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Ils quittent les lieux dans le même ordre qu’à l’arrivée. Ils appellent d’abord Thomas pour lui dire qu’ils sont de retour au bureau et qu’il appelle la scientifique pour leur dire qu’ils apportent d’autres scellés et qu’ils aimeraient que tout soit photographié dans la matinée pour qu’ils puissent travailler dessus rapidement.
Louis appelle Farouk, il tombe sur sa messagerie et lui laisse l’info de leurs découvertes et de leur prochaine arrivée. Il reçoit en retour un texto d’un autre numéro marocain, sûrement le coéquipier du commandant les informant du contact avec un enseignant qui aurait approché les enfants disparus du douar. Lisa confie à Louis sa drôle d’impression sur la réaction de BB à la vue des photos de la petite enveloppe. Elle a une mauvaise sensation et l’intuition que le capitaine des renseignements cache beaucoup de secrets.
- Je vais demander à Mia d’aller encore plus loin dans la fouille de la vie de notre imposant capitaine, qu’en dis-tu ?
- D’accord avec toi ; surtout que j’ai eu la sensation qu’une moto, grosse cylindrée noire, me suivait à la sortie du restaurant hier soir et puis après, il y a eu ta voiture et je n’ai rien vu de plus.
- Moi aussi, je l’ai vu mais elle est partie sur la droite et je ne l’ai plus revue
- Humm ! Sauf s’il roulait tous feux éteints et à bonne distance. Ce type ne me plaît pas, trop de secrets !
- D’accord avec toi, on va sortir les cadavres du placard, si j’ose dire !
Au bureau, tout le monde est déjà là et Mathilde boit un café en compagnie du commissaire. La capitaine va au rapport de leurs trouvailles, Thomas inscrit les derniers éléments au tableau et elle lui confie les sacs pour les confier au labo afin d’avoir les photos des éléments avant la fin de matinée.
- Bon, commissaire, c’est ok, nous avons aussi la CR pour louis et moi en vue du déplacement au Maroc, j’attends votre feu vert pour la date afin de faire au plus vite les formalités COVID et prendre nos billets. Nous serons absents une semaine au plus et d’ici là, le labo et le doc nous auront rendu toutes leurs conclusions. On aura de la matière.
- C’est OK, capitaine, le plus tôt sera le mieux et faites bon usage de votre temps là bas.
- On fera un saut en Belgique avec Thomas à notre retour ; d’ici là, Mathilde, vous aurez peut-être eu de votre côté toutes les autorisations et avancé dans les vidéos et les comptes bancaires.
- Espérons, espérons, ma chère ! Je pars en début d’après midi de chez mes amis, je déjeunerai avec eux.
Pendant ce temps, Louis s’est activé à rechercher un vol sur Agadir et a contacté le service de santé pour passer le test PCR Lisa et lui. Au moment où Mathilde prend congé de tous, c’est réglé et il se réjouit de partir bientôt, seul avec Lisa, même si c’est pour le boulot. Ils passent le test cet après-midi et leur vol est demain à dix heures quinze d’Orly direct vers Agadir ; arrivée à treize heures quarante. Il appelle Farouk, c’est son coéquipier qui répond.
- Désolé, le commandant est au volant, c’est le capitaine Hamid
- Bonjour, c’est le capitaine Louis Persaud, le coéquipier de la capitaine Lisa Péron, je vous envoie par SMS tous les détails de notre arrivée demain. Vous pouvez nous trouver une chambre d’hôtel ? Enfin, deux, dans le même établissement que vous, ce serait bien pour le debriefe, si ça ne vous dérange pas, qu’en pensez-vous ?
Il entend rire, l’autre avait du mettre le haut parleur, c’est Farouk qui répond :
- Pas de problème, vous verrez, c’est un rêve ! Chambres contigües, OK ? C’est mieux pour travailler !
Et ils se marrent tous les deux. Il entend le capitaine Hamid rire aussi, gentiment ; beaucoup de complicité, ces deux là, pense t-il.
Ils déjeunent au bureau, toute l’équipe, rituel menu sandwiches devant le tableau, Thomas commande, c’est BB qui régale. Ils commentent, échafaudent des hypothèses, tout est là, Lisa le sent, mais il manque le lien, humain ou matériel, qui donnera une logique de résolution à ce déballage d’horreurs.
