CHAPITRE 29.1 * VICTORIA
ATTENTION PASSAGE EROTIQUE
EMBRUNS ILLUSOIRES
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V.R.S.de.SC
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Il a encore un peu de lui incrusté sur ma peau alanguie. Sur mes lèvres gercées de folie. Au fond de mon ventre aussi, là où chaque vibration s’attarde comme une brûlure, où chaque soupir laisse une empreinte vive. Un éclair d’ivresse à même la chair. Un sceau tatoué à l’encre bleue des songes, tenace, presque éternel, qui ne s’efface que sous les assauts passionnés de baisers renouvelés.
Mon corps tout entier s’accorde à sa mémoire, mes pores exhalent son nom, à chaque battement, à chaque frisson, invoquant un hymne fragile dédié à sa présence, intense, indiscutable.
Sa voix caverneuse, profonde et rugueuse, telle une onde dévalant les parois d’une crique mystique, chemine dans les méandres de mon esprit. Tour à tour murmure ou rafale. Parfois mélodie, lorsqu’elle libère ses syllabes en gaélique — ces paroles chantantes étrangères à ma raison, pourtant ancrées dans mon âme. Des talismans qu’il sculpte de ses cordes vocales pour moi seule, dont le sens m’échappe, mais dont la magie m’enchaîne.
Ses sourires, larges et éclatants, me poursuivent comme une lueur douce, un phare dans la brume de ma conscience. Leur écho se propage dans chaque recoin de mon être, me berce et me transperce tout à la fois.
Nous voici sur une plage solitaire, là où la mer d’un bleu opalin conspire avec le ciel azur, vaste et laiteux, pour révéler les Highlands sous son jour le plus brut et sublime. Agréable et saline, la brise celtique, caresse l’herbe rase et agite les ajoncs dorés qui bordent les dunes, comme un soupir venu d’un autre temps, un chant porté depuis les lochs intérieurs jusqu’aux rivages ouverts de l’Argyll.
Son pays est un poème vivant, chaque vers tissé de bruyères pourpres, de fougères rayonnantes, et de ces éclats ambrés qu’un crépuscule écossais sait peindre avec une ferveur unique. Les collines lointaines, floutées d’une lumière d’argent, se dressent telles des gardiennes silencieuses, veillant sur ces landes farouches. Ici tout respire l’évasion : le vent conte des récits oubliés, les flots déferlent contre les rochers tapissés de mousse émeraude, dévoilant des secrets anciens.
Mon bel Highlander flamboie comme un soleil d’hiver. Chaque instant avec lui se transforme en vague, en montée, en retombée. Il me submerge, me transporte, puis me laisse haletante sur des havres inexplorés, aux confins de ses terres baignées de volupté, là où les falaises polies par les tempêtes, léchées par les embruns, vibrent d’une sérénité sauvage, présage à l’abandon. Tout est exceptionnel. Tout est lui.
L’air, chargé d’iode, de mystère, charrie le parfum des tourbières et, plus subtiles encore, les effluves de cannelle et la fragance musquée de sa peau. Chaque inspiration emplit mes poumons, me vivifie. Mais l’océan m’appelle et je meurs d’envie d’y nager. Même s’il est déchaîné, même s’il est dangereux…
Je danse, il rit. Nos corps s’effleurent, nos lèvres se défient, et ses bras me retiennent, m’ancrent à cet instant où l’éphémère prend des allures de pérennité. Entre l’incertitude et les ténèbres qui m’habitaient, ma vie s’est transformée en un doux rêve éveillé. Le sentir près de moi, solide, réel, me suffit à tout réinventer.
J’ai hésité, pourtant. J’ai envisagé de défiler cette spirale où son souffle enfermait mon cœur. Mais courir vers l’ailleurs, chercher des portes dans des murs scellés n’a été qu’un combat contre moi-même. Oui, parfois je déambule, indécise, tâtonnant entre mille chemins possibles. À travers ce chantier qu’est mon existence, de pierre en pierre, de battement en battement, je ne souhaite rien de plus que bâtir quelque chose de stable. Quelque chose d’éternel.
La fuite est une chimère. Alors, je choisis de rester. De plonger, tête la première, dans cette constance à vouloir le meilleur, à poursuivre ce qui nous élève, à grandir, à espérer. Dans ses soupirs, ses éclats de rire, et ces étreintes volées au temps, j’ai trouvé, sans savoir le nommer, ce qui me manquait.
Sous nos pieds, le sable est tiède, contraste délicieux avec la fraicheur qui vient du large. Le panorama s’étire à perte de vue, tandis que le ciel se consume dans un dégradé de rose et d’or, auréolant nos silhouettes. C’est le printemps de notre été, l’éveil lumineux de nos âmes encore en quête de leurs saisons.
D’un effleurement, il libère ma robe, ses doigts errent avec langueur le long de mes épaules. Son regard, vague flamme noire de désir, brûle d’impatience. Il me veut. L’étoffe blanche glisse, tel un souvenir fugace, chute dans un froissement soyeux, claque dans la brise, s’envole, met les voiles, avant de disparaître à l’horizon. Son haleine chaude vadrouille sur ma clavicule lorsqu’il s’approche, et je frissonne. Dans le murmure du vent, j’entends l’appel des anges, un écho céleste qui accompagne nos gestes.
