CHAPITRE 37.4 * JAMES

9 minutes de lecture

J.L.C

♪♫ ... ♪♫

Bon, si on arrêtait d’en parler ? Parce que là, ça me chauffe un peu trop les nerfs. Respire. Garde ton calme. Elle n’a sûrement aucune idée des conneries en plein tournoi épique dans ma tête.

Mon bras s’élève entre nous, mes phalanges frôlent sa clavicule pour y ancrer ma patience et canaliser l’adrénaline qui monte sévèrement. Toucher sa peau, une manière de reprendre pied, de ne pas sombrer dans ma folie rancunière. Parce qu’elle a couché avec lui et je ne le supporte tout simplement pas.

Faut que je désamorce la situation, recentre notre complicité, renoue notre lien et éloigne mes pensées de cette falaise de doutes et d’amertume. Et surtout, je dois lui faire confiance… Facile à dire.

— On y réfléchira ensemble si tu veux, proposè-je.

Quitte à y aller, autant le faire avec elle après tout. Je laisse les mots sortir de manière délibérée. Mon ton reste impassible, comme si tout était sous contrôle, alors que, spoiler, dans ma tête, tout se télescope.

Victoria n’ajoute rien d’autre qu’un sourire léger, énigmatique. Ai-je été suffisamment subtil ou a-t-elle compris mon cirque ? Je n’en sais rien. Je décide de prendre la tangente et de faire dévier la conversation sur un thème moins… tendu.

— Tu le sais déjà, Antoine et moi, on écume les foires d’exposition et les salons spécialisés depuis deux ans. Ces événements nous offrent une visibilité cruciale. Ils nous permettent de rencontrer des professionnels du secteur et de nous faire un nom. Ces rassemblements boostent notre notoriété, renforcent notre crédibilité, et positionnent Lochranach comme un acteur sérieux dans l’industrie des spiritueux. Ça génère des prospects précieux, des contacts qui pourront déboucher sur des alliances stratégiques à long terme.

— Bien vu ! s’enthousiasme ma petite novice en entrepreneuriat.

— Exact. On organise aussi des dégustations privées chez nos partenaires.

C’est moi qui viens de remettre le sujet sur la table là ? Quel con !

— D’ailleurs, j’en ai une programmé mercredi soir au Py-R, tu connais ? En plus, ils ont un domaine à quelques kilomètres de Toulouse, donc deux points de vente viables.

— J’en ai entendu parler, mais je n’y suis jamais allé, me concède-t-elle. Du coup, toi, tu participes à toutes les dégustations ? Je veux dire, c’est toi qui anime ?

— Il faudra bien, oui. Jusqu’à présent, ici à Toulouse, Antoine portait la casquette de commercial. Quand j’étais dans le coin, je l’accompagnais, bien sûr. J’aime voir les gens goûter nos whiskies. J’ai passé des heures à élaborer les produits, à expérimenter, explorer des assemblages de malt et de grain, affiner les notes, équilibrer les arômes, pousser la complexité de chaque blend. C’est un peu… comme mes bébés quoi.

OK, là je suis clairement en train de me transformer en papa poule des whiskies… Victoria va me prendre pour un taré…

Mais contre toute attente, elle sourit et dit :

— Comme moi avec mes évènements ou mes animations. C’est le même processus, non ? Tu testes, tu ajustes et tu donnes le meilleur pour aboutir à une expérience unique, qui va plaire à chaque fois. T’es pas le seul à être obsédé par la perfection, tu sais. On se ressemble là-dessus, je crois.

Elle ne juge pas. Au contraire, elle partage. Ses mots, sa façon de parler… Elle est fabuleuse. Rien d’étonnant pour une maniaque du contrôle.

— On se ressemble là-dessus ? Ça me va. J’espère quand même que tu ne finis pas tes projets à cinq heures du mat' avec un verre de whisky à la main…

Un rire chaleureux s’échappe de ses lèvres et l’espièglerie danse dans son regard.

— Pas encore, mais qui sait ? Peut-être que je devrais m’y mettre, si ça fait partie du secret pour atteindre ton niveau, je pourrais envisager un entraînement spécial.

Poussé par un regain d’affection, ma paume suit la courbe de son bras. Elle s’immobilise un instant, le sourire toujours présent, mais plus doux cette fois.

