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Les mains liées dans mon dos, les chevilles jointes et solidement entravées, me voilà juché sur le dossier du canapé, plié en deux. Mon buste tombe d’un côté, tandis que mes jambes pendouillent de l’autre. Le contact froid du cuir contre la peau de mes jambes me donne la chair de poule. Un frisson balaie le bas de mes fesses, découvert par mon short très – trop – court. Je suis soudain si ridicule ainsi perché.

Par réflexe, mon corps essaie de se libérer. Je tente d'onduler des hanches, de tirer sur mes liens. Rien n’y fait. Impossible de m’échapper. Me voici dindon de la farce, non sans une certaine satisfaction. Je ferme les yeux et soupire de plaisir. Une mèche rebelle glisse sur mon front pour pendre devant mes yeux ; je tente, en vain, de la chasser d'un souffle, frotte ma tête contre l'assise, entraînant d'autres touffes dans son sillage. Nouvelle conscience de ma totale impuissance. Dans son nid douillet, l'oiseau s'agrandit, se raidit. Il prend vie. Vous l'imaginez dépité ? Sots que vous êtes ! Sentir la résistance des liens, éprouver cette implacable immobilité déclenche un irremplaçable spasme de plaisir. Je sais qu'Il va en profiter.


Ça fourmille dans mon pubis ; l'essaim s'étend, embrase mes cuisses. Mon bas-ventre tremblotte, entraînant le reste de mon corps dans un soubresaut involontaire. Oh ! Heureusement que je ne peux trop frotter. Le dossier est un écrin dans lequel je suis bien calé. Je m'étire, pointant mes pieds vers le sol trop bas. Je cherche à chasser cette étrange sensation dans mes demi-tendineux. Une sorte de contraction ou de rétractation, l'impression qu'on appuie dessus, qu'ils expulsent une substance euphorisante... excitante. Dans sa cage, l'oiseau se sent contraint ; il faut que ça vienne.


En attendant l'instant fatidique, je passe le temps comme je peux. Je balance mes jambes tendues en murmurant des airs entraînants, tente d'onduler des hanches en feulant, glousse de tous ces enchaînements. Si ça ne Le fait pas venir, j'espère que ça L'amuse. Moi, oui ! J'aime faire monter son envie, la sentir en moi qui va et vient, au gré de mes simagrées. Je L'imagine en train de me contempler, de résister à la tentation. Ça me motive. C'est un jeu de patience, de séduction.


Deux mains se plaquent enfin contre mes hanches. Il m'observait, je le savais. Il devait lui aussi savourer devant l'amuse-bouche jusqu'à en saliver. Maintenant, nous allons déguster. J'espère être assez désirable à ses yeux. Peut-être à l'écoute, Il dissipe mon doute en se frottant contre mon fessier avec un râle rauque. Son jean rêche qui effleure la peau de mes cuisses les abrase, en chasse de chair de poule. Ce perreo[1] imposé amplifie mon impression d'être possédé. Cependant, des pensées contradictoires se bousculent dans ma tête. L'appréhension le dispute à l'excitation. Je sais que, dans un instant, je vais peut-être le regretter. Mon emprisonnement et ma vulnérabilité ne seront plus que des idées un peu abstraites, mais des faits avérés. Ils s'installeront avec une forme de violence insidieuse. Je ne serai plus maître de rien, incapable de choisir ni décider. Un relent de scrupules, dernier sursaut d'orgueil, me fait hésiter. Un mot et mon martyr n'aura pas lieu. Manquerai-je de courage ? Il comprendrait ; mais je ne veux cependant pas reculer. Question de principe, d’honneur… de fierté surtout.


Une petite tape condescendante sur le sommet des fesses me tire de ma séditieuse méditation. Mon cœur s’emballe dans ma poitrine et mes entrailles se serrent. Ses mains massent mon popotin, le pétrisse comme une appétissante miche.
— Oh ! Que j'aime quand tu m'offres ton joli petit cul ! plaisante-t-Il en le secouant comme de la gelée.


Dois-je répondre ? Arriverai-je à parler ? La joue gauche écrasée contre le canapé, les épaules appuyant contre l'autre, l'inconfort et la sensation de ridicule se mêle à la douceur des caresses. Malgré l'humiliation, je souris – ou plutôt grimace – béatement, un peu malgré moi, je dois l'avouer. Oui, j'apprécie cette situation que j'ai cherchée, mais je sais aussi qu'une part de ma joie vient des attouchements. Les paumes lentes m'apportent un agréable réconfort. Les frissons parcourent mon corps à chacun de ses mouvements, ma respiration suit leur rythme. Il me veut, moi, rien que pour lui. Entendre son plaisir nourrit le mien. Je me suis mis à sa disposition, Il me montre qu'Il sait en profiter.


