38. Larmes
Gretha refusa catégoriquement cette idée, se leva et quitta la pièce en claquant la porte. Je fronçai les sourcils et me levai d'un bond à mon tour, prête à m'élancer à sa suite.
— Laisse-la se calmer un peu. Tu viens de lui dire que tu avais essayé de te suicider et l'instant d'après, tu émets l'idée de repartir, me raisonna Max.
Shirahoshi inclina vivement la tête en signe d'approbation. Mais eux n'avaient pas rejeté d'emblée l'idée de s'aventurer du côté d'Atlanta. Je souris faiblement et suivis Max et Shirahoshi dehors. La fin d'après-midi apportait une légère baisse de la chaleur ambiante. Je décidai que reprendre notre travail me changerait les idées et permettrait de laisser du temps à G pour réfléchir.
Nous nous approchâmes de notre parcelle labourée et entreprîmes de mélanger le fertilisant rapporté de la jardinerie avec notre terre. Cela donnerait des minéraux et autres fortifiants au sable nouvellement transformé, vu que nous ignorions si le changement rendait également la terre fertile. Shirahoshi et moi ouvrions le sac et répandions son contenu tandis que Max retournait le tout avec une pelle pour bien répartir l'engrais. Je le relayai quand je vis qu'il suait à grosses gouttes ; il fallait retourner la terre jusqu'à un mètre cinquante de profondeur. La nuit commença à tomber quand nous nous arrêtâmes, après avoir mélangé le huitième sac dans la fosse. Gretha n'était toujours pas revenue. Je me décidai à partir à sa recherche et lui parler.
J'allai au premier étage de la billetterie puisque c'était là qu'elle passait quasiment tout son temps. Le grand bureau administratif était devenu son quartier général. De grands panneaux couverts de formules chimiques étaient appuyés contre le mur du fond. Un autre était découpé en plusieurs sections : certitudes, hypothèses de travail et résultats rejetés. L'ensemble était incompréhensible pour moi. Mais tout ceci avait une importance capitale : découvrir comment le catalyseur qui changeait le sable en terre était fabriqué et s'il était possible de le répliquer. De nombreuses feuilles de papier couvertes d'une écriture serrée et d'équations s'étalaient sur le bureau. Gretha était penchée dessus et ne m'avait pas entendue entrer.
— Je peux te parler ?
Elle releva la tête et m'envoya un regard noir avant de recommencer à s'intéresser à ce qu'elle avait sous les yeux. Mais je voyais bien qu'elle était troublée et n'arrivait pas à se concentrer.
— On devrait...
— Après tout ce qui s'est passé avec Jared, après tout le temps où on était séparées, tu veux me quitter ? me coupa G avec un sanglot dans la voix.
— Tu...
— Je croyais que tu étais sensée me protéger ! reprit-elle. Rester avec moi ! Tu avais promis ! se lamenta ma sœur.
— Je peux en placer une ?! Bien sûr que je ne veux pas te quitter et c'est pour te protéger que je fais ça ! Imagine qu'on trouve un vaccin, tu serais enfin à l'abri d'eux.
Je m'étais approchée d'elle pendant que je parlais et m'étais assise contre le bureau en essayant de ne pas trop éparpiller ce qui se trouvait dessus. Je la regardai droit dans les yeux.
— Je le sais bien en plus... mais je ne veux pas que tu meures, pleura-t-elle.
Je la pris maladroitement dans mes bras et lui caressai les cheveux pendant qu'elle laissait ses émotions s'échapper. Après un petit moment, elle se calma et me repoussa doucement.
— Tu comptes y aller quand même n'est-ce pas ?
Je souris d'un air penaud, sachant qu'elle m'avait percée à jour. J'avais en effet pris ma décision : il fallait tenter le coup. Je pris ma sœur par le bras en lui disant que c'était l'heure d'aller manger un morceau et nous allâmes en direction de la cantine. Nous y retrouvâmes Shirahoshi et Max qui avaient préparé le repas. Il n'était pas difficile d'interpréter leurs regards vers nous : ils se demandaient si on avait réussi à se mettre d'accord. Nous hochâmes la tête simultanément, ça devait faire bizarre pour les autres de voir des jumelles les mêmes actions. Tous se tournèrent alors vers moi pour savoir ce que j'avais décidé de faire. J'avais longtemps réfléchi à la possibilité de partir seule mais ayant vu la réaction de G plus tôt, elle s'inquiéterait trop pour moi si je le ferais.
— Je vais partir pour Atlanta avec Shirahoshi. On a une bonne dynamique toutes les deux. Max, tu vas rester ici pour protéger le complexe et aider G si besoin dans ses recherches.
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