CHAPITRE 6

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La femme fond en larmes et tombe à genoux. Maurice, le torse bombé et la mine triomphante, la pointe du bout de sa canne.

  • Regardez qui j’ai trouvé, cachée sous un bureau ! Solène, notre cuisinière adorée ! Ah, gast, elle savait qu’on était en danger et allait nous laisser dans les bras de l’Ankoù sans lever le petit doigt !

Le chignon défait, la blouse de travers, Solène pleure. Le caméraman zoome sur la petite flaque qui se forme sur le linoléum, puis sur les coulées de maquillage qui se mêlent à ses larmes.

  • Je… suis vraiment… désolée, sanglote-t-elle. J’ai eu peur, j’ai paniqué.

Maryvonne s’avance et aide la cuisinière à se relever, les yeux furieux rivés sur Maurice.

  • Tu n’as pas honte de la malmener ainsi ? Après ce qu’elle a enduré ?
  • Quoi, qu’est-ce qu’elle a enduré ? demande Maurice en ouvrant de grands yeux surpris.
  • L’homme qu’on a retrouvé, aux Glénan… c’était son frère ! Solène est endeuillée, c’est normal qu’elle soit dans tous ses états !

La révélation secoue l’assemblée, mis à part Sherlock qui approuve lentement de la tête.

  • Je… je ne savais pas… bredouille Maurice.
  • Pour savoir, il faut s’intéresser aux gens. Ça n'a pas l’air d’être ton fort, Maurice.

Un voile passe sur le visage du vieillard, qui demande soudain :

  • Au fait, où est Georgette ?
  • Elle dort comme une pierre, répond Gwenaëlle. Son état est stable.
  • Bien, intervient Sherlock, tranchant. Il est temps de faire le point. Tout est allé très vite, et nous avons besoin de comprendre ce qu’il se passe réellement. Asseyons-nous et réfléchissons ensemble.

Sherlock tire une chaise, s’assied et invite les autres à faire de même. Le groupe s’installe en cercle, certains semblent soulagés par ce moment de calme improvisé. Gwenaëlle, elle, se réjouit : enfin un instant où chacun pourrait donner son avis, sans cris, sans précipitation.

— Je vais commencer, propose Sherlock, mains jointes. Ce que nous avons ici, c'est un groupe de goélands venus du large, particulièrement agressifs. D’habitude, ces oiseaux se contentent de voler de la nourriture ou de piller des restes. Ils n’attaquent jamais les humains directement. Alors, qu’est-ce qui a bien pu se passer pour qu’ils deviennent si dangereux ?

Maurice hoche la tête, un sourire en coin.

  • Peut-être qu’ils étaient affamés ? propose Maurice. Moi, quand j’ai faim, je peux me montrer un peu… à cran. Je pourrais tuer pour un kouign amann ou un bon far breton, aux pruneaux, hmmm !

Gwenaëlle, saisit l’occasion de donner son avis :

— Exactement ! Et c’est parce que l’homme les prive de leurs ressources. On épuise les océans pour se gaver de poissons, et ils en ont assez. C’est la nature qui se rebelle ! Ces oiseaux savent que nous sommes une menace pour la planète, alors ils ont décidé de riposter. C’est une réaction logique à notre comportement destructeur !

Sherlock plisse les yeux, songeur.

— Peut-être… Mais pourquoi maintenant ? Les goélands vivaient en symbiose avec les pêcheurs, ils suivaient leurs bateaux pour récupérer les restes. Il doit y avoir un autre facteur déclencheur.

— Le réchauffement climatique, peut-être ?

  • Je ne suis pas convaincu, c’est trop soudain, répond Sherlock.
  • Vous pensez ce que vous voulez, réplique Gwenaëlle, mais c’est un signal. Ce n’est que le début. D’autres animaux vont rejoindre le mouvement. Nous avons provoqué un soulèvement, une révolution. Le règne de l’homme est terminé. Et franchement, c’est peut-être mieux comme ça.

— Ma fille, intervient son père en secouant la tête, tu sais bien que les goélands ne sont pas des végétariens. Ce sont des carnivores, comme nous. C’est juste une question de compétition pour la nourriture. La nature est sauvage, et on l’a oubliée. Nous sommes devenus trop doux avec les animaux. On doit se battre pour reprendre notre place au sommet de la chaîne alimentaire, sinon, ce sont eux qui vont nous bouffer !

  • Papa !

— Oeil pour œil, dent pour dent, ma fille ! Si on ne se défend pas, on est foutus.

Solène, encore tremblante, tente de rompre la tension en annonçant d’une voix basse :

— Je vais préparer à manger… C’est l’heure du souper.

— Et celle du JT, ajoute Léna. Mon patron vient de me contacter. Il est possible qu’on passe en direct. Allumez les télés !

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