En début d’après midi ils saluent tout le monde et filent au centre de santé de la police pour le test PCR ; ils auront le résultat sur leurs téléphones en fin de journée. Ils vont directement à l’appartement faire leurs valises et se reposer un peu. Ils sont un peu nerveux et excités à l’idée de ce voyage ensemble malgré les sinistres circonstances ; ils sont flics, ils ont appris à mettre à l’écart la noirceur de leur travail pour vivre le plus normalement possible. Ils font l’amour, boivent du café, refont l’amour et c’est devant un nouveau café que les résultats arrivent, c’est OK, c’est négatif, ils peuvent confirmer à Farouk et partir. Ils font leurs bagages dans une bonne humeur un peu infantile. Une semaine loin de Paris et de l’épaisseur triste de son ciel d’automne.
Farouk et Hamid, impeccables dans leurs costumes d’été de bonne coupe attendent patiemment leurs homologues français dans la fraîcheur de la zone de débarquement. On leur a obligeamment avancé deux chaises, privilège de policiers. Il n’est pas question que leurs « invités » poireautent dans la file des douanes et de la police aux frontières. Ils savent qu’ils reconnaîtront Louis, une belle gueule de métis avec ces yeux verts là, ça ne s’oublie pas. La capitaine chef de groupe, en revanche, ils connaissent juste sa voix grave et chaude et sèche aussi.
L’avion est annoncé à l’atterrissage, ils attendent de voir les premiers passagers sur le tarmac et se lèvent à la rencontre des deux flics français. Ils repèrent immédiatement Louis et sont surpris par sa carrure puissante et sa très grande taille. A côté de lui, une jeune femme très brune, cheveux longs nattés dans le dos, silhouette longiligne et énergique, lunettes de soleil. Ils vont à leur rencontre sur le tarmac et Hamid s’empresse galamment de délester Lisa de sa valise. Elle le remercie d’un sourire franc et gracieux, il n’a pas encore vu son regard mais il est déjà sous le charme. Lisa est totalement fascinée par les deux hommes d’une beauté et d’une élégance rares. Elle aime particulièrement la gueule de boxeur d’Hamid avec cette incroyable bouche, un charme à la Belmondo renversant. Elle remarque derrière ses lunettes noires le regard plein de fierté de Farouk quand il se pose sur son coéquipier, ces deux là s’aiment, pour elle c’est évident.
Ils traversent le parking réservé, privilège police toujours, et Farouk remarque combien Louis ne s’éloigne pas de plus d’un petit demi-pas de la capitaine, la couvant du regard. Il ne porte pas de lunettes, ses yeux incroyables posés sur elle comme une caresse. Arrivée à la voiture, elle enlève ses lunettes et les deux hommes ne cachent pas leur admiration, c’est une vraie beauté, ils sont aimantés par ses grands yeux noirs et son sourire.
- Commandant, capitaine, puis-je me mettre à l’avant avec le conducteur ? Je suis vraiment malade à l’arrière et j’ai cru comprendre que nous avions une bonne heure de trajet vers Taroudant.
Ils s’empressent d’accéder à sa demande et Louis se marre et se résigne à caser ses grandes jambes à l’arrière. Durant tout le trajet, ils se repassent tous les éléments et Farouk propose d’en rester là, de passer une bonne soirée et de se mettre au travail demain.
- Nous avons demandé à nos hôtes de nous faire un repas pour quatre pour ce soir, vers dix neuf heures, si cela vous va. Nous arriverons vers quinze heures trente ou seize heures, cela nous laissera le temps d’un apéritif dans le jardin mexicain après quelques longueurs de bassin, ils ont une piscine de nage merveilleuse. Ne vous en faites pas pour les maillots, ils en ont à vendre sur place.
Il fait très chaud en ce début d’après midi, Lisa s’assoupit à demi dans une bienheureuse torpeur pendant que les trois hommes discutent de tout et de rien, comme de vieux amis. Elle sent la main de Louis sur sa nuque, se sent bien. Elle a du s’endormir tout à fait quand elle entend Louis clamer gaiement :
- Nous sommes arrivés, tout le monde descend, Capitaine Péron !
