53. Claque
Ce fut long mais un lourd sommeil sans rêves m'enveloppa et je pus finir ma nuit sans nouveau cauchemar. Au matin, je me demandai un moment où je me trouvais avant de me souvenir que je m'étais endormie dans le bureau de Gretha. Je m'étirai, mes os craquant un peu à cause de ma nuit sur le canapé puis je sortis de la pièce.
On était le troisième jour après la mort de Pete. Dehors, rien ne semblait avoir changé. Toujours le même soleil de plomb. Toujours le même air lourd. Et encore et toujours le sable à perte de vue. Mes yeux s'égarèrent un moment sur le lopin de terre que nous avions, dans un coin avec un peu d'ombre. Faible espoir dans ce monde de fous.
Je jetai un coup d'œil aux alentours, j'étais la première à être levée à ce qu'il semblait. Je fis le tour du complexe en réfléchissant. Ma colère était légèrement retombée et je commençais à réaliser que je ne pouvais pas continuer à massacrer des zombies à tour de bras sans considération pour ma propre personne. Les paroles de G sonnèrent comme un écho à mes oreilles et j'entrevis pour la première fois qu'elle avait peut être raison. J'examinai l'entaille que j'avais au bras. Elle ne datait que d'hier mais la longue estafilade n'était déjà plus qu'une croûte de sang séché. Il était impossible de dire que cette blessure provenait d'un des leurs et aurait dû signer mon arrêt de mort.
J'aperçus au loin G et les autres qui émergeaient du dortoir. Ils vaquaient à leurs occupations matinales sans m'avoir vue. Shirahoshi cria quelque chose et les autres la rejoignirent hors de mon champ de vision. Ils se dirigeaient vers l'entrée du complexe.
Qu'est ce qu'il pouvait bien avoir à y voir là-bas ? C'est alors que j'entendis le bruit d'un moteur. Qui ... ? Ah oui. On était le jour où les gars d'Atlanta venaient pour chercher de la terre et nous l'échangeait contre d'autres ressources. Je ne pensais pas qu'ils viendraient en temps et en heure après l'échec du test de leur vaccin. Après Pete. Après tout, il n'était qu'un soldat pour eux. Un homme sans valeur. Il ne comptait sans doute pas.
Je fis demi-tour, je n'avais pas envie de les croiser après ce qu'il s'était passé. J'avais déjà menacé et frappé l'un de leurs plus importants scientifiques, je n'avais pas vraiment envie d'aggraver mon cas. Et j'étais incapable de prédire mes réactions s'ils me faisaient la moindre réflexion. J'étais en train de m'éloigner quand j'entendis des éclats de voix. Ce n'était pas normal. Les échanges se passaient dans le plus grand calme d'ordinaire, avec même parfois un certain esprit de camaraderie.
— Elle est là ! Alpha, saisissez-la. Bêta, sécurisez le périmètre, fit une voix d'homme.
— Quoi ? Qu'est ce que vous faites ?! Lâchez-moi ! cria G.
Mon sang ne fit qu'un tour. Mon cœur rata un battement avant de tambouriner dans ma poitrine.
— Hé toi ! La gamine ! Pas un geste ! s'écria une voix, suivie de près par le clic caractéristique de la sécurité qu'on ôte sur une arme automatique.
— Lâch... fit Max.
Tout s'était passé en quelques secondes, j'émergeai du coin du bâtiment qui me bouchait la vue. Deux voitures étaient là. Une dizaine d'hommes armés étaient déployés. Shirahoshi et Max étaient tenus en joue par trois militaires. Plus loin, deux autres emmenaient G qui se débattait furieusement.
— Hé ! criai-je en déboulant en courant.
Les cinq qui ne faisaient rien de particulier se tournèrent tous vers moi d'un seul coup. Si je faisais un seul mouvement brusque, ils ouvriraient le feu, je le savais. Les cibles, c'était nous. Les deux autres avaient menotté G et l'avaient poussée dans leur camion.
— Bordel, laquelle est la bonne ? marmonna celui qui devait être le chef.
— Celle-là a un regard différent, plus féroce.
— Embarquez-la aussi. On pourra se servir de l'une comme moyen de pression sur l'autre.
Deux gardes vinrent me saisir les bras pour me menotter et prendre mon pistolet. Les autres me maintenaient toujours en joue, pareil pour Shirahoshi et Max. Il n'était pas armé et le sabre de la jeune fille était bien inutile dans cette situation. Un clin d'œil et un léger mouvement de doigts rassurèrent mes compagnons. Shirahoshi hocha la tête, compréhensive mais n'étant toujours pas confiante pour autant. Les gardes m'escortèrent dans le deuxième véhicule et me firent monter sans ménagement sur la banquette arrière. J'ignorai ce qu'ils me voulaient mais ce n'était pas bien parti.
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