CHAPITRE 41.1 * JAMES
CHAPITRE 42
DEVOILER LES CARTES
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J.L.C
♪♫ ♪♫
Assis côté passager, je contemple la ville défiler, mais mon esprit est ailleurs. Isla, concentrée sur la conduite, m’interpelle sans détour :
— Qu’est-ce que tu comptes faire ?
Je soupire.
— Je sais pas… Tu crois que je devrais lui dire ?
Elle esquisse un léger sourire et me fixe rapidement avec ses yeux d'un bleu éclatant, toujours pétillants d’énergie. C'est sur un ton sincère et direct qu'elle me répond :
— Honnêtement ? À sa place, je préférerais le savoir de ta bouche plutôt que de le découvrir par hasard. Si Antoine me fait ce coup, je l’étripe.
Je baisse les yeux et tapote nerveusement mon index sur l’écran noir du téléphone.
— T’es marrante ! Comment suis-je censé lui expliquer ça ?
Elle jette un coup d’œil rapide dans ma direction avant de se reconcentrer sur la circulation dense à cette heure tardive.
— Dis-lui simplement que t'étais au mauvais endroit au mauvais moment, pris dans le feu nourri de ces deux-là, et que t'as fait les frais d'une petite vengeance sentimentale. Ah, et insiste bien sur le fait que c'est pas toi qui as fourré ta langue dans la bouche de sa copine ni proposé de plan à trois !
Je laisse échapper un rire sec, un peu malgré moi. Isla et ses tournures directes, c'est tout un art. Je lui lance un regard et constate qu'elle semble partager son amusement.
— Merci, Izy. Je vais essayer… Mais si ça dégénère, faudra me récupérer à la petite cuillère.
— Ah non, cette fois, tu gères comme un grand !
Elle hausse les épaules, un sourire en coin.
Je lâche un soupir en déverrouillant mon portable et glisse sur les applications jusqu’à la messagerie et zyeute la dernière story de Victoria.
Elle est assise sensuellement dans le fauteuil démoniaque, telle une reine, entourée de ses copines, Nina et Leslie, qui posent à côté, sexy et provocantes.
Son regard intense joue avec la caméra. Froide et distante, elle dégage une assurance troublante, à l'instar de son personnage. Elle est belle à se damner, comme toujours ou comme jamais. Oui, c'est ça, je ne l'ai jamais vu aussi puissante et mystérieuse qu'aujourd'hui. Je me réjouis d'autant plus en lisant la légende qui accompagne la vidéo : Perséphone attend Hadès.
Bon sang, elle badine encore avec les métaphores. Je sens mon cœur s’accélérer et un frisson d’anticipation courir sur mon échine. Chaque geste, chaque mot est un défi. Elle m’envoûte et je souris comme un benêt.
Le pouce suspendu au-dessus de l’écran, je prends une profonde inspiration, puis glisse sur les applications jusqu’à la messagerie. L’angoisse me serre l’estomac alors que je me questionne sur la meilleure manière d’aborder l’épisode spécial : ta meilleure amie a fourré sa langue dans ma bouche pour faire enrager ton boss. Ça pourrait être le résumé d’un navet romantique, sauf que là, c'est mon problème et je doute que Victoria trouve ça divertissant.
Je dois être clair et concis. Détaché. Non, pas détaché… honnête. Mais merde, comment vais-je lui annoncer ça, moi ? Si Vi apprend la scène de manière déformée, les conséquences pourraient être désastreuses…
Je commence à taper. Chaque lettre semble peser une tonne. Victoria, je dois t’avouer quelque chose… Non, trop solennel. Effacer. Leslie a fait quelque chose mais je n'y suis pour rien… Je m'arrête, grimace. Ça donne l’impression que je cherche à m’en sortir trop facilement, comme si ça ne me concernait pas vraiment. Et c’est loin d’être le cas. Effacer encore. Faut qu’on parle d’un truc… Trop vague et alarmiste. Ça ne va pas le faire. Je soupire, hésitant entre tout dire ou juste contourner la vérité pour éviter le drame.
