais c'est ma sœur qui a m’a ramassé à la petite cuillère le jour où j'étais censé lui passer la bague au doigt, le cœur lourd de promesses brisées et d'un avenir écroulé.

Ma famille ne voulait pas que je parte, mais ma sœur, ma confidente, celle qui sait toujours ce qui se passe au fond de mon cœur, a réussi à les convaincre. En désespoir de cause, ils ont cédé. J’y suis resté trois semaines, en Afrique du Sud, au Cap, surfant à longueur de journée, cherchant un semblant de répit. Pour un temps, la mer a apaisé ma douleur, comme si chaque vague emportait un peu de mon chagrin.

Mais à mon retour au pays, tout s’est effondré. Les souvenirs d’Amy, loin d’être oubliés, sont mués en chaînes que je traînais partout où j’allais.. La routine, avec son poids écrasant, m’a ramené rapidement à la réalité. Peu à peu, je me suis replié dans ma bulle, tourmenté par les reliques de ce qui aurait pu être, et surtout par la culpabilité qui a envahi mon esprit et eu raison de mes espérances de guérison. Je savais que j'avais ma part de responsabilité dans cette histoire. J'avais fermé les yeux, conscient au fond de moi, depuis notre première année ensemble, que je ne lui suffisais pas. Ses aventures, ses escapades, elles ont toujours fait partie d’elle. J'en avais même eu vent, à deux reprises, mais choisis de lui pardonner, parce qu'elle savait si bien manipuler mes sentiments, endormir mes craintes et flatter mon égo ou le sien…

Alors, j'ai remplacé l’angoisse et la mélancolie par une paralysie émotionnelle qui s’est insinuée dans mes journées, dans ma manière de penser, d'agir et de songer. Et la drogue est arrivée peu après pour finir d’anesthésier totalement les dernières parcelles d'humanité qu’il me restait, élimant mon identité et me déconnectant du monde qui m’entoure.

Les nuits se sont allongées, et j’ai commencé à chercher une échappatoire dans ces substances, persuadé qu’elles étaient la clé de ma délivrance. Pourtant, cette amertume, ce poids suffocant, je l’ai porté comme une seconde peau, un fardeau dont je peine à me défaire désormais.

Amy a volé mon rêve, m’a laissé en ruines — bien que celles-ci ne soient que la partie immergée qui en cache d’autres plus anciennes — éparpillé en mille morceaux, contraint de me reconstruire sans savoir par où commencer. Depuis, j’avance en essayant de camoufler les fissures, d’enterrer cette peur lancinante, ce sentiment d’abandon qui ne me quitte plus.

J’ai repoussé les relations sérieuses, fermant la porte à toute possibilité d’attachement. Chaque fois que ma route croisait celle d'une femme qui aurait pu briser mon schème, je me rappelais la douleur et détalais. Les plans foireux et les aventures d'un soir se sont enchaînés à la pelle, des rencontres éphémères qui ne laissent aucune empreinte, du moins pas mentale. Chaque liaison sans lendemain n’était plus qu’une manière d’assouvir mes pulsions, une distraction déjà insuffisante. Jusqu’à, Victoria. Jusqu’à la femme qui fixe mon torse en cet instant et caresse doucement mon âme, tenant entre ses doigts la lame prête à cautériser ou à éviscérer mon cœur. La femme que je n’ose ni toucher, ni regarder.

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