À table
Que pouvait-il bien retenir l'attention de toute cette foule ce matin-là?
Tous réunis devant la source, comme s'ils s'étaient donné le mot.
Des visages stupéfaits, un poisson au sol, la peau sur les arêtes.
Soudain, les pas de Dame Requin se faisaient entendre.
Pour rien au monde, elle ne raterait un tel spectacle.
Elle s'approcha de la foule qui s'écartait à son passage.
Lança un regard vers Simcha, puis se retourna.
Un pas, un second, et une voix s'éleva:
- « Qu'on trouve un autre poisson qui peut voir la source, et qu'il prenne sa place.
Que tout le monde regagne son poste. »
D'un pas de chef, tous filèrent.
Laissant là l'objet de leurs commérages.
Bientôt tombé dans l'oubli.
Un seul resta.
Celui qui observait tout. Mais dont la voix ne faisait jamais écho.
Le poisson-lune... Certains laissaient ébruiter qu'avec son intelligence, il comprenait la langue des étoiles et pouvait se faire l'égal des astres.
Ce jour-là, il parla : « Simcha, suis-moi. »
Le regard désespéré de Simcha, traduisant: « Comment pourrais-je vous suivre dans mon état. »
Le poisson-lune, le comprit.
Alors il lui dît:
- « Il te suffit de vouloir et tu pourras. »
Le poisson-lune observa autour de lui, il vit qu'ils étaient seuls.
Il parla à la source :
- « Ma belle, tu sais donner de l'or alors donne aussi la vie. »
Après ces paroles, l'eau de la source changea d'aspect. Encore plus d'éclat, encore plus de pureté.
Ce poisson en fit boire à Simcha qui retrouva vivacité. Les deux parcoururent leurs chemins, comme si de rien n'était.
Ils arrivèrent à un lieu lointain des eaux scintillantes.
Pas un mot, juste la paix qui émanait d'un silence immaculé.
Simcha, prit un grand bol d'air et brisa ce calme :
- « Tout ce que je voulais c'était aider.
Porter vos fardeaux, pour que vous puissiez apprécier cette vie.
Alors je vous ai donné ce que j'avais.
Pour mieux ôter ce qui vous ralentissait.
Mais vous vous savez tout prendre sans penser à celui qui donne.
Vous tirez jusqu'à la dernière goutte.
Et quand je me dis : « ça y'est, ils en ont pour leur compte. Je les ai bien nourris.
Maintenant ils sont rassasiés, je pourrais me reposer ».
La voici cette main géante, orientée vers moi.
Elle ouvre sa paume et me dit: « donne-nous encore ».
Y'a-t-il un mal à donner?
Moi qui voulais juste apporter un peu de joie à ce monde.
Je pensais en moi, si je supporte leurs fardeaux, assurément ils iraient mieux.
Assurément ils connaitront le goût de vivre.
Hélas! »
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