Elle était toujours inconsciente. Les heures avaient passé et la nuit commençait à tomber. L'atmosphère se rafraîchissait dans le hangar au plafond troué. Shirahoshi avait préparé à manger et l'avait apporté pour que nous puissions nous remplir un peu l'estomac. Je lâchai à contrecœur la main de Gretha pour prendre l'assiette que la jeune fille me tendait. Nous dînâmes à même le sol, assises toutes les deux en tailleur.

— J'ai surveillé les alentours cet après-midi après... l'explosion, dit-elle pour rompre le silence.

— Tu as vu quelque chose ?

— J'ai emprunté tes jumelles et je suis montée sur le toit du dortoir. On a une sacrée vue de là-haut. Je pensais qu'avec cet énorme bruit, ça allait attirer les zombies du coin par ici mais je n'ai rien vu.

— C'est bizarre. Vu le peu de bâtiments qu'il y a sur la base, le son s'est probablement propagé dans toutes les directions.

À peine avais-je prononcé ces paroles qu'un grognement se fit entendre. Je posai mon assiette et repris la main de ma sœur.

— Tu m'entends ? Serre mes doigts.

Je sentis ses doigts bouger avant de serrer faiblement ma main. Un sourire de soulagement s'étala sur mon visage. Gretha remua légèrement puis ouvrit les yeux avec peine.

— Salut, belle endormie ! Ne bouge pas trop, tu as pris un bon coup sur la tête.

Shirahoshi se pencha vers moi pour me tendre un gobelet en plastique avec de l'eau. Je l'aidai à se redresser avant de lui presser le verre contre les lèvres pour la faire boire un peu. Elle but quelques gorgées et me sourit faiblement.

— Salut, belle ... réveillée. Et ...jeune inconnue, fit-elle en posant le regard sur Shirahoshi.

— Je te présente Shirahoshi, elle était perdue sur la route alors je l'ai emmenée avec moi.

La jeune fille nous fit un sourire.

— Ravie de te rencontrer Gretha-san ! J'ai l'impression de voir double ! dit-elle en rigolant un peu.

— Enchantée. Dites-moi, qu'est ce qui sent bon comme ça ? demanda t-elle en reniflant.

J'attrapai mon assiette et la partageai avec Gretha pour qu'elle puisse se reconstituer quelques forces. Elle n'avait pas mangé depuis de longues heures et devait manquer d'énergie. Une fois le repas terminé, son visage semblait avoir repris un peu de couleurs. Elle insista même pour s'asseoir toute seule. Je lui déposai la couverture sur les épaules pour ne pas qu'elle prenne froid.

Je l'examinai pendant que Shirahoshi lui racontait le bout de chemin qu'on avait fait ensemble depuis notre rencontre. Ses cheveux noirs étaient plus longs que les miens, il lui arrivaient un peu plus bas qu'à l'épaule. Elle avait de la saleté sur le visage mais ses traits étaient toujours aussi souriants. Un regard pétillant était revenu dans ses yeux noisette.

— Alors, raconte-nous. C'est quoi ce truc ? lui demandai-je en désignant la machine.

— Ah ça... C'est un prototype de l'armée. Je l'ai trouvé quand je suis arrivée ici. Apparemment il était en transit par cette base. Ils devaient l'envoyer à un avant-poste au Moyen-Orient. C'est une machine qui permettrait de transformer le sable en terre.

Nos yeux s'arrondirent à cette annonce. C'était trop beau pour être vrai. C'était précisément la réponse aux problèmes des terres désertiques qui empêchaient dorénavant l'agriculture.

— Sérieux ? C'est possible ça ? s'exclama Shirahoshi.

— J'ai farfouillé dans les comptes-rendus de recherches associés à la machine. C'est plein de formules chimiques compliquées mais ça pourrait marcher. J'ai tenté de la faire fonctionner mais elle s'est arrêtée en plein milieu du processus. Je me suis coupée hier en l'ouvrant pour accéder aux mécanismes internes. Et aujourd'hui, eh bien... Mes bidouillages ont fait boum. J'espère que c'est réparable.

Je jetai un coup d'œil à la machine. La force de l'explosion avait tout de même été suffisante pour souffler les tôles du toit.

— On verra ça demain. Il est temps qu'on se repose toutes. Je prends le premier tour de garde.