Chapitre 2

2 minutes de lecture

Sale soirée pour mon chiffre d’affaires. Je repars avec de la marchandise invendable sur les bras et j’ai définitivement perdu une bonne partie de mes fidèles. Paix à leur âme. Va peut-être falloir penser à se reconvertir. Mais pour faire quoi ? S’il suffisait de traverser la rue pour trouver du boulot, ça se saurait. De chaque côté, y a que des magasins aux rideaux fermés ou des usines aux vitres cassées. Ça résonne quand tu marches sur les trottoirs, y a que l’écho qui te répond quand t’appelles l’espoir. Quand j’y pense, je pourrais faire rappeur, mais je crois que de ce côté là aussi, c’est râpé. Trop de boulot pour percer, pas assez motivé, j’ai toujours laissé la flemme me guider. Non, décidément, mon petit trafic est le meilleur moyen de m’en sortir, le plus rémunérateur et le moins fatigant, bientôt j'aurai assez de fric pour me casser d'ici et vivre au paradis. Comme l’ascenseur social est cassé, je m’élève à ma façon, en escaladant l’énorme pyramide d’âmes perdues qui ne demandent qu’à ce qu’on leur marche dessus. Chacun pour moi et Dieu pour moi aussi. La vie est sans pitié.

Trêve de bavardage, je dois m’éloigner de ce merdier et rentrer à pattes. Direction Chambrey, petit village perdu à cinq kilomètres d’ici. C’est là que je crèche, chez mes parents. Grâce à mes petites affaires, je peux leur payer un loyer confortable qui excède de loin leur maigre retraite, c’est le moins que je puisse faire pour eux. Ils ne sont pas au courant de mes petites affaires. Heureusement, car ils préféreraient crever que de savoir d’où vient l’argent. Je leur ai dit que je travaille dans l’événementiel. D’un certain point de vue, ce n’est pas tout à fait faux.

Me voilà à longer l’étroite bande de bitume qui scarifie la forêt. Derrière, la musique s’est tue, mais des cris résonnent encore. La pluie est devenue fine et collante, par chez moi on dit que ça broussine. De part et d’autre de la route, les arbres se courbent sous le poids de l’eau, comme des vieillards épuisés. Des flaques se sont formées sur la route cabossée, comme des miroirs brisés qui reflètent la tristesse du monde. La nuit s'étend comme un linceul sur une terre déjà morte et j’ai le moral dans le fond des bottes. La marche à pied, c’est pas bon pour la gamberge. J’ai beau vouloir me convaincre que je me lave les mains de toute cette affaire, comme Ponce-Pilate, je ne peux pas m’empêcher de revoir les fêtards, leur visage déchiré par la haine, les scènes d’horreur, l’hémoglobine qui gicle. Difficile de ne pas sentir une pointe de culpabilité. Ce massacre du Bois Pétard me hantera longtemps. Je ne comprends pas où ça pu merder, les produits étaient censés être sans danger. Pourtant, je ne me vois pas trop porter plainte à la police pour tromperie sur la marchandise, vous comprenez pourquoi.

Un bruit de moteur derrière moi interrompt mes sinistres réflexions. Ça tombe bien, j’étais à deux doigts de prendre un “papier d’hallu” pour oublier. Je me retourne, une paire de phares éclaire la route. Je m’arrête, dégaine mon pouce, une bagnole à cette heure de la nuit, c’est une bénédiction.

Enfin, c’est ce que je croyais, jusqu’à ce que j’aperçoive le véhicule de plus près. Citröen Berlingo, bande bleue sur les flancs. Gyrophare éteint sur le toit. Les flics. Manquait plus que ça.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Caiuspupus ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0