36. Thérapie

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Complètement sonnée, je restais bouche bée devant Jared. J'eus à peine le temps de ramper sur le côté que mon agresseur s'effondra, face contre terre. La lame toujours plantée dans la poitrine, il ne bougeait plus. Shirahoshi tituba en arrière avant de s'écrouler sur le sol les yeux écarquillés. Gretha s'approcha de moi pour vérifier que j'allais bien, je tâchai surtout de reprendre mon souffle mais j'étais en un seul morceau. Max bougea précautionneusement vers son ancien compagnon et lui tâta la gorge fébrilement.

— Il est mort, déclara t-il, blême.

— Qu'ai-je fait ? murmura la jeune fille. Je...je voulais juste qu'il te lâche !

Je me relevai péniblement avec l'aide de ma sœur et m'approchai doucement de l'adolescente.

— Il allait me tuer. Il y était presque parvenu cette fois. Je jurerai avoir aperçu mes parents dans une lumière blanche. Tu as fait ce qu'il fallait.

Elle resta sans bouger, tétanisée, le regard fixé sur l'arme qui sortait du dos de Jared. Sans lui laisser le temps de réfléchir plus longtemps, je la pris dans mes bras et lui cachai le visage contre ma poitrine. G vint nous entourer aussi et lui murmura des paroles réconfortantes à l'oreille pendant que Max extrayait le sabre du corps avec un affreux bruit de succion. La jeune fille n'avait rien entendu et G continuait de lui parler et l'emmena hors de la pièce. Max essuya la lame et nous nous traînâmes à notre tour à l'extérieur. Nous avions tous été blessés d'une manière ou d'une autre. Hébétés, nous restâmes tous devant le bâtiment, les yeux dans le vague.

— Tu n'avais pas le choix. Il ne t'a pas laissé avoir le choix, déclara Gretha d'une voix sourde. Nous étions tous satisfaits de ce que nous faisions mais pas lui. Il n'arrêtait pas de se rebeller. Il nous affaiblissait en faisant des conneries à intervalles réguliers pour que Sylvia continue ses surveillances nocturnes. Il la maintenait épuisée pour mieux nous attaquer. Si j'avais eu une arme dans la main, c'est moi qui l'aurait fait, conclut-elle durement.

Personne ne releva l'utilisation de mon prénom à la place du pseudo sous lequel je m'étais toujours présentée. Nous réfléchîmes tous silencieusement, chacun fouillant ses souvenirs. La fois où Jared traînait près des grilles avant qu'une section ne soit découpée, la fois où de la nourriture avait disparu, la fois où il avait été surpris en train d'essayer de forcer le cadenas de l'armurerie. Il y avait aussi notre bagarre quand nous avions été à la recherche des matelas qui avait failli attirer une horde sur nous. Et bien sûr, sa traîtrise la plus flagrante lors de notre raid à la jardinerie hier.

— Mais je... par derrière...

— Ce que tu as fait n'était pas facile. Pas du tout. Ne rien ressentir ferait de toi un monstre, ce que tu n'es pas Shi, dit Max en posant sa main sur l'épaule de la jeune fille.

— Vous avez tous fait ce qu'il fallait hier pour l'arrêter alors que vous ignoriez si j'étais toujours en vie. Et aujourd'hui, vous l'avez refait. Toutes vos actions étaient pour protéger cette famille, soufflai-je. Car c'est ce que nous sommes tous les quatre.

La jeune fille me regarda les yeux brillants de larmes. Depuis la mort de ses parents, juste avant que je la trouve, elle n'avait jamais espéré pouvoir survivre sans eux. Elle s'était attachée à moi et avait exacerbé mon tempérament protecteur à tel point que je considérais aussi comme ma sœur. Puis Max était arrivé et s'était intégré à notre trio féminin assez facilement. C'était juste le genre d'homme contre qui on ne pouvait pas se mettre en colère. Contrairement à son compagnon d'infortune. Je jetai un coup d'œil au corps toujours allongé au milieu de la pièce. Avec une chaleur pareille, l'odeur de la mort allait bientôt envahir le lieu.

— On devrait faire quelque chose. L'enterrer ou l'incinérer, déclarai-je.

— Ouais. Gretha, emmène Shirahoshi ailleurs. Elle n'a pas besoin de voir ça.

Elles partirent bras dessus, bras dessous vers l'ancienne boutique de souvenirs, à présent notre dortoir. Max et moi échangeâmes à voix basse sur la meilleure façon de procéder. L'environnement sablonneux rendait difficile le creusage d'une tombe correcte et nous n'appréciions pas suffisamment le défunt pour prendre cette peine.

Nous tirâmes le corps jusqu'à un coin isolé, près des grillages. Véritable poids mort, Jared arrivait encore à nous faire chier, même après son trépas. Max alla chercher un petit bidon d'essence et aspergea légèrement le corps, on n'allait tout de même pas gaspiller trop de carburant. Je craquai une allumette et nous regardâmes les flammes dévorer peu à peu le corps de celui qui avait voulu notre perte.

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