21. Tiroir

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Cela faisait maintenant presque une semaine que Shirahoshi et moi étions arrivées. Nous vivions sur les larges réserves de la base, elles étaient suffisantes pour nous nourrir pendant quelques mois sans problème. Mais elles ne dureraient pas pour toujours. Nos vies allaient dépendre de nos trouvailles et de cette machine futuriste. Et l'eau. L'eau allait être aussi un gros problème. Les rivières croisées durant mon voyage avaient été vaporisées durant la désertification. J'avais entraperçu l'océan près de Seattle au départ de mon périple, il était toujours là, quoique le niveau semblait avoir diminué, mais il fallait trouver un moyen de le dessaler massivement. Pas moyen de compter sur la pluie, pas une seule goutte d'eau n'était tombée du ciel depuis le début de tout ça.

Mais tout pouvait changer car la machine fonctionnait. Je n'en revenais pas quand nous l'avions testée. J'avais simplement changé la pièce endommagée et vérifié sur les schémas trouvés dans les dossiers TS-28/2 que tout était bien à sa place. On avait juste décidé de la tester, on ne s'attendait à rien de particulier. Shirahoshi avait ramené un seau plein de sable et on l'avait versé dedans. Gretha avait allumé l'appareil qui fit un ronflement satisfaisant. Une fumée grisâtre s'était échappée de la cheminée détruite et les filles avaient une petite lueur d'espoir dans les yeux.

« C'est déjà ça » avais-je pensé.

Car la dernière fois que la machine avait été mise en marche, elle avait soufflé un bout du toit du hangar. Le seau se remplit peu à peu devant nous. Une fois terminé, Gretha avait éteint la machine et tendu une main tremblante vers le contenu du seau. Elle avait chuchoté quelque chose que je n'avais pas compris. Shirahoshi s'était avancée à son tour et avait examiné le résultat de l'expérimentation.

— Ça marche ! Je n'ai jamais été aussi contente de voir de la terre !

Elles s'étaient tournées vers moi tout sourire avant de se tomber dans les bras en riant. Mais avec juste de la terre nous n'allions pas aller loin. Ce qui me ramenait à mes divagations actuelles sur l'eau.

J'étais dans le bâtiment administratif à fouiller les différents bureaux. Les dossiers confidentiels de cette base n'avaient plus de secrets pour moi mais ces informations n'avaient plus d'importance aujourd'hui. J'étais assise derrière ce qui avait été le bureau d'une secrétaire. Une photo encadrée trônait sur le bureau, une femme rousse était devant un lac avec un gamin tout aussi roux. Je pris le cadre et les contemplai un moment. Je me demandais où ils étaient aujourd'hui. Je ne voyais pas de mari sur les photos, il tenait sans doute l'appareil. Était-il un militaire ? J'espérais qu'il avait pu mettre sa famille à l'abri, qu'il les protégeait quand tout ce bordel était arrivé. Qui aurait pris soin de sa famille si cet homme faisait partie des commandos de soldats envoyés à l'encontre des zombies et qui avaient perdu ?

Je reposai le cadre à sa place et ouvris les tiroirs du bureau en commençant par le bas. Ce n'était encore que de la paperasse administrative sans réel intérêt pour moi. Le tiroir du haut contenait des stylos de rechange, des post-its, une boîte de trombones et des enveloppes. Une carte d'anniversaire trônait au dessus de la pile. Je la pris, c'était une carte bien kitch avec des ballons multicolores et un message joyeux.

Je l'ouvris et une brochure glissa sur le bureau. « 11 ans ! Tu es un petit homme maintenant Carter ! Papa et moi allons t'emmener là où tu voulais pour ton anniversaire !! Gros bisous, Maman » Pauvre famille, ils semblaient avoir tout prévu mais leur petite visite d'anniversaire ne s'était jamais produite. Cela me rappela toutes les sorties que nous avions faites en famille quand nous étions enfants.

Un léger sourire flotta sur mon visage quand j'y repensais. Je pris la brochure pour la replacer dans la carte d'anniversaire. C'était une publicité pour les Craighead Caverns dans le Tennessee. Il y avait la peinture d'un lac dans l'obscurité sur le devant de la brochure. Pourquoi un gamin voudrait aller voir un pauvre lac au fond du Tennessee ? Il avait déjà été voir la région des Grands Lacs selon la photo posée sur le bureau. J'ouvris le dépliant et commençai à lire le texte explicatif.

Les Craighead Caverns étaient situées près de Sweetwater, ville connue pour ses espaces verdoyants, ses rivières et ses cascades. J'eus un rictus en imaginant le paysage désolé que devait avoir la région aujourd'hui. Aux pieds des Great Smoky Mountains, le site fut découvert en 1905 et classé parc national depuis 1974. Aussi appelé « La Mer Perdue », ces cavernes abritaient le deuxième plus grand lac souterrain d'eau douce au monde. Je manquai de m'étrangler avec ma salive. J'agrippai tellement la brochure que les jointures de mes doigts devinrent banches.

— Gretha ! Shirahoshi ! criai-je en me levant du bureau.

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