1. Tom
1
Tom
Lundi 7 mars 2016, 21 h, au bureau de la société Michelet Transport
Plongés dans la pénombre, l’ambulance laisse ses phares jaunes éclairer la zone de stationnement de l’entreprise. Le lieutenant Tom Roche, appelé sur les lieux pour une affaire de meurtre, se hâte de rejoindre son collègue Andy, déjà présent. Ils observent les deux secouristes en uniforme bleu marine, prêt à monter avec précaution le brancard dans leur véhicule. Tom regarde la femme à la chevelure rousse sur la civière. Il aperçoit un hématome sur son visage et une blessure au front.
— Voici madame Claire Delorme, 36 ans, toujours inconsciente depuis notre arrivée. Annonce Andy. La victime se trouve à l’intérieur, au premier étage.
Les deux compères grimpent les quelques marches qui mènent au hall d’accueil vide. Les lumières crues font mal aux yeux quelques secondes. Andy profite de l’occasion pour expliquer à Tom son avancée sur l’enquête.
— J’ai commencé par l’interrogatoire de madame Ingrid Iriez, 40 ans, femme de ménage. Elle travaille depuis 10 ans pour monsieur Michelet. Ce matin, lors de son intervention, elle a oublié de reprendre un de ses effets personnels. Madame Iriez est revenue vers 19 h 15, comme convenu par téléphone avec monsieur Michelet pour récupérer ses affaires. Souhaitant saluer la victime, elle s’est rendue à son bureau et a vu les corps.
Ils se réjouissent de pouvoir monter librement à l’étage, les scellés seront bientôt mis en place. Le binôme s’arrête sur le seuil, afin de ne pas contaminer la scène de crime avant l’arrivée des scientifiques, mais aussi pour ne pas gêner le médecin légiste dans son travail. Depuis sa position, Tom scrute la pièce. Il observe, face à lui, les trois armoires blanches de rangement. Deux d’entre elles restent classiques avec les portes fermées. Par contre, la troisième montre une différence. L’espace du haut désigne une vitrine en verre dont l’extérieur de la façade est éclaté en mille morceaux sur le sol. La première rangée expose des tasses et gourdes à l’effigie de la société. Rien ne parait déplacé. La seconde propose plusieurs poids lourds miniatures dont quelques-uns sont couchés. Tom, trop en retrait, ne peut apercevoir le dernier niveau. À sa droite se trouvent un bureau avec les deux chaises réservées à la clientèle, dont l’une est renversée. Il voit également que la pièce possède une fenêtre sans ouverture depuis l’intérieur. Pas de tapis. Au mur, un tableau : trois camions de différentes tailles sont dessinés. Andy reprend sa narration.
— Voici monsieur Vincent Michelet, propriétaire et dirigeant de cette société de transport Michelet Transports. La cinquantaine, veuf.
Accroupi près du corps, surchaussures aux pieds, le médecin Paul Bertrand, âgé de 48 ans, regarde d’un œil méticuleux le crâne de la dépouille.
— Salut ! Tom… Andy… Je dirais que la victime est décédée vers dix-neuf heures.
— Salut ! Paul, c’est tout frais, on a de la chance.
L’allure ventripotente, le docteur se relève avec difficulté, fait attention aux éclats de verre, et arrive à la hauteur de l’inspecteur :
— À première vue, le cerveau de cet homme présente une fracture de l’occiput. Mais ce n’est pas la cause du mort. Celle-ci est due à de multiples coups assénés avec violence sur le crâne certainement par arme blanche à l’aide d’un objet contondant. Lourd éventuellement. Les plaies apparaissent profondes. En tenant compte de la quantité de sang que je peux voir, l’hypothèse de déplacement du cadavre est à écarter. Je t’en dirais plus après l’autopsie. Je vais fumer et je reviens pour qu’on transporte la dépouille à la morgue. À vous de jouer maintenant.
Les enquêteurs attendent le départ de Paul pour pénétrer dans la pièce. Andy reste près de la porte et tente de trouver le mobile. De son côté, Tom met ses gants en latex puis commence la fouille en faisant attention à la présence du corps, allongé sur le dos, ce qui ne facilite pas ses déplacements. Il inspecte le contenu des placards, des casiers et tiroirs du bureau. Cependant, une question importante le taraude.
Que faisait cette femme sur les lieux ?
L’entreprise ferme à dix-huit heures à la clientèle, comme l’indique le panneau d’affichage sur la porte d’entrée.
— Manque-t-il quelque chose ? s’interroge Andy.
— A priori non. Tout est bien rangé partout. Le matériel le plus coûteux comme l’ordinateur, la tour ou encore le téléphone de la victime paraissent en parfait état.
Tom revient sur ses pas pour regarder de plus près la vitrine. Plusieurs éclats de verre traînent au milieu de celle-ci. Il peut désormais apercevoir les derniers éléments exposés : des médailles posées à plat sur l’étagère.
Sûrement des récompenses professionnelles.
Tom fait quelques enjambées supplémentaires. À proximité du corps se trouve un livre épais. Il se baisse à nouveau, feuillète le catalogue sur les produits cosmétiques.
— Peut-être que ce livre appartient à madame Delorme. Suggère Andy.
– Sans doute. On manque d’information. Demain matin, on commencera par l’enquête de voisinage de la société.
Andy, content de lui, répond un grand sourire aux lèvres :
— Alors, figure-toi qu’en t’attendant tout à l’heure, je me suis renseigné. C’est une zone industrielle. Une seule entreprise prospère encore à ce jour, cependant, c’est un salon de coiffure fermé le lundi.
— Je devrais arriver en retard plus souvent, le taquine Tom. Très beau travail. Dans ce cas, nous rendrons visite à madame Delorme, si son état le permet.
— Je rectifie… TU iras ! Avec Alice, nous avons rendez-vous pour une échographie.
– Sans problème. Occupe-toi de ta femme et ton bébé. J’ai hâte de rencontrer madame Delorme.
Annotations
Versions