Chap. 5

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Vincent

Mardi 08 juillet 2015, 8 h 50, Entreprise Michelet

A son bureau, Vincent Michelet trépignait d’impatience. Derrière lui le soleil et le ciel étaient radieux, c’était un appel aux vacances et à la paresse, mais pas pour lui. Non seulement il avait des rendez-vous pour toute la journée mais surtout le premier, qu’il attendait toujours, allait lui faire perdre un temps considérable.

En effet, une formatrice informatique n’allait normalement plus tarder d’arriver afin de lui enseigner les nouvelles fonctionnalités de son logiciel de gestion. Pour poireauter encore un peu il entreprit de consulter ses mails.

La femme n’était pas en retard puisque leur rendez-vous était fixé à neuf heures, mais resté là, assis sur son siège à ne rien faire l’énervait. Il n’envisageait pas de faire tourner sa société de cette manière, et si elle s’avérait être finalement en retard, il lui faudrait travailler dans l’urgence toute la journée pour rattraper le temps perdu.

En songeant à ce désagrément, ses yeux tombèrent sur la photo de son épouse décédée.

Amandine… Sa douce et merveilleuse Amandine avec qui il a vécu dix-sept années d’amour infini. Vincent l’a aimé à la folie depuis le premier jour.

Son amour de jeunesse, celle qui a fait de lui un homme heureux. Celle pour qui il a tout donné, tout bravé. Celle qui a fait de lui l’homme qu’il est devenu aujourd’hui, qui par sa confiance, son amour et sa détermination l’a poussé vers la réussite. Sans son soutien, il n’aurait jamais entrepris de devenir dirigeant d’une entreprise de transports. Commercial certainement mais rien d’autre. Quand il y pense cette réussite c’est avant tout celle de sa femme, pas la sienne. C’est elle qui devrait être à sa place et lui dans l’ombre.

Dix-sept ans de joie, de fou rire, de partage, de bonheur, de complicité et d’amour sincère. Toute une partie de vie balayée d’un claquement de doigt, en une seconde, par la venue d’un invité indésirable et affreux : le cancer. Sa merveilleuse épouse en était atteinte. Logé au niveau du sein, la maladie rongea à petit feu la femme de sa vie. Malgré les médicaments, le courage, la lutte, la chimiothérapie, les paroles douces et réconfortantes de son mari, son épouse décéda deux ans plus tard. La maladie n’a pas été diagnostiquée à temps d’après les médecins.

Depuis ce jour Vincent n’était plus que l’ombre de lui-même. Son domicile lui rappelait sans cesse sa femme Amandine. Il était le premier à se moquer d’elle lorsqu’elle chantait du Céline Dion ou dansait sur du Charles Aznavour, l’odeur des draps imprégnés de son parfum, la cafetière toujours allumée parce qu’Amandine ne prenait jamais le temps de l’éteindre, les coups de pied donnés à Vincent quand il ronflait trop fort… tous ces détails de la vie qui paraissent anodins mais qui, sans l’être aimés, se révèlent tellement précieux.

Cinq ans de célibat désiré. Le cœur fermé, il refusait d’aimer à nouveau. Personne ne remplace LA femme de sa vie. Pour garder la tête hors de l’eau et ne pas sombrer dans la dépression, Vincent passait ses journées à travailler sans relâche.

Une voix inconnue l’interrompit dans ses pensées. Vincent leva la tête et vit une femme souriante, en tailleur rose, à la porte de son bureau. Il s’approcha d’elle pour l’accueillir. La clarté du jour se posa dans le regard bleu de la formatrice, sur son sourire d’ange. Il en fut troublé… Il balbutia son nom et l’invita à entrer. Etrangement Vincent se sentit penaud, comme lorsqu’il était adolescent. Son cœur palpita de manière irrégulière. Pour la première fois depuis cinq ans, Vincent sourit. Pas un sourire de façade pour être agréable, mais un vrai sourire, honnête et mélodieux. La vue de cette inconnue réveillait en lui des sens endormis depuis fort longtemps. A cet instant son âme reprit vie et il eut l’impression que son cœur, protégé par l’immense mur construit au fil de toutes ces années, perdit quelques pierres. Complètement perdu par la réaction inopinée de son corps, Vincent, dérouté, laissa la jeune femme se présenter à lui sous le doux prénom de Judith.

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