— Après, tu me connais, je tiens trop à mes huit heures de sommeil. Mais j’ai aussi mes petits rituels nocturnes, d’une autre nature…

Bordel, fallait pas me dire ça ! Elle a planté une graine, et maintenant, mon esprit crapahute dans tous les sens, parce que des rituels nocturnes, je peux en imaginer une bonne centaine — et aucun d’eux n’est innocent.

Piqué par une curiosité fébrile, je l’interroge :

— Qui sont ?

Ses beaux yeux couleur miel s’embrasent d’une lueur malicieuse. Puis, d’une caresse tendre, elle me distrait en papillonnant des ongles sur mon torse. Tactique redoutable… mais je tiens bon. Enfin, j’essaie.

— Rien de très secret, commence-t-elle, l’air faussement mystérieux. Quand je manque d’inspiration, je me fais couler un bain chaud, avec des bougies, un livre et… un moment rien que pour moi. Quand j’ai trop de pensées en vrac, je me réfugie dans la musique et je danse. Ou encore…

Elle s’arrête, me fixe avec un sourire en coin, laisse planer le suspense.

— … je mets tout en pause et je regarde des séries mélodramatiques. Voilà, rien d’excitant. Déçu ?

Dois-je rebondir sur le moment « rien que pour elle » dans son bain ? Parce que j’ai une vision très précise de la scène et mon sang reflue vers mon entrejambe à toute vitesse. Je me racle la gorge, essayant de faire bonne figure malgré les images beaucoup trop claires qui s’imposent à moi.

— Est-ce que, dans ton.... Attends, où est-ce que tu prends ton bain au juste vu que t’as pas de baignoire ?

Victoria fait la moue.

— Merci d’avoir mis le doigt sur ce point sensible, James. Vraiment, j’adore mon appartement, mais je me déteste un peu d’avoir cru que je pourrais me contenter d’une douche.

Suis-je surpris ? Non. Vi est une de ces créatures pour qui l’eau est une seconde peau.

— Tu ne peux pas imaginer comme notre petite baignade de ce matin m’a fait plaisir…

Elle s’interrompt, mordille sa lèvre inférieure dans une hésitation qui en dit long. Elle a quelque chose sur le feu…

— Du coup, je me disais que je pourrais peut-être te demander de…

Elle s’arrête, un rouge discret se répand sur ses joues, ses paroles suspendues dans l’air, pris entre le doute et l’envie.

Mes yeux se braquent sur elle, intrigués par la suite de sa requête.

— Me demander quoi, Victoria ? De venir te construire un bassin sur mesure ? De tester tous les spas de la région pour en dénicher un parfait pour ta terrasse ? Ou…

Je saisis son menton du bout des doigts, ma voix baisse d’un ton, plus taquine :

— Ou tu voulais savoir si je serai partant pour une prochaine incursion aquatique avec toi ?

Elle éclate de rire, une pointe de trouble se dissimulant derrière son amusement. Mais lorsque son souffle tutoie mon oreille, sa déclaration à peine susurrée me transperce et mon cœur fait un bond.

— En vérité, j’apprécierais beaucoup que tu optes pour un appartement en conséquence, histoire de pouvoir m’incruster de temps à autre.

Elle me lance ça, l’air de rien, comme une proposition anodine, mais dans ma tête, c’est l’explosion. Un appart avec une baignoire… C’est une manière subtile de dire qu’elle envisage la suite. Je grappille toutes les miettes de bonheur qu’elle voudra bien me balancer. Quel canard !

Elle s’écarte aussitôt, s’applique à lisser le coton de mon T-shirt, les paupières abattues, avant de balbutier précipitamment :

— Loin de moi l’idée d’exiger, juste de suggérer. Après ce qu’on a vécu ce matin, l’option a son charme, tu ne trouves pas ?

Ce serait le paradis, oui !

— Tu sais que tu es vraiment une fille pleine de surprises ? déclarè-je en glissant mes doigts dans sa crinière, juste derrière son oreille.

Elle frissonne légèrement, la chaleur de sa peau contre la mienne me traverse comme un courant électrique.

— Si tu veux mon avis, tu devrais te préparer à en avoir d’autres.

— Ça tombe à pic, j’adore ça, rétorquè-je, le cœur battant.

Je fixe les nuages qui dérivent paresseusement au-dessus de moi, une distraction, peut-être pour calmer cette montée d’excitation qui s’emballe dans ma poitrine.

