Chapitre 3
Une heure plus tard, les deux hommes étaient toujours assis dans la voiture et attendaient l’arrivée de Laurie. Valentin commençait à ressentir les effets du froid de façon plus marquée, tandis que Henry se questionnait sur la présence de cet homme ennuyeux dans sa voiture. Ils n’avaient pas échangé un seul mot depuis qu’il avait passé son appel à part pour le prévenir de la durée approximative de l’attente, qui était d’environ une demi heure.
Le soleil avait fini par disparaître derrière l’imposante montagne face à eux. On ne devinait que quelques rayons de soleils résistants à la rotation de la planète, au travers des arbres.
Valentin n’avait pas ouvert la bouche, préférant ne pas importuner davantage son hôte et avait donc observé le soleil disparaître peu à peu. Henry avait fait de même, préférant le silence au paroles vides de sens, d’un parisien incapable de démarrer une voiture. Une des nombreuses raisons pour laquelle les parisiens lui sortait par les yeux. Écologiste mais pas trop non plus, courtois mais incapable d’un sourire, et pire encore cadres mais ne comprenant rien à la vie et à l’impacte de leur décisions sur la vie des autres.
Valentin avait perçu cette résistance face à lui, même si n’en comprenant pas les raisons, il avait préféré laisser l’homme à ses pensées noires, et avait préféré se perdre dans les siennes. Une chose qu’il n’avait plus faite depuis longtemps. Sauf pour s’apitoyer durant le divorce avec Miriam. Pensée qui l'amena à observer discrètement le montagnard à ses côtés.
Une veste à carreaux de bûcheron épaisse, sur une simple chemise et un jean à la coupe classique mais moderne. Des tempes grisonnantes et des cheveux poivre et sel coupé court ainsi qu’une barbe de quelques jours de la même couleur. Des yeux tombants, marqué par des pattes d’oies signe d’une personne souriante et joviale. Un trait de personnalité qui lui était inconnu pour le moment. Malgré son humeur maussade, il irradiait de lui un caractère calme et tempéré, semblant résister à toutes les situations.
Valentin se fit la réflexion d’un personnage contradictoire mais intéressant. Il se retrouva pourtant à se demander comment cet homme pouvait être le père de Laurie. Il ne l’avait vu que peu de fois, et pour de courts laps de temps mais elle semblait être l’opposé de son père sur bien des aspects, de ce qu’il se rappelait d’elle.
Des phares les éclairants inopinément les tira de leur moment de réflexion. Une voiture venait de se garer à côté d’eux et Laurie s’extirpa en souriant de celle-ci. Elle se dirigea vers eux et prit un Valentin surprit dans ses bras. Il avait tout juste eu le temps de mettre ses pieds hors de la voiture.
- Valentin ! Heureuse de te revoir ! Comment vas-tu ? Le voyage s’est bien passé ? L’attente n’a pas été trop longue ? Mon père a été agréable avec toi ? s’inquiéta-t-elle souriante.
Elle jeta un regard taquin à son père par-dessus son épaule, toujours dans ses bras. Il tourna la tête et eut juste le temps de voir Henry détourner les yeux en cachant un sourire contrit. Il pouvait donc vraiment sourire s’amusa-t-il. La jeune femme s’éloigna de lui, un sourire toujours accroché sur ses lèvres et les invita à les suivre jusqu’à sa voiture, une Clio rouge.
Valentin sortit donc sa valise de la banquette arrière et lui emboîta le pas.
- Le voyage s’est très bien passé, j’ai gentiment été prévenu par ton père de la durée de l’attente, donc ça va. Et je vais très bien, ajouta-t-il.
Il fit une pause pour hisser son coffre dans la Clio et lui demanda :
- Et toi ?
- Je prends des vacances ici pour me ressourcer et laisser Simon profiter du bon air et de la nature, expliqua-t-elle enjouée.
Henry qui les avait suivis en silence s’était installé à la place du mort, ne laissant d’autre choix à Valentin que de s’asseoir à l’arrière, où il découvrit le-dit Simon en train de le dévisager curieusement. Il se présenta aussitôt à lui en lui tendant une main faussement sérieuse.
- Bonjour moi c’est Valentin, qui es-tu donc jeune homme ?
Un sourire timide apparut sur le visage enfantin et il lui tendit la main de la même façon.
- Simon…
Dès qu’il eut serré la main, il la récupéra et la rangea dans sa manche, ne cessant de l’observer curieusement, mais déjà plus à l’aise. Laurie qui s’était retourné pour observer la scène paraissait fière de son fils et offrit un regard reconnaissant et quelque peu surpris à Valentin. Henry avait aussi observé la scène, mais discrètement au travers du rétroviseur. Il avait été étonné de la facilité avec laquelle Simon l’avait accepté et était entré dans son jeu, même si cela avait été de façon timide.
Peut-être que ce parisien été plus intéressant que ce qu’il pensait finalement. Il ne laissa pourtant rien paraître du fil de ses pensées et préféra regarder la vue dehors, se détournant de la scène inattendue à laquelle il avait assisté.
Laurie s’étant rassise correctement, elle démarra la voiture et engagea la conversation tout en manœuvrant habilement hors de la place de parking.
- Alors qu’est-ce qui t’amène ici ? Julie n’a pas voulu m’en dire beaucoup plus que le strict minimum, qui est mon obligation de te garder à l’œil et de m’assurer que tu restes ici pour au moins deux semaines.
Valentin quoique surpris ne laissa rien paraître et répondit vaguement.
- Les enfants trouvaient que je travaillais trop et que je n’avais plus pris de vacances depuis trop longtemps. Ils m’ont mis au pied du mur hier soir, je n’ai rien pu faire. Il eut un sourire attendrit et continua, Colin a fait ma valise sous la surveillance de Julie qui m’expliquait que je n’avais pas mon mot à dire et que c’était non négociable. Il marqua un temps d’arrêt. Tu la connais, elle est dure en affaires.
Laurie éclata de rire, comprenant parfaitement ce qu’il voulait dire par là et s’imaginant la scène cocasse de la journée précédente.
- Je vois parfaitement, ce que tu veux dire, elle n’a pas changé depuis la dernière fois qu’on s’est vus. Toujours aussi meneuse.
Un sourire nostalgique sur les lèvres, Laurie se rappelait de ses années étudiantes à Paris avec Julie. Cela semblait être déjà tellement lointain. Henry n’ayant pipé mot de toute la conversation remarqua le changement d’attitude de sa fille et lui serra tendrement l’épaule. Il connaissait son attachement à ses années étudiantes et plus particulièrement à Julie, qui l’avait largement soutenue durant son deuil.
Le trajet se finit dans un silence apaisant où chacun était perdu dans ses pensées. Certains d’entre eux admirant le paysage devenu nocturne, tandis que d’autres s’endormaient, bercés par le calme ambiant et le ronronnement régulier du moteur.
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