La base Kerwood s'étendait devant nous. Hautement protégée par des palissades doublées de fils barbelés, la sécurité de ces murs était rassurante. Un double portail formait un sas d'entrée. Shirahoshi se chargea d'ouvrir la première porte et la referma après que la voiture fut passée.

L'endroit semblait désert. Je roulai au pas, cherchant d'éventuels indices d'une clôture endommagée mais je ne vis rien de notre côté. La jeune fille scrutait par la fenêtre en quête de toute trace d'un être humain bien vivant. Je me garai non loin de l'entrée et nous nous armâmes sans un mot.

Cet endroit qui avait l'air si sécurisé était tellement silencieux que cela en devenait perturbant. Shirahoshi me désigna d'un signe de tête les bâtiments à une dizaine de mètres. Le premier était une petite construction, probablement un poste de contrôle quelconque pour les nouveaux arrivants dans la base. Nous nous rapprochâmes en étant toujours sur nos gardes. Un panneau d'affichage avec un plan de la zone se trouvait près du poste de contrôle. J'allai jeter un coup d'œil rapide à l'intérieur mais il n'y avait rien d'intéressant. La base était plus petite que ce que je pensais.

Derrière le poste de contrôle, il y avait un bâtiment administratif. Les chambres des militaires basés à plein temps étaient dans le même bâtiment qu'une cantine collective et une salle de sport. Une armurerie et un terrain d'entraînement étaient placés à l'opposé. Enfin, il y avait plusieurs entrepôts au fond du complexe.

— A ton avis, où ... commença la jeune fille.
— Le grand bâtiment avec les chambres et la cantine, la coupai-je, sachant pertinemment ce qu'elle allait me demander.

C'était forcément là qu'il fallait chercher en premier pour retrouver une personne se cachant du monde extérieur. Elle avait accès à de la nourriture et un endroit confortable pour dormir sans avoir à mettre le pied dehors. Bien que la base ait l'air sécurisée, je ne serais rassurée qu'en ayant mes yeux sur elle. Je partis d'un pas hâtif vers le bâtiment en question, Shirahoshi sur mes talons. A peine avait-on dépassé la cabane de contrôle que la jeune fille m'arrêta :

— Shagya-san, retourne-toi.

J'allais lui dire de cesser de m'importuner tous les cinq minutes quand je vis ce qu'elle me désignait. Quelqu'un avait peint sur le mur arrière de la cabane « sHagya » ainsi qu'une flèche pointant vers le lieu dont je m'approchais. Voir ce « h » majuscule ne m'avait jamais fait autant de bien de toute ma vie. Un sourire s'épanouit sur mon visage et je me remis à marcher.

— Pourquoi ton nom est écrit comme ça ? demanda Shirahoshi.
— Elle me fait comprendre qu'elle est là.

La jeune fille se gratta la tête et la secoua.

— Je ne vois pas comment.
— Shagya est un pseudonyme que l'on utilise toutes les deux. On l'a créé avec 3 lettres de chacun de nos prénoms. Le « s » fait partie de mon nom, donc je suis Shagya et le « h » du sien alors elle écrit « sHagya ».
— Ah d'accord...

Elle resta sans rien dire pendant moins de dix secondes avant de reprendre :

— Mais... elle s'appelle comment du coup ?

Cette fille ne pouvait décidément pas rester silencieuse quand elle avait quelque chose en tête.

— Parce que je ne peux pas l'appeler comme toi. Il n'y a aucune différence dans vos pseudos à l'oral.

— Gretha.

Elle allait parler mais je lui fis signe de se taire car nous avions atteint le bâtiment tant recherché. Je tournai la poignée de la porte d'entrée, elle n'était pas verrouillée. Je poussai la porte et jetai un coup d'œil à l'intérieur. Un petit couloir débouchait sur un sas dans lequel on pouvait apercevoir d'autres portes. J'examinai l'entrée avant de sourire. Un fil quasi transparent était tendu devant la porte et retenait suspendues des boîtes de conserves. Elle s'était fabriqué une sonnette d'alarme la maligne. Je chuchotai à Shirahoshi d'y faire attention et rentrai à l'intérieur en l'enjambant.