— Rendez-vous ce soir, dans ce cas…

Son ton léger me déstabilise à peine. Mais une vague d’anticipation me frappe. Instinctivement, je jette un coup d’œil à ma montre, comme si elle pouvait me délivrer l’information que seule Victoria détient.

— À quelle heure tu veux que je te rejoigne au club ?

Elle ne répond pas immédiatement, comme si elle pesait la meilleure manière de me rendre fou d’impatience.

— Eh bien, laisse-moi te faire un rapide récap, commence-t-elle.

Un rictus mystérieux prend ses lèvres d’assaut, tandis que ses cheveux valsent autour d’elle quand elle les secoue en arrière.

— L’événement débute officiellement à 19 h et la première partie de la soirée est réservée aux clients qui viennent pour dîner. Bien sûr, on propose un menu spécial avec des tapas concoctées pour l’occasion en collaboration avec un jeune chef toulousain. Et, je te raconte pas les cocktails : extraordinaires. Il y en a un que tu vas adorer : « Flammes du Démon ».

Le nom résonne dans ma tête, provoquant une étrange effervescence.

— En quoi il consiste ce « Flammes du Démon » ? demandè-je, même si je devine déjà sa base ambrée.

Mine de rien, ma paume coulisse sur sa cuisse, avide de la ramener contre moi. Dommage qu’on soit en public, car je meurs d’envie que ses courbes se déploient sur les miennes.

— Whisky, cherry, et ginger ale.

Le goût me saute presque à la gorge, rien qu’à l’évocation. La chaleur du malt, la douceur sucrée de la cerise, et ce piquant du gingembre…

Elle me gratifie d’un sourire éclatant, fière de me présenter ce mélange audacieux.

— C’est une combinaison détonante. Whisky et gingembre, ça matche. Mais j’avoue que la liqueur de cerise m’interpelle. Ça pourrait donner une belle profondeur inattendue. Hâte de voir si ça tient ses promesses.

— Baptiste et Clélia savent y faire, tu ne seras pas déçu. Attend de voir l’effet visuel avec les flammes, c’est… dément, approuve-t-elle.

Là, tout de suite, ce sont les flammes dans mes propres yeux que je me projette facilement lorsque je la contemplerai ce soir dans son déguisement d’Halloween. Une robe, très certainement, que je ne me figure pas encore, mais qui, nul doute, me laissera sans voix. Mais surtout, une tenue, que je n’aurai de cesse de vouloir enlever toute la soirée…

— Pour le reste, reprend-elle, le gros des invités arrivera probablement vers 22 h — surtout ceux qui ont réservé pour le show et les guests que Mati a réussis à attirer.

Je me demande bien qu’elle genre de célébrités locales seront présentes. Des influenceurs vraisemblablement ou des investisseurs peut-être. Les connexions et les réseaux sont primordiaux dans le milieu de la nuit pour rester à la page et au sommet.

— Entre 23 h et 23 h 30, prépare-toi à être émerveillé par une performance surprise. C’est le clou du spectacle et, ayant assisté aux entrainements, je peux te dire que c’est de la pure magie. Après ça, le DJ prends le relais, l’ambiance devient électrique et la piste s’embrase. Sans jeu de mots. Enfin, si tout se passe comme prévu. Auquel cas, je n’aurais qu’à ouvrir mon Livre des Ombres et lancer une incantation. Sait-on jamais, le "pouvoir des trois" me libèrera peut être.

Sa référence ne m’échappe pas et j’imagine sans mal ma petite sorcière figer à tout va pour maîtriser le chaos potentiel généré par les aléas qu’elle ne peut pas encore anticiper. Quoiqu’il advienne, ma soirée ne sera qu’éclats d’admiration, regards brûlants et enamourés, gestes attentionnés, voire quelques audaces si Victoria daigne me suivre dans un recoin intime. Mais là, je m’enflamme un peu.

Ma petite impresario du jour continue à m’exposer ses différents rôles de coordinatrice et d’ambassadrice et je suis prévenu : entre la restauration, les animations, l’accueil des invités, la supervision du timing, des équipes et des performances, elle croulera sous les missions. Elle me conseille de la retrouver vers 22 h, après la fin du service, quand elle sera plus disponible et disposée à me faire goûter ce cocktail explosif conçu pour raviver mes papilles. Même si, de mon côté, je parie davantage sur un ravissement de mon cœur.

Annotations

Vous aimez lire D D.MELO ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0