35. Mort imminente
Toujours par terre, je serrai aussi G dans mes bras. Entendre à nouveau mon véritable prénom après tout ce temps me donna une impression étrange. J'avais utilisé notre pseudo commun depuis le début de mon voyage pour me sentir plus proche de ma sœur mais ce n'était plus utile maintenant. Nous étions ensemble. Ce fut sans trop de regrets que je relevai en tant que Sylvia Altman. Shirahoshi et Max vinrent m'accueillir presque tout aussi chaleureusement. Le regard de G s'attarda sur mon cou, je lui fis signe que je lui en parlerai plus tard. Nous avions des choses plus urgentes à régler.
— Jared ?
— Ça n'a pas été facile mais on l'a eu, grimaça Max en soulevant sa casquette pour montrer un hématome qui commençait à se former sur sa tempe gauche. Sa lèvre était également fendue.
Je hochai la tête en guise de remerciements. Nous avions décidé une semaine avant qu'au moindre comportement suspect du banquier, nous l'arrêterions. Nous rechignions tout de même à exécuter un être humain. Même si ce dernier n'avait pas hésité à s'en prendre à nous. Après tout, cela voudrait dire que nous n'étions pas mieux que lui si on le faisait. Je m'arrêtai un moment dans l'ancienne boutique de souvenirs qui était devenue notre chambre collective. Je pris la clé dans ma poche pour ouvrir l'armoire contenant nos armes. Je recomptai rapidement les munitions et remplis mon chargeur avant de refermer soigneusement le coffre. Je discutai avec les autres ; suite à mon abandon dans la ruelle, ils avaient attendu que la horde me suive avant de passer sur le toit de l'immeuble voisin pour redescendre.
Revenus à la base et avec le butin, il avait fallu les efforts conjugués de Shirahoshi, Max et Gretha pour se saisir de Jared. Il s'était fortement débattu comme le prouvait le visage du plombier. Finalement immobilisé et désarmé, ils lui avaient attaché les mains et les pieds avant de l'enfermer dans un placard de la billetterie, transformée en réserve de nourriture et autres outils. Nous allions l'exiler. Il avait dépassé les bornes et si jamais il revenait, je n'avais pas l'intention de l'accueillir. Je me dirigeai vers le placard les autres sur mes talons. Max sortit une clé pour déverrouiller la porte et Jared apparût devant nous. Un masque de rage non contenue prit place sur son visage quand il me vit. Ses mains, attachées sur sa poitrine, tressaillirent. Je fis un grand sourire et m'avançai vers lui. Il n'était pas bâillonné et m'adressa un regard mauvais.
— Toi ! cracha l'homme.
— Je suis plus difficile que ça à tuer, répliquai-je.
Il m'envoya quelques insultes et autres provocations auxquelles je ne perdis pas de temps à répondre. G et les autres se tenaient légèrement en retrait derrière moi, avec un sac à dos à leurs pieds.
— Nous t'avons préparé quelques affaires. Saches que si ça ne tenait qu'à moi, tu serais mort ou parti avec uniquement les vêtements que tu as sur le dos.
— Comme c'est gentil de la part de tes domestiques, ma jolie, fit-il, cinglant.
— La ferme ! m'énervai-je.
Je fis un pas vers lui et rentrai dans le placard. Je menaçai de lui asséner un coup de poing mais je me ravisai au dernier moment. Il ricana. Ses mains bougèrent un peu malgré ses liens, ce détail m'étonna. Il n'aurait pas dû être capable de faire ce mouvement avec ses poignets entravés. Le temps que mon cerveau analyse cette information, je fus jetée au sol violemment.
L'ancien prisonnier s'était détaché en rongeant la ficelle qui l'empêchait de bouger et il avait maintenu l'illusion d'être toujours entravé en tenant les bouts de corde. J'eus une demi seconde de regret, si je l'avais frappé il aurait été projeté sur le côté et ce serait sûrement retenu par réflexe. Le souffle coupé je tentai de rouler sur le côté pour me dégager. Jared m'écrasa de tout son poids pour m'immobiliser. Assis à califourchon sur moi, il tendit ses bras et enserrait ma gorge pour m'étrangler. Je gesticulai, griffai ses bras et son cou, tentai de lui donner des coups de pieds. Ses doigts serraient de plus en plus ma gorge, l'air devenait rare. Une tâche noire obscurcit ma vision. C'était comme ça que j'allais mourir finalement ?
Et soudain l'air emplit mes poumons. Ma poitrine me brûla à cause de l'apport soudain d'oxygène. Jared venait d'être frappé et tiré loin de moi par Max. Shirahoshi avait disparu et G cherchait une arme du regard. Je toussai violemment. Les deux hommes luttaient à quelques mètres. Je tâchai de reprendre mon souffle quand Jared entra à nouveau dans mon champ de vision. Plus loin, Max, prostré à genoux, un masque de souffrance indescriptible peint sur le visage. Vu la manière dont il se tenait, il était évident qu'il avait reçu un coup puissant dans l'entrejambe.
Je tentai de m'éloigner en rampant, trop étourdie de me mouvoir correctement. G tenta de s'interposer mais la rage confiait à l'homme une force immense et elle n'était pas taillée pour le combat au corps à corps. Il la repoussa violemment contre un mur. Jared revint vers moi et m'attrapa. Il m'asséna un coup de poing en plein visage qui m'étourdit. Sonnée, je n'étais plus capable de lutter quand il recommença à m'étrangler. La tache noire réapparût rapidement dans ma vision.
Alors que j'étais sur le point de m'évanouir, un cri lointain me parvint et du coin de l'œil, je vis la stupéfaction se peindre sur le visage de l'homme. Du sang jaillit de sa bouche et s'écrasa sur mon visage alors qu'il penchait la tête pour regarder le sabre qui dépassait de sa poitrine.
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