En moins de deux secondes elle est sur pied et admire autour d’elle la grande porte de bois cloutée qui se ferme derrière eux, le jardin en patio d’accueil, l’endroit tient sa promesse. Leurs deux hôtes se dirigent vers eux, souriants et les entraînent d’abord vers la boutique pour l’achat d’un maillot sous les regards amusés des deux flics marocains. Ils choisissent tous deux de simples maillots noirs, une pièce pour elle et caleçon pour lui. Leurs hôtes les précèdent avec leurs valises.
- Vous avez vos chambres de l’autre côté du grand patio, contigües comme prévu, nous sommes en face. Comme nous sommes, en ce moment les seuls clients, nous pouvons dîner au bord de la piscine si cela vous dit, les informe Farouk.
- Absolument, n’est-ce-pas Lisa ?
- Absolument aussi ! On prend une douche et on se précipite dans la piscine.
- Alors, à tout de suite !
Elle vient de réaliser qu’ils n’ont pas entendu la voix du capitaine ; visiblement, le communicant, c’est Farouk.
- Capitaine Hamid ?!
- Oui, madame, lui répond-il dans un grand sourire.
- Oh, non ! Appelez-moi Lisa et je voulais vous remercier pour votre galanterie.
- Pas de quoi, Lisa, tout le plaisir était pour moi !
Il a une voix douce et caressante, elle comprend pourquoi Farouk est amoureux.
Leurs chambres sont merveilleusement meublées et décorées, les salles de bains en carreaux de faïence zelliges, grandes baignoires, douches façon bain maure, tout invite à la volupté. Ils ne résistent pas, se douchent ensemble, se caressent et font l’amour sous les jets d’eau jaillissant des murs par des becs de cuivre.
Ils rejoignent leurs compagnons devant la piscine où est installée une table avec rafraîchissements, alcoolisés ou pas, des amuses bouches. Les deux autres sont déjà dans l’eau, crawlant avec énergie, Louis enlève sa djellaba et les rejoint. Lisa les admire, trois merveilles de la nature réunies dans ce bassin, se livrant une aimable compétition. Louis a l’avantage de sa grande taille et de sa musculature puissante, il gagne. Les trois hommes, essoufflés, s’accoudent au rebord et discutent joyeusement. Quand ils sortent, ruisselants, c’est un festival. Lisa sert les boissons fraîches, sans alcool pour le moment, boit son verre et se défait aussi de sa djellaba pour se jeter à l’eau. Elle marche, de son pas souple et énergique vers le plongeoir, ils l’admirent, elle plonge avec précision et déroule son crawl souple et gracieux sur quatre longueurs de bassin. Elle sort enfin et Louis la dévore du regard en souriant, puis se lève avec sa serviette et la sèche vigoureusement en riant.
Trois martinis plus loin, ils s’installent pour dîner en bavardant avec légèreté comme s’ils se connaissaient de longue date. C’est une sensation agréable, tous les quatre apprécient cette atmosphère de liberté et de franchise. Farouk n’hésite pas à prendre la main d’Hamid et à l’embrasser et lorsque ce dernier se lève pour resservir du vin, il caresse naturellement la nuque de son compagnon. Lisa et Louis sont en empathie et en sympathie totale avec les deux hommes dont l’amour l’un pour l’autre paraît profond. Louis lui prend la main et la porte à ses lèvres, lui aussi est heureux.
- Je crois que nous devrions aller nous coucher, nous avons une bonne de journée de travail qui nous attend, propose Louis.
Tout le monde est d’accord et chacun regagne sa chambre.
Farouk ne tarde pas à rejoindre Hamid qui est déjà sous la douche et lui sourit avec tendresse. Il le rejoint, le caresse, l’embrasse et lui fait l’amour avec passion, longuement.
- Quelle merveilleuse soirée et quels merveilleux amis ; avec eux tout est si simple, déclare Hamid, pourquoi n’irait-on pas s’installer en France, c’est un pays fantastique, à ce qu’on dit, où chacun laisse l’autre vivre à sa guise.
- Mais on ne pourrait plus être flics, tu te vois faire autre chose, genre épicier « arabe du coin », répond Farouk en riant.
- Oui, ça c‘est un problème ! Soupira Hamid. Restons en là pour l’instant et soyons prudents; à ce propos, il faudra dire à nos amis français qu’il faudra passer par la case « commissaire Messaoud » dès demain.
- La corvée de rigueur avec cet imbécile suffisant, rigola le commandant, allez, dormons et n’oublie pas que je t’aime plus que ma vie.
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