50. Carnage
Et je savais précisément où aller, c'était là que nous avions mis le moins de pièges, là où n'avions pas encore nettoyé la ville en profondeur. C'était donc le meilleur endroit où me rendre. Je me remis sur mes pieds et me dirigeai vers l'autre extrémité de la ville d'un pas traînant. De loin on aurait sans doute pu me confondre avec l'un d'entre eux.
Après un moment, je quittai l'artère principale pour prendre des routes plus étroites où je savais que se trouvaient plusieurs de nos pièges. Je vis plusieurs zombies embrochés sur des pieux qui bloquaient la voie. J'en pris un qui dépassait d'une voiture et m'en servis comme d'un harpon pour éliminer les revenants coincés. Avec leurs bras tendus et leurs grognements indéfinissables, ils ressemblaient bien trop au zombie qui avait eu Pete. Je jetai le pieu ensanglanté au sol près des corps et continua à avancer sans un regard en arrière.
J'essuyai vaguement le sang que j'avais sur le visage et poursuivis mon tour dans les différentes ruelles des quartiers nord. Je semai derrière moi une trace de corps sans vie. Ce n'était pas comme s'ils étaient vraiment vivants de toute façon. Les corps plus ou moins décomposés, étendus sur le sol et des projections de sang un peu partout. Un vrai carnage. Depuis mes cris de tout à l'heure, j'étais tombée sur une quinzaine d'entre eux mais je n'en avais toujours pas assez. J'étais trop enragée pour m'arrêter maintenant. Il fallait encore que je continue pour espérer calmer mes nerfs. En aurais-je jamais assez ? Je chassai cette question de mon esprit. Ce qui m'importait pour le moment était d'en achever le plus possible. Il me fallait une sorte de revanche pour ce qu'il s'était passé.
Je décidai de rentrer dans les bâtiments pour essayer de voir s'il en avait quelques uns piégés à l'intérieur. Je n'en trouvais aucun. Je passai plus de vingt minutes à fouiller les logements alentours sans succès. Je tapai dans un mur avec mon poing déjà ensanglanté et saccageai totalement le salon de l'appartement dans lequel je me trouvais. Découragée et toujours aussi en colère, je revins d'un pas rageur dans la rue principale. Je regardai tout autour de moi, rien en vue. Je grommelai, marmonnai des injures à qui voulait bien les entendre et commençai à me demander ce que j'allais bien pouvoir faire. Sur un coup de tête, je pris mon pistolet et tirai deux balles en l'air. Même si les munitions se faisaient rares dans le monde actuel, je m'en fichais. La colère m'avait emmenée plus loin que je l'avais imaginé. Au moins s'il en avait dans le coin, ils ne tarderaient pas à arriver. Comme précédemment, je rangeai mon arme et pris ma dague. Elle était couverte de sang séché. Et mon poing avait du mal à arrêter de saigner à cause du mouvement quasi constant de mes jointures. Mon dernier coup quelques instants auparavant n'avait pas aidé non plus.
Soudain, j'en vis approcher. Une dizaine. J'eus un sourire carnassier, tel un animal sauvage devant sa future proie. Je me dirigeai vers eux en faisant tourner la lame dans ma main. Ils arrivaient au compte-goutte ; j'eus alors un soupir devant l'absence de challenge qu'ils représentaient. Je les tuai les uns après les autres, laissant un nouvel empilement de cadavres au milieu de la rue. J'allais changer d'endroit quand je sentis quelque chose agripper ma jambe. Merde j'en avais raté un !
J'étais sur le point de lui mettre un coup de pied lorsqu'il me tira. Cela me déséquilibra et je tombai à côté de lui. Ma dague me glissa des doigts et s'arrêta sur le sol à environ un mètre de moi. Je récoltai une belle griffure tout le long du bras gauche alors que je luttai pour l'empêcher de me mordre au cou. Tout ce poids mort était oppressant alors que nous luttions sur le sol. Il avait sa main décharnée profondément agrippée autour de mon poignet. Sa mâchoire était bien trop proche de mon visage. Je pouvais presque compter le nombre de dents qu'il lui restait. L'odeur était infecte aussi. Je luttai avec lui, me décalant, centimètre par centimètre, pour me rapprocher de son arme.
Enfin, je pus l'attraper et le poignarder en pleine poitrine. Cela n'allait pas le tuer bien sûr, mais le choc lui fit tout de même lâcher prise pendant une seconde. Je saisis l'occasion et roulai sur le côté, hors de portée. Je ré-affermis ma prise sur le manche de ma dague et lui plantai enfin dans le crâne, l'empêchant de bouger pour de bon. Il rejoignit alors la pile de corps ensanglantés qui jonchait déjà le sol. Mon cœur battait à toute allure mais pas pour les mêmes raisons. J'avais failli mourir mais je ne m'en sentais que plus vivante. Il fallait que je continue ! Je me relevai et regardai mon bras gauche : trois sillons assez profonds creusaient ma peau. Je haussai les épaules, nullement inquiète, j'étais immunisée après tout.
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