Ce n’est pas si compliqué, de se laisser aller, ressentir, aimer l’instant présent. Et voici que ma nuit, par sa seule existence, fait brèche. Nous prédestiner au bonheur, c’est insatiable, jouissif, c’est ma quête.
Mon corps en émoi frémit sous ses caresses. Au creux de ses bras, dans cette étreinte qui mélange passion et force, je déterre une prophétie plus profonde : celle d’un refuge, d’une sécurité où je peux être vulnérable, où je peux être libre.
Ses iris bleus hypnotiques — semblables à deux lacs miroitants, les plus brillants, sincères et mystérieux qu’il m’ait été donné d’admirer — capturent et reflètent chaque nuance de l’eau tranquille qui nous entoure. Mes mains modèlent ses contours, dessinent des constellations invisibles sur ses muscles d’acier. Mes ongles égratignent la surface tendue de sa peau, cachée sous le cachemire de son pull marine. Lorsqu’il le passe par-dessus sa tête, exposant sa carrure à mon regard cupide, mon cœur fait un bond.
Son expression paisible me parle d’amour, de renaissance, d’éternité et je succombe instantanément à cette vision. Mes paumes frémissent d’envie alors qu’elles s’aventurent dans l’exploration assidue, frénétique, de chaque creux, chaque bosse, chaque grain de beauté qui orne son corps, jusqu’à la cicatrice qui lui barre le flanc. Mes lèvres, avides, suivent le même tracé lorsque ma bouche gourmande enfièvre son buste de baisers torrides : j’en oublie la notion du monde.
Ses bras m’enveloppent avec une telle délicatesse que j’ai l’impression de flotter. Le sol se mue en brume légère lorsqu’il m’entraîne dans une chute douce pour m’y installer. Les minutes s’étirent. Le paysage se fait évanescent, se déforme sous nos chairs entremêlées, sous nos chaleurs superposées. Mes perceptions se greffent à mes sensations. Il n’y a pas de retenue ici, pas de règles, juste une gravité qui nous unit et nous attire toujours plus près, à la lisière du possible, là où tout est permis.
J’avais craint de l’aimer au début, redouté de le voir emporté dans les courants sombres qui l’avaient autrefois noyé. Mais ces tempêtes appartiennent à un temps révolu. Avec moi, il a appris à dompter la houle et à poser pied sur des rives stables. Plus de fumée opaque pour obscurcir son regard, plus de poison pour l’éloigner de lui-même. Sa résilience témoigne de son engagement envers la vie, envers moi. Il m’a placée au cœur de ses choix, et moi, je l’ai accepté tel qu’il est, avec ses failles et ses victoires. Nous avançons main dans la main, gravissons les pics de ses errances, transformant les leçons reçues en promesses pour demain, vers un futur à bâtir.
Le passé demeure, mais je ne le crains plus. Si on se souvient qu’aucun acte n’est certain, comme il est vain d’attendre la perfection, que les trésors ne sont pas tous des gemmes, pourquoi se laisser submerger par le poids des réminiscences ? Rien ne sert de compter et de recompter, et de compter encore les années-lumière qui nous ont séparés. Une fois nos entraves brisées, nous voilà dans le bruit et dans le silence, oscillant entre le vertige du présent et la prophétie de l’infini. Nos nuits diront jusqu’où porter nos pas, nous guideront vers la rhétorique des jours heureux. Le livre que je serre fort contre ma poitrine est celui de l’avenir.
Sa voix lascive et enveloppante me murmure des mots d’amour, m’invite à franchir le seuil de mes réserves. « Laisse-toi aller ». « Rejoins-moi ». « Aime-moi ».
Mes lèvres restent closes, mais, dans mes pensées, je hurle de désir. Je ne lui avoue pas que ses doigts qui m’effleurent lentement me donnent envie de tout déchirer, de tout embraser. Lorsque mon regard s’égare sur ses lignes nues, il court au travers de son armure, plonge dans son ventre, atteint son cœur.
Les vagues lèchent nos jambes, le vent caresse nos peaux ruisselantes de sel et de passion. L’eau glacée mord mes sens jusqu’à ce que son enthousiasme les ravive aussitôt. Il s’enfonce au plus profond de moi, me tire vers l’oubli. Mes paumes s’appuient sur son torse, et, sous la lumière culminante, quelque chose scintille à mon auriculaire. Je n’ai plus pied, je n’ai que lui. L’azur de ses iris, ses mèches châtains alourdies de gouttes marines, ses mains râpeuses et fermes qui me cajolent, me revendiquent, me marquent à vie.
« L’amour est fait pour nous », me susurre-t-il. Je ne conçois pas le jour où ses yeux s’éteindront ni celui où il aura cessé de croire. Je repousse ces idées noires de toutes mes forces. Elles ne m’affectent plus : l’eau ne nous engloutira pas. Nos corps s’enlacent et je baisse la tête, me perds dans la contemplation de cette union parfaite, cette fusion totale. Dans ses bras, je renais à chaque instant.
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