Chapitre 7
Chris
Je le sens de plus en plus près. Le mur se rapproche trop vite, comme d’habitude. Une vision floue de la pièce où je me matérialise me permet d’approximer mon « atterrissage »… Chklang. Okay, j’ai évité le mur, j’ai pris la table. Malgré l’épuisement, j’ai le réflexe de me cacher derrière le premier meuble venu, le temps d’observer mon environnement. Je suis, fort heureusement, seul dans ce qui ressemble à un salon. Impeccablement rangé et très... rose, au passage. La médiocre précision du cristal m’a évité de me rematérialiser directement sur Audrey ou le porteur de l’autre collier. Pour une fois, c’est un avantage. Le bruit de marches qu’on dévale me fait sursauter et je me terre contre l’armoire en retenant mon souffle. Deux hommes passent à quelques centimètres de moi, avant de quitter la maison d’un pas rapide.
Réfléchissons. Audrey devrait être par ici, aucune idée du nombre de personnes dans l’habitation et je me pèle. Si le cristal pouvait aussi déplacer la matière non vivante, ce serait un chouette progrès. Je parcours la pièce des yeux espérant récolter un quelconque indice ou de quoi me vêtir, puis, bredouille, m’approche prudemment des escaliers. Des voix résonnent à l’étage.
Crrrrr. Crrrrr.
Je me fige à chaque grincement du parquet, et je prends un temps monstrueux pour arriver en haut. Trois portes entrebaillées, dont une derrière laquelle il y a du mouvement. Allez, un paaaas, deux paaaas, un coup d’oeil. Deux hommes surveillent Audrey, qui est assise sur une chaise. Je vérifie rapidement qu’il n’y a personne d’autre à l’étage, puis redescends. Il faut agir tant qu’ils sont moins nombreux. Une fois n’est pas coutume, une ébauche de stratégie émerge. Je me glisse derrière la cuisine américaine, ouvre un placard, un autre et trouve enfin le graal : une planche à découper en bois. Je retourne ensuite côté salon, entrouvre la porte d’entrée, passe le bras à l’extérieur et tâtonne jusqu’à trouver la sonette.
Ding Dong.
Le cagibi attenant me fournit une cachette parfaite. Prêt à agir, mes muscles se tendent, l’adrénaline grimpe. Je tremble de tout mon corps. Qu’est-ce qui m’a pris de vouloir jouer les super héros ?!
Un petit homme, arme au poing, descend. Il est sur le qui-vive et je me crispe un peu plus lorsqu’il arrive à ma hauteur. Sa main abaisse la poignée, il se penche vers l’extérieur. Maintenant. J’abats de toutes mes forces la planche sur son crâne et il s’effondre dans un bruit sourd. La vision de son corps inanimé me fait frissonner. Définitivement, je n’ai pas l’âme d’un guerrier. Je le traîne dans le cagibi en me demandant que faire. Le temps que le barbu s’apperçoive que son copain ne remonte pas, leurs accolytes auront reparu. Je n’ai plus qu’à l’appeler. Prudent, je récupère le pistolet de l’évanoui, puis crie de toutes mes forces.
- AAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHH.
Le dessous de l’escalier devrait me permettre de prendre mon adversaire par derrière. Celui-ci arrive rapidement, il se tourne vers le salon et avance d’un pas calme.
- Rrrrriman ? ты где ? (Où es-tu)
Sa voix me fait froid dans le dos, tout mon courage s’est envolé. Je fais quoi maintenant ? Dans les films, le mec a toujours une inspiration géniale à cet instant. J’encourage mon cerveau, mais il semble avoir épuisé son quota d’idées lumineuses. Tant pis, mieux vaut que je surgisse avant que l’homme ne me trouve.
D’un coup, je me rue sur lui, il tire, me rate. Son corps a basculé sous mon impact. Il se défend, roule, les coups pleuvent. Il est trop fort, je n’ai aucune chance. Son arme est au sol, la mienne aussi. Trouver autre chose. L’armoire ! Dans un effort désepéré, je me dégage de la prise du barbu, me précipite vers elle, il me suit. Je la pousse de toutes mes forces et elle bascule à la seconde où il m’atteint. Son cri monstrueux se perd dans des craquements de bois. Je mets un instant avant d’oser regarder : la partie droite de son corps disparaît sous le meuble. Bon, il devrait être assomé un moment. L’estomac retourné, je l’abandonne et cours retrouver Audrey.
Audrey
Les bruits provenant du rez-de-chaussée me terrifient. Pourtant je suis seule, c’est maintenant ou jamais qu’il faut trouver un moyen de fuir. Sauf qu’être menottée à une table aide moyennement. La porte s’ouvre d’un coup, me faisant tressauter.
Chris ?
Mes prunelles le balaye de haut en bas. Un peu surprenant de débarquer en tenue d’Adam, mais pourquoi pas.
- Ça va ? me demande-t-il d’une voix inquiète.
Question débile.
- Faut qu’on bouge ! complète-t-il, paniqué.
J’ai déjà dit qu’il était brillant ? Il constate que des fers entravent mes poignets, essaye de débloquer le mécanisme, puis renonce en jurant.
- Le barbu a les clés dans la poche de son jean, j’articule.
- Dans quelle poche ? Droite ou gauche ?
- Je sais plus, pourquoi ?
Il affiche un air très embêté et ressort précipitamment. Grouille. Mon souhait est exaucé, il remonte et me présente les clés d’un air victorieux.
- Allons-y, souffle-t-il une fois les bracelets à terre.
- Enfile un truc, avant.
- Pas le temps.
J’ouvre tous les tiroirs en urgence. Zut, que des fringues de filles. Je finis par trouver une grande chemise de nuit. Ça fera l’affaire.
- T’es sérieuse ?! s’étrangle-t-il lorsque je lui tends.
- Ce sera mieux que la nudité.
Pour une fois, il obtempère tandis que je récupère le cristal négligemment posé sur la table.
- RAOUUUUL !
Le cri sous nos pieds nous cloue sur place, nos regards effrayés se croisent. Faut vraiment dégager, là !
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