Fragile d’apparence, l’esquif se révèle immédiatement bien plus robuste que ce que vous avez initialement pensé. Son mât est souple, sa voile, épaisse. Devant le premier, une assise, mais point de gouvernail. En revanche, un curieux pédalier encadre le siège.

Perplexe, vous vous tournez vers Godalbertus, qui vous rend votre regard.

“C’est vous le navigateur” déclare-t-il, simplement. “Je n’ai fait qu’en réparer les rouages, je vous laisse seul juge de son fonctionnement. Adieu.”

Une courbette et il s’éloigne, vous abandonnant à la solitude du Grand Froid.

Décontenancé, vous regardez autour de vous, tirez sur la voile, cambrez votre corps engourdi. Rien. Enfin, après avoir pesé le pour et le contre, vous appuyez doucement sur la pédale de droooooiiiiite !

L’esquif bondit en avant. Plaqué au dossier, gobant moucherons et ravageant vos rétines, vous sentez l’embarcation vibrer, ainsi propulsée par le feu de Dieu, tout droit sorti de l’orifice qui vous avez vaguement interpellé un peu plus tôt.

Lorsque vous ôtez votre pied du bazar, les vibrations cessent et l’embarcation glisse avec souplesse sur la surface azure. Un regard en arrière vous informe que la côte est déjà loin derrière, immaculée et de nouveau enveloppée d’un nuage blanc, promesse de tempête…

Une tempête…

N’est-ce pas ce qui vous avez conduit ici, finalement ?

Le voile des aurores polaires d’abord, puis… quoi ? (29)