2. Rencontre
Le pétrole, ressource destinée à disparaître avec l'épuisement des gisements, déjà avant tout ce merdier. Même après la fin de la civilisation, j'en étais dépendante. Sauf que maintenant, tout ce qui restait se trouvait dans les stations ou dans les réservoirs des voitures abandonnées. Plus personne ne l'extrayait du sol. A quoi bon ? D'ailleurs, qui le ferait ?
La station la plus proche de l'hôtel où j'avais passé la nuit était à peine à 2 kilomètres, distance que j'ai parcourue au ralenti, slalomant entre les véhicules sans propriétaires, laissés pour compte sur le bord de la chaussée. Parfois, je voyais du sang sur les pare-brises ou les portières mais c'était tout. La ville était vide. Je progressai sans bruit pour ne pas alerter les éventuels cadavres sur pattes qui pourraient traîner dans le coin. J'arrivai enfin. Je fis rapidement le plein de mon réservoir et des bidons vides que je stockais sur le sol devant la banquette arrière. Je soupirai et me dirigeai vers la sortie de cette ville devenue fantôme. Voir tous ces gratte-ciels vides et ces rues chargées de véhicules vides me mettait mal à l'aise. Cela faisait un mois que les premiers zombies étaient apparus et je n'avais pas croisé de survivants depuis plus de trois semaines. Avaient-ils tous été mangés ? Étais-je la seule qui restait dans la région ?
Il faut avoir un minimum de tripes pour tuer quelqu'un et dans ces circonstances, avec des gens à moitié décomposés, cela avait dû en paralyser certains mais aujourd'hui, être paralysé de peur face à eux signifiait être leur déjeuner. Personnellement, m'assurer qu'un mort reste mort ne me dérangeait pas. Avant on m'aurait traitée de personne froide et sans états d'âme mais aujourd'hui, c'est un atout selon moi. Si jamais j'étais infectée avant d'avoir pu accomplir ma mission, je me suiciderais pendant mes derniers moments de lucidité ; plutôt m'ôter la vie que de devenir comme eux. J'allumai un instant mon GPS avant de vérifier ma position et le ré-éteignis aussitôt, je devais économiser la batterie. Je me dirigeai vers les petites routes, l'autoroute du coin était inaccessible avec toutes ces voitures vides. Autant éviter les bouchons et les rencontres.
Route monotone. Mêmes paysages vides. Encore et encore. Après un tournant, je vis une silhouette au bord de la route, marchant d'un pas traînant. En voilà un. Puisqu'il était en dehors de la route, je n'allais pas pouvoir le renverser pour le renvoyer dans l'autre monde. Je l'avais déjà fait, la couche de sang séché sur le pare-chocs de mon 4x4 en témoignait. Quand je me fus assez rapprochée pour être entendue, la silhouette se retourna et agita les bras. Elle courut vers la voiture. Étrange, les zombies ne courraient pas comme ça. Je ralentis assez pour que la forme se rapproche. Par sécurité, je pris dans ma main droite mon pistolet. C'était en fait un adolescent. Il se rapprocha encore et alla à la fenêtre conducteur. J'abaissai la vitre et remarquai alors que c'était une fille. Elle devait avoir environ quatorze ou quinze ans. Elle était dans un état épouvantable, si elle ne s'était pas rapprochée on aurait pu la prendre pour un revenant. Elle eut un faible sourire en me voyant.
— S'il vous plaît... dit-elle d'une voix suppliante. Il y en a dans le coin... J'ai peur...
Je la fixai, le regard dur, me demandant ce que j'allais faire si je la ramassais. Elle dut comprendre car elle se mit à pleurer.
— S'il vous plaît ! Je m'appelle Shirahoshi Wood-Tekkai. Et...
— T'as été mordue ? demandai-je d'une voix glaciale.
— N...non.
— Griffée ?
Je l'inspectai d'un regard perçant. Elle secoua la tête. Je ne pouvais quand même pas la laisser là, qu'aurait-elle pensé de moi si j'abandonnais une gosse sur le bord de la route avec des gobeurs de cerveaux dans les environs ?
— Monte. dis-je simplement avant de refermer la vitre.
Je rangeais mon pistolet dans son étui et soupirai. Elle grimpa dans la voiture à ce moment-là.
— Je...euh...merci madame. dit-elle timidement.
— Tu as de la famille dans le coin ? dis-je, pressée de me débarrasser d'elle.
Oups, mon ton rude la fit pleurer. Ces trois semaines sans voir un humain m'avait vraiment refroidie.
— On est arrivés dans cette ville hier mais... je...s...suis la seule à m'en être sortie... Je me suis cachée. J'ai erré le long de la route et vous m'avez trouvée madame.
— Désolée gamine. T'as mangé depuis ?
— J'ai volé ... des sandwiches, madame.
Elle ouvrit son sac à dos. Il y en avait bien une quinzaine.
— T'es débrouillarde, c'est bien. Et arrête avec le madame, j'ai l'impression d'être ma mère, j'ai que vingt deux ans.
— Comment je dois t'appeler alors ? (je notai le « tu ». j'espère qu'elle n'allait pas me prendre pour sa grande sœur ou un truc du genre.)
— Shagya.
— C'est pas un nom ça !
— Je suppose que je vais devoir t'emmener, dis-je sans relever, je vais vers le sud. Dors, tu as l'air d'en avoir besoin.
Elle sanglota encore un peu puis s'endormit. J'ai une compagne maintenant, tout ce que j'espérais, c'est qu'elle n'allait pas me ralentir.
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