Un doigt furtif balaie ma peau, juste en limite de l'ourlet du short. Cette zone est si sensible ! Ce délicat et délectable attouchement m'électrise. D'instinct, je me contracte. Mes pieds remontent entre ses jambes écartées. Mon dos se redresse, ma gorge se déploie. Un petit cri de surprise jaillit. La pression retombe, je me ramollis dans le claquement sourd de mes tibias contre le cuir peu rembourré du dossier. Un ricanement sardonique vient prolonger la cuisante expérience.


— Quelle idée de porter un truc aussi court !


Il ne me laisse pas le temps de répliquer. Une myriade de tapotement galopent sur les extérieurs de mes cuisses. Je ne peux m'empêcher de glousser, bouche fermée, et de rouler des épaules. La folle cavalcade remonte sur le dessus tout aussi sensible, oblique vers les faces intérieures que je tente de maintenir serrés. Les liens sont de mon côté. Mes muscles contractés, non. Dépité, je dois céder. Malheur au vaincu. Cette zone est ravagée sous mes rires endiablés. Puis la horde assaillante file en direction de mes genoux. Je tente de les plier pour les protéger. Prévoyant, mon bourreau a bloqué mes pieds avec son torse musclé. Je les plaque contre ses abdominaux, savourant leur chaleur et la douceur de son T-shirt.


— T'inquiète, leur tour viendra ! Pour l'instant, je goûte à tes jolis gigots !


Les chatouilles remontent. Mon agitation s'accentue. Mes doigts s'affolent, tentent d'agripper le vide. Mes poings se serrent, se desserrent, brassent l'air. Lorsqu'Il revient sur les fosses poplitées, je bats des poignets contre mon postérieur.


— C'est à t'en taper le cul par-terre, hein ! Enfin, si t'avais pas le cul en l'air... me lance-t-Il goguenard.


J'adore cet humour mesquin. Il sait très bien pourquoi je suis ainsi perché, mais ça fait partie du jeu que d'être chambré. Ça fait partie de la démonstration de supériorité, prouve notre complicité .


J'adore cet humour mesquin. Il sait très bien pourquoi je suis ainsi perché, mais ça fait partie du jeu que d'être chambré. Ça fait partie de la démonstration de supériorité, prouve notre complicité. Dans nos jeux amoureux, le sentiment de faiblesse doit être exploité. Dans ces moments, j'aime qu'on me rappelle ma tenue courte. Tout est bon. La fraîcheur du cuir ou du sol, un courant d'air... et bien sûr les chatouilles. Cela crée une désirable dualité, une sainte trinité, si on rajoute le fait d'être ficelé, où le ridicule de mon costume, voire de ma position, s'allient pour augmenter ma sensibilité et ses effets.


Je ne saurais pas expliquer – peut-être dois-je cesser de chercher ? – pourquoi j'associe les jambes dénudées à une vulnérabilité, une sorte d'infériorité. Ça n'est pas dû qu'à leur sensibilité, sinon côtes et aisselles seraient à la même enseigne. Si, en temps normal, je suis habillé comme n'importe quel homme, je ne pourrais concevoir de le rester dans nos jeux. Plus simplement, quand je suis avec Lui, c'est impossible. Il ne m'impose pourtant rien. Il n'a d'ailleurs pas bien compris quand nous en avons discuté. Il n'est bien sûr pas question d'être soumis à temps complet, mais je ne me sens toutefois pas son égal et je tiens à le marquer. Ce rappel visuel vaut autant pour Lui que pour moi. Les éléments sont aussi de précieux alliés. Souvent, la fraîcheur fait frissonner mes cuisses. Je regrette alors de ne pouvoir porter la culotte, réprouve ma sotte situation. Mais le ridicule de ma tenue, cette expression de ma douce folie, m'amuse. Je résiste et me joue de l'adversité. Il y a sans doute aussi un jeu de séduction et de tentation de mon côté. Mes jambes sont, à mon avis, une des plus belle partie de mon corps... même si ce n'est pas celle qu'Il préfère. Je pourrais concéder un petit sacrifice, utiliser des collants ou un autre artifice. Ma peau doit cependant rester à sa disposition. Quel réconfort de sentir sa main chaude s'y poser et y glisser.




[1] « Le perreo est un style de danse sud-américaine, très sensuelle et provocante, issu du milieu reggaeton. Son nom provient de l'attitude de draguer et séduire en plein milieu d'une piste de danse par des mouvements lascifs du postérieur. Cette danse s'appelle également el culeo ou sandungueo quand le partenaire se colle à l'arrière de sa partenaire. » (Wikipedia)

Ça fait partie de la démonstration de supériorité, p notre complicité .

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