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Le petit short que je portais à cette soirée est le même qu'aujourd'hui. En haut, j'ai opté pour un genre de chasuble qui découvre mes flancs. Voudra-t-Il en profiter ? Pour l'instant ce sont mes cuisses qui se font maltraiter. Cela fait bien longtemps que j'ai cessé de résister ou tenté de m'échapper. J'ai compris et accepté. Je subis tout en rire. Le sang afflue dans mon cerveau, je ne trouve pas de bonne position pour ma tête, j'ai envie que la danse s'arrête. Mais que toute cette impuissance cet inconfort sont délicieusement insupportables !
Puis la base de mon fessier est attaquée. Le virtuose pianote allegro sur ce clavier d'ivoire. Le chœur, jusqu'ici modéré, rit forte. Une petite montée dans les aigus pour les premières notes – la surprise, le refus, la déconvenue – avant de redescendre d'une octave pour le couplet – l'acceptation d'un implacable châtiment que j'ai cherché. Emporté par le thème, une irrépressible envie de me trémousser de l'arrière-train s'empare de moi. Mais la souplesse du canapé m'impose l'immobilité. Je me contente de me dandiner des épaules. Nouvelle poussée à tue-tête dans un petit sursaut pour le refrain, lorsque les ongles glissent dans le sillon. Puis mes mains jointes battent la cadence infernale de la gigue qui reprend. J'ai chaud ! Je me sens possédé, prisonnier des sensations imposées. L'aspect irritant, presque électrique, se mêle à l'excitation des stimulations de cette zone. À mesure que ma sensibilité s'accentue, que le désire monte, tout valse dans mon esprit. C'est une spirale infernale, un cercle vicieux. Le quadrille effréné se mue enfin en carmagnole, alternant les presque caresses sur le dos de mes cuisses pour me permettre de respirer et l’agitation à leur jonction avec le fessier pour me faire expier. Il sait me ménager sans relâcher la bride, mon Cocher.
J'ai souvent fantasmé cette expérience. Longtemps j'ai envié les victimes de chatouilles. J'ai découvert cet attrait à l'adolescence ; comme beaucoup de monde, je suppose. Me retrouver entre les mains expertes d'un esprit sadique m'affriolait. Les mots pour retranscrire cette aspiration peinent à s'enchaîner et à pouvoir se déverser. Une pudeur les retient. La peur du ridicule, aussi. L’intime se retranche et se cadenasse. On nous commande qu'un homme soit fort, qu'il domine, autant son être que ses semblables. Se laisser attacher et chatouiller, c'est tout le contraire de ce qui est encore véhiculé dans notre société. On accepte d'être le « faible », celui qui subira, autant les actions de l'autre et que ses propres réactions. Sans échappatoire. Impossible de simuler ni de dissimuler : on se livre à l'autre, entier. Au fond n'est-ce pas là, la vraie force que de ne rien cacher ? Mais pas à n'importe qui ! C'est avant tout une rencontre, une question d'affinité et plus.
Plus qu'une quête du Graal, ce fut un véritable chemin de croix. Ce désir était trouble. Je ne sais pas pourquoi mais, pour quelques mois, je m'imaginais devoir être de l'autre sexe pour être victime de ce châtiment. J'ignore si c'était l'expression d'un mal être par rapport à une masculinité que je n'arrivais pas à assumer ou la volonté viscérale d'une vérité évanescente. Me fantasmais-je femme, parce que les clichés de la société les placent mieux dans le rôle que je m'assignais ? Était-ce une espèce de déni de la réalité, une rechercher de la facilité ? Peut-être aussi s'agissait-il d'une homosexualité refoulée... Pourtant, faire l'amour à un homme, l'embrasser, le serrer dans mes bras me rebutait. Pourtant faire l'amour une femme me rebute tout autant.. ... une aversion que je ne m'étais jamais figurée. Le contact physique avec elle m'est cependant plus facile – il est même très agréable – même si ça ne va pas plus loin que l'attraction.
