47. Désillusion

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Pete retira vivement son bras une fois la griffure faite. Du sang perla de la plaie et tomba sur le sol carrelé blanc de la pièce. Le zombie fut déchaîné par l'odeur du sang frais, il continuait de plus belle à se débattre dans tous les sens en émettant des bruits horribles. Pete recula jusqu'à revenir en face de moi et me fixa à travers la vitre. Je ne savais pas quoi dire. Je fus surprise d'entendre une prière parmi les chuchotements de Gretha, elle qui ne croyait qu'en la science.

— Combien de temps ? demanda à nouveau Pete en fixant son bras.
— Difficile à dire, les premiers symptômes de la contamination apparaissent en moins de quatre heures. Mais avec le sérum, cela pourrait varier, répondit la femme scientifique.
— Nous allons faire des simulations au labo, déclara un autre avant de s'éloigner avec le chef.

Il ne restait plus que la femme scientifique et le plus jeune du quatuor. Celui qui regardait le zombie avec des yeux d'envie, probablement celui qui leur parlait aussi. Quel pauvre type. Je soupirai. S'il les aimait tant que ça, il aurait dû entrer dans cette salle cet enfoiré.

Je continuai à tripoter mon étui vide en faisant les cent pas devant cette maudite cellule vitrée. G resta proche afin de pouvoir parler à Pete. Les deux scientifiques se tenaient légèrement en retrait, discutant à voix basse. Je fis semblant de me gratter le mollet pour vérifier que mon couteau caché dans ma botte était toujours facilement accessible. Ils ne l'avait pas vu à l'entrée et c'était tant mieux. Ces cachotteries des scientifiques n'auguraient rien de bon. En cas de dérapage, je pourrais nous dégager une sortie facilement. Quoique vu la stature des deux scientifiques, un coup de poing bien placé les étourdiraient probablement. De longues minutes passèrent alors que j'étudiais les chercheurs et les alentours.

— Vous vous êtes mis à faire la toupie ou c'est moi qui ... ?
— Pete ? l'interrogea G.
— Oh... fit-il en plaçant une main contre sa tempe.
— Pete ! nous-nous écriâmes de concert.
— J'ai un mal de crâne atroce. C'est normal docteurs... ? Et ma vue... se trouble...

Quand il redressa la tête vers la vitre, G hoqueta et se recula vivement. Pete pleurait du sang. A grosses gouttes. Il essuya ses yeux et regarda sa main avec consternation, se demandant comment son sang était arrivé là. Les scientifiques se rapprochèrent de la vitre et posèrent plein de questions. Vu le ton employé et leurs têtes, ce n'était pas normal du tout.

— J'ai... comme un bourdonnement dans les oreilles. Et ... on dirait que ma tête va exploser ! Ça fait mal putain ! Comme si j'entendais mon propre sang circuler dans mon corps...


Pete faisait les cent pas dans le minuscule espace où il avait accès et se tenait la tête. Je l'examinai. Sa blessure était déjà devenue noire. La griffure était couverte d'une croûte nécrosée. Chaque battement de cœur faisait s'étendre la peau gangrenée. Vu le rythme de progression, cela n'allait pas être très long. Je regardai l'horloge sur le mur, cela faisait largement moins d'une heure. Leur sérum était un échec total, il avait même accéléré la transformation. Pete était en train de mourir. Non, pire.

— Je crois que... ça ne marchera pas... balbutia Pete qui était arrivé à la même conclusion.
— C'est raté ! Vous l'avez tué ! crachai-je en direction des scientifiques.
— - Altman, m'appela Pete. S'il te plaît.

Je fermai les yeux, sachant très bien ce qu'il allait demander. Une larme solitaire coula sur ma joue. Ca me tuait intérieurement mais je ne pouvais pas lui refuser ça. G nous dévisageait tour à tour, son visage devenant de plus en plus blanc à chaque seconde. Elle eut un hoquet de stupeur quand elle comprit enfin ce que Pete allait me demander.

— Sylvia, ne me laisse pas devenir ... ça, fit-il en montrant le zombie attaché au mur.
— Ouvrez, ordonnai-je à la femme.
— Mais... Ce n'était pas... Nous pensions que...
— Vous n'allez quand même pas refuser à cet homme son dernier vœu ?! Regardez où votre putain de sérum nous a amenés !

Je sortis le couteau de ma botte et menaçai la femme pour qu'elle se bouge un peu. Vu la vitesse de propagation accélérée à cause de leur sérum, le temps était clairement compté. Elle prit peur à la vue de la lame et s'empressa d'obtempérer. Elle pianota sur un panneau de commande et la paroi vitrée s'écarta pour que je puisse entrer dans la pièce.

Pete était maintenant au sol, je m'agenouillai à côté de lui. Il avait le visage couvert de sang à cause des débordements provenant de ses yeux, ses narines, ses oreilles. Même ses gencives n'étaient pas épargnées et du sang s'écoulait de sa bouche à chaque plainte de douleur. G se cacha les yeux. Il me murmura quelques mots indistincts, je ne pus que le serrer fort contre moi, les mots perdus dans ma gorge. Il prit ma main et la pressa. Je lus dans son regard qu'il était prêt. Il fallait faire vite. La zone nécrosée s'étalait sur son épaule et se rapprochait dangereusement de son cou.

J'avalai difficilement ma salive, mes doigts crispés sur le manche de la dague. Il pressa à nouveau ma main et ferma les yeux ; je débranchai mon cerveau et, mue uniquement par un instinct primal, je plantai la lame dans son cœur.

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