#1 - Juliette
C’est pas ça qu’on appelle une chienne de vie ? L’une de celle où tu te fais planter là, comme un con, ton amour sur un trottoir de banlieue qu’elle te balance à la figure du haut de son deux pièces miteux. Elle a fait passer par-dessus le balconnet mon vieux Levi’s et le sweatshirt qu’elle portait après l’amour, la compil pleine de chansons amoureuses écoutées entre deux tafs de joint – elle a gardé ma beuh par contre – et puis un livre écorné... Elle a jeté tout ça avec mon cœur qui s’est éclaté contre le bitume, millier d’éclats à mes pieds. Chienne de vie. Juliette sur son balcon fume sa clope en me traitant de connard. Toujours aussi belle, Juliette, et ses yeux sombres, et ses cheveux en bataille, et ses lèvres gercées et ses seins pointés sous son débardeur, et ses jambes nues derrière le fer forgé...
Je reçois des cendres dans les cheveux. Et sur la langue ça a le goût de nos baisers. Je récupère ma solitude et me la flanque sous le bras. Je renifle ; je m’essuis dans ma manche, pleure en silence. Je traine les pieds et deux grosses valises sous les yeux, quelques regrets sous la peau. Déjà je la cherche partout, j’ai l’œil qui se balade alors que mes jambes me promènent comme elles veulent. Je regarde. Mais je vois pas. Les rues s’écoulent sur moi. Le soleil me nargue de sa joie de vivre. J’en veux au monde de ne pas partager ma peine, aux oiseaux de continuer de chanter gaiement, aux enfants de rire... A la vie de se poursuivre alors que moi... je suis un con malheureux.
Annotations
Versions