7. Élodie & Cédric : La jeune fille & la mort
1er novembre 1993, cimetière Mermoz, La Baule-Escoublac
Élodie arpente les allées sinuant entre les sépultures en fredonnant le Jesus loves me (1) de Whitney, puis s’immobilise devant la tombe de sa sœur aînée, décédée quatre ans plus tôt des suites d’un accident de voiture. Elle y dépose un bouquet de roses blanches qu’elle arrange dans un vase de marbre rempli d’eau claire tout en poursuivant sa chanson.
— C’est pour toi, ma Jessie…
Une larme roule sur sa joue pendant qu’elle se recueille quelques instants. Ému à mon tour, je prends sa main dans la mienne.
— Je sais que c’est con de penser ça, Cédric, et contradictoire avec ce que je suis en train de faire, seulement, au fond de moi, je trouve tout ce tralala tellement futile et inutile. La tournée des cimetières, je la fais par obligation, mais entre nous, je n’ai pas besoin de toute cette mascarade pour raviver mes souvenirs. Jess est là, dans mon cœur, pour toujours. Je ne l’oublierai jamais. Et venir ou non fleurir sa tombe n’y changera rien.
— Ça fait partie des traditions, Élo, du rituel de la Toussaint pour se donner bonne conscience une fois par an, mais t’as raison, en vrai, ça sert à rien. Parce que les macchabées, ils s’en foutent que tu viennes les célébrer ou pas, ils ne sont plus là de toute façon…
Elle soupire, presque déçue que je confirme cette impression d'inutilité qu'elle ressent dans ces gestes annuels que l'on se contraint tous à faire presque machinalement.
— Moi, je crois quand même qu’il y a quelque chose après la mort, reprend-elle. Pas forcément un paradis ou une réincarnation, mais quelque chose, parce que ça ne peut pas s‘arrêter d’un seul coup comme ça. Sinon la vie n’aurait aucun sens !
— Perso, je ne me fais aucune illusion : tu nais poussière et tu redeviens poussière, un point c’est tout ! Il n’y a rien après. On se raccroche à des croyances pour tenir ou se rassurer, mais en fait, c’est du flan tout ça. Du flan…
***
15 février 2014, à proximité de la plage de La Baule
Adossé contre son monospace, Costa s’allume une clope - empruntée à un quidam -, pensif et esseulé. La première depuis des lustres. Un bref répit émotionnel qui l’isole dans sa bulle, l’éloigne de son équipe et de tout le staff d’enquêteurs qui s’affaire alentour. Comme s’il avait besoin de se retrouver virtuellement en tête à tête avec celle qu’il a tant aimée. Celle à qui il s’adresse à voix haute, sans pouvoir la voir, ni la respirer ni l’entendre.
— Aujourd'hui, Élo, j'aimerais tellement que ce soit différent, que tout soit différent. Que tu vives encore quelque part, conformément à tes espérances, à ta croyance. En moi peut-être...
(1) : Chanson utilisée pour les funérailles de Nicki, la sœur de Rachel Marron (incarnée par Whitney Houston) dans le film Bodyguard (1992).
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