A vrai dire, je suis sur le point de rédiger un message assez embarrassant, et je n’ai pas l’intention de me planter dans le choix des mots. Je recommence. Faut que je reste sincère, mais je ne peux pas lui balancer ça comme un pétard qui explose. Quoique, c’est exactement ce qui m’est arrivé non ? Tornade s’est jetté sur moi sans prévenir, que pouvais-je y faire aussi ? Je claque le téléphone sur mes genoux. Ce n’est pas assez. Je dois trouver un moyen de lui faire comprendre sans créer un cataclysme. Mais pourquoi je me prends la tête ? Victoria saura comprendre que c’était au-delà de mon contrôle. Pourtant, l’idée qu’elle puisse se sentir trahie, blessée me ronge. Mais, il faut que je me jette à l'eau.
Je scrute la route qui s’étend devant nous. Les lumières des voitures clignotent dans la pénombre. La playlist Tropicool d’Isla, un mélange d’airs d’été calmes mais soutenus censés instaurer une ambiance chill, emplit doucement l’habitacle. A consommer de préférence en mode coucher de soleil, sauf qu'avec le changement d’horaires le week-end dernier, il fait déjà nuit noire sur Toulouse. Qui plus est, avec sa conduite nerveuse, Izy n'invite pas vraiment à la détente. Elle peste à la moindre incartade. Pour ce qui est de l’atmosphère estivale, on repassera.
Ma frangine me lance un coup d'œil furtif, mais je reste absorbé par mon dilemme. Direct, mais pas trop brusque. Je me remets à écrire. Je me demande comment elle va réagir, mais je ne peux pas me permettre de tergiverser. Envoyer. Je clique. C’est fait. Je souffle.
Dix secondes plus tard. Putain, comme si elle avait son portable viser à la main. A coup sûr, elle est déjà au courant. Mon cœur tambourine. Je lis.
Quoi ?
Elle était pas au courant... Mon cœur s’emballe. Seconde vibration. Je relis.
Ok.
C’est tout ? Je laisse échapper un juron à voix basse, sentant ma hantise monter. Merde, elle m’en veut. C’est foutu. Mes doigts se crispent sur la coque métallique. Je râle. Ma sœur remarque mon agitation et me scrute discrètement, la tête légèrement penchée sur le côté.
— Tout va bien ?, me questionne-t-elle.
Pas le temps de m’expliquer. Troisième vibration.
On en parle après.
Le souffle coupé, je me sens soudain perdre pied. Est-ce que j’ai été trop brusque ? Est-ce que je l’ai blessée ? Je fixe l’écran, j’attends... Mon cœur bat la chamade. Et là, le dernier message arrive, comme une bouée de sauvetage.
Tu me manques.
Un poids disparaît de mes épaules. Je relâche enfin la pression sur mon smarthone, m’enfonçant un peu plus dans le siège. Et je soupire profondément. Ma jumelle ricane.
— On dirait un gamin qui vient d’éviter de se faire houspiller.
Ou un ado qui vient de comprendre que sa chérie n’est pas fâchée… Je me sens ridicule et en même temps, ce petit texto me rappelle qu’elle tient à moi, et mon inquiétude s’évapore comme neige soleil. La nervosité fond en soulagement. J’en oublie presque de lui répondre, les doigts flottant au-dessus du clavier. Quatre mots, un point. Un smiley ? Non.
Tu me manques aussi.
Je souris stupidement. J'ai bien failli marquer je t'aime. Je l’ai même écrit, puis effacé. Pas dans cette tempête émotionnelle.
Deux notifications se succèdent quelques minutes plus tard. Mon palpitant cavale à nouveau. C’est presque hésitant que je tente un regard vers le bas, craignant un reproche ou une pique.
Et au fait, tu n’as pas intérêt à y avoir pris goût !
Je laisse échapper un souffle amusé, les yeux rivés à l’écran, avant de lire la seconde.
Ou alors je vais devoir te surveiller de très près. Smiley coquin.
