Simone et ses bandes à varices

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Occasionnellement, j'interviens auprès des résidents de notre maison de retraite. La plupart du temps pour trouver des financements d'appareils auditifs hors de prix ou de prothèses dentaires coûteuses... pire que des objets de luxe !

Simone, c'est différent. Elle demande à voir son fils en prison. Je sais qu'il a tué sa compagne chez Simone et qu'elle a intégré notre établissement à cette occasion. Les démarches auprès du juge d'instruction sont longues mais je parviens à obtenir un droit de visite à Simone, ainsi qu'une autorisation pour l'accompagner.

* 1er parloir : des femmes en majorité, des enfants, des gros sacs. Mécanique bien huilée pour les habitués, laisser les sacs et cabas aux surveillants, se délester de sa ceinture, ses clefs, ses bijoux, passer sous le portique de détection. Le temps de parloir est compté et chacun se presse devant la grille d'accès au parloir qui ne sera pas ouverte avant le passage du dernier visiteur sous le détecteur.

J'aide Simone aux gestes lents. Elle a du mal à lâcher son sac. Un brouhaha réprobateur s'élève déjà derrière nous. Le portique sonne lors de son passage et un surveillant la pousse sur le côté. J'ai oublié d'enlever un collier. Deuxième passage, deuxième sonnerie. Les visiteurs s'agitent, s'agacent. Je ne vois pas pourquoi Simone fait sonner le portique... à part peut-être la série d'épingles de sûreté qui maintiennent ses bandes de contention autour de ses jambes. Le surveillant hausse les épaules. Le parloir aurait dû commencer depuis 5 minutes, pas le temps de nous attendre.

Nous restons toutes les deux en plan tandis que les autres visiteurs s'éloignent en nous maudissant.

Simone ne comprend pas. Je regarde ses foutus bas à varices.

* 2e parloir : j'ai checké Simone avant de partir et nous franchissons le portique de détection sans encombre. Je découvre la Maison d'Arrêt, dédale de noirceur, de couloirs, de grilles, de grincements. Je sens Simone complètement larguée. Je ne suis pas beaucoup mieux.

En tant qu'accompagnante, je dois rester avec Simone, face à son fils. J'essaie de me mettre un peu en retrait mais le box est minuscule. Il ne me regarde pas. Il fixe sa mère sans rien dire.

- Pourquoi t'as tué Josiane avec mon couteau à viande ?

Je ne sais pas trop quoi faire. C'est à la fois drôle et sordide. Simone se tourne vers moi : " c'est vrai, il a pris mon couteau pour tuer Josiane... ça se fait pas ça... j'aimais bien Josiane moi."

Comme tout le monde reste silencieux, je propose de partir au bout d'un moment.

Dans la voiture, Simone n'arrête pas de parler. La dispute dans la cuisine, son fils qui était saoul, les coups avec le couteau qui séchait sur l'évier, Josiane qui s'écroule. Et puis la virée en voiture ensuite, avec son fils et Josiane à l'arrière " qui parlait pas". Le reste devient flou, elle évoque les quais de Seine, puis la forêt. J'ai l'impression d'un papotage insignifiant, très décalé.

J'ignore si Simone avait tout son discernement avant cette histoire. Elle insiste sur l'usage de SON couteau à viande qui lui semble l'élément le plus choquant de l'affaire.

- C'était éprouvant cette visite, comment vous sentez-vous Madame L. ?

- Ca va... Heureusement que je n'avais pas mis mes bandes à varices aujourd'hui hein ?

Elle sourit en regardant ses jambes.

- De toutes les façons, c'est vraiment moche.

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