En matière de domination, tout out passe dans le regard. Le sien, je l'ai dit, m'a d’emblée convaincu. Je ne soupçonnais pas que sa voix me ferait tant d'effet. J'en ai senti mes tripes trembler. Lorsqu'enfin nous nous sommes rencontrés, ses larges mains aux longs doigts furent une promesse d’allégresse ! C'était dans un bar, un lieu neutre. Tout de suite, j'ai regretté. C'était la révélation : je devais, je voulais, sans tarder, me ranger sous sa coupe. L'euphorie de ce premier rendez-vous passée, la raison me commandait de poursuivre pas à pas. Heureusement, c'était l'été, je pouvais, sans crainte, sortir en « simili-tenue de soumis ». Je devais savoir si je me sentirais à l'aise. Une part de moi me décidait prêt. Elle ne s'était pas trompé. Quelle joie de subir de rapides chatouilles lorsque je le taquinais, de sentir une fois sa main frôler ma cuisse. J'ai dû attendre ma première visite chez lui pour, qu'enfin, Il la pose. Il faisait encore chaud ce jour-là mais pas trop. Assis sur son canapé en cuir, je souriais presque niais d'une délicieuse gêne que j'éprouvais à ce contact qui m'excitait à moitié. J'étais surtout heureux d'être dans son antre. Il portait un jean troué. Il savait que j’abhorrais et se justifiait que ça le rendait supportable en été. Et je le pardonnais volontiers. Mme sentir en infériorité avec mon short et Lui confier une supériorité incontestable avec son pantalon « aéré », me rendait son vêtement au combien appréciable.
Quand ses doigts m'ont effleuré, j'ai bondi pour l'embrasser. Il m'a enlacé. Mes mains se sont agitées en gestes désordonnés dans sa chevelure. Au rebut le dégoût ! Il se mit à pétrir mon postérieur. Mon bas-ventre en vibra. Je me détachai, collant mon front contre le sien, le regard baissé.
— Attends, soufflais-je. Tu vas me trouver zarb' mais, avant, j'aimerais... Comment dire ? Matérialiser cette relation, te montrer ma soumission.
— Tu ne l'as pas déjà fait avec ce petit short ? demanda-t-Il en écartant de son doigt l'ourlet.
Le frôlement contre mon fessier me vrilla. Je retins un feulement de plaisir. Mais il le remarqua et agita son index. Dents serrés, je gloussai aigu et m'agenouillai pour m'asseoir sur ses genoux. Nouvelle manifestation de béatitude que je masquai en posant ma tête sur son épaule. Je pris une grande inspiration avant de reprendre. À cette instant, un ongle glissa sur la plante d'un de mes pieds. Je roulais mon front contre sa clavicule et tendait la jambe. J'arrêtai rapidement mon petit ricanement de plaisir.
— Je voudrais d'abord... dis-je le souffle court et les trémolo dans les tripes. Je voudrais d'abord m'allonger sur tes genoux et que Tu me caresses les cuisses. Fais-moi sentir que je suis à Toi, joue avec ma peau. Et lorsque tu auras envie, tu pourras me chatouiller.
Mon cœur cognait dans ma poitrine et alors qu'une pointe d'angoisse s'enfonçait dans mon ventre. C'était l'instant de vérité, l'ultime verrou qui pouvait ne pas sauter. D'emblée je m'étais positionné de façon à ce que mes fesses soient légèrement surélevée. Je L'ai senti tirer sur mon short pour se ménager un passage vers cette zone sensible qu'il avait titillée. Je ne pus m’empêcher de ricaner en enfonçant ma tête dans l'assise et de secouer mon bassin. Il avait compris, j'étais ravi. Les allers et venues de sa main chaude m'apaisaient. Je me laissais aller à ces douces sensations, battant des jambes avec lenteur ou roulant des hanches ou me tendant avec de petit couinements lorsque ça chatouillait. Je sentais que ça lui faisait de l'effet. Son sexe raide venait parfois frotter quand je m'agitais. Quelques onomatopée trahissait sa délectation devant mes réactions...
Je finis allongé sur le tapis du salon. Il s’étala sur moi, encadrant mon visage de ses deux pieds nus. Le sien surplombait les miens. Il commença à les masser, les caresser avec douceur. Puis je sentis sa langue les titiller, ses dents les mordiller. Son bouc frottait contre ma peau et ajoutaient aux chatouilles. Pendant qu'il me dévorait, prenait possession de son jouet, entre deux ricanements, je scellais ma soumission en embrassant ses petons.
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