Je secoue la tête et ma poitrine se dénoue un peu plus. Boutade ou avertissement ? Je ne peux m’empêcher de rire tout bas, imaginant le petit sourire en coin qu’elle doit avoir en écrivant.
Juste surveiller ? Je suis déçu. Je te connaissais plus entreprenante.
À peine envoyée, sa réponse arrive.
J’admets que j’aime prendre les choses en main… Et je ne suis pas du genre à rester sur la touche.
Main… Touche... L’image de ses doigts pianotant sur l’écran, comme sur ma peau, surgit et me fait frissonner. Je peux presque ressentir ses ongles s’enfoncer dans ma chair, ses cheveux chatoyants frôler mon torse, sa bouche exquise englobant ma hampe… Bon sang, James, reprends tes esprits, t’es dans une voiture avec ta sœur là !
Non, tu es une femme déterminée, c’est sexy… J’aime ça.
Le sms à peine expédié, je me cale un peu plus profondément dans le siège passager et jette un coup d’oeil ma frangine, concentrée sur la route, fredonnant et tapotant distraitement ses ongles manucurés rouge sur le volant.
Un nouveau signal me sort de ma rêverie. Je me penche en avant pour lire la suite.
Attends-toi à ce que je te garde... sur tes gardes.
Je réprime un nouvel éclat de joie, puis tape, lentement, savourant chaque lettre, comme si je pouvais les sentir se poser une par une sur ses lèvres. Cet échange redonne vie à mes sensations. Toutes les fibres de mon corps sont aux aguets.
Je suis prêt. Et promis : aucun autre goût que le tien ne m’enivre. Je te rappelle que j'ai prévu de créer un whisky saveur Victoria.
Smiley clin d’oeil.
Je me redresse légèrement, à la fois enchanté et excité. Le simple fait qu'elle me consacre un peu de son temps, au milieu du tumulte et de la frénésie de sa soirée, me ravit au plus haut point.
Je me jette à corps perdu dans ce jeu de mots et de sous-entendus qui nous entraîne sur un terrain glissant et... stimulant. Vi n’est vraiment pas du genre à s’économiser, surtout quand il s’agit de s’imposer.
Mon interface se rallume rapidement.
Je ne mâcherai pas mes mots. Prépare-toi, James. Je vais être exigeante !
Smiley clin d’œil.
Un sursaut d’excitation parcourt mes mains, et mon pouce glisse presque tout seul. J’imagine ses sourcils se lever, et quelque part ça me donne envie de la taquiner un peu plus.
Toi, exigeante ? J’ai hâte de te voir à l’œuvre... mais j'ai les épaules pour encaisser...
Je vois déjà son regard à la fois rieur et provocateur, celui qu’elle réserve pour les moments où elle veut tout, sans compromis.
Les souvenirs de nos conversations passées, lorsque la distance nous séparait, mais que mon cœur battait déjà pour elle, remontent à la surface, me précipitant dans une douce euphorie.
Isla me lance un sourire moqueur tandis que j’attends fébrilement la réponse de Vi.
— Et bien, et bien… tu as l’air totalement absorbé, dis donc.
Le moteur ronronne, et les halos des lampadaires balayent l’habitacle par vagues régulières. Au passage piéton, mon téléphone s’illumine de nouveau. Je fais abstraction du commentaire d'Izy. Mon cœur bat plus fort. Cette conversation me captive, et je sens qu’elle pourrait bientôt prendre une direction aussi intrigante que délicieuse.
Fais-moi confiance. Mais ça implique que tu sois prêt à… suivre le rythme et à accepter mes termes sans conditions.
Je me mords la lèvre en parcourant ces mots. Une chaleur familière serpente sous ma peau, m’arrachant un petit mouvement instinctif, histoire de dompter cette montée de témpérature.
Ce petit jeu, c’est du Victoria tout craché, et je ne me ferai pas prier pour m’y aventurer. Ça y est, le défi est posé. Elle vient de jetter le gant. Inutile de préciser que ce duel d’as et de dames ne fait que commencer.
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