28. L’ombre d’Élodie
— Tu rentres bientôt ? s’impatiente Sarah Costarelli à l’autre bout du fil. Je n’ai pas très envie de rester seule ce soir. Peut-être à cause de ce qui est arrivé à Élodie…
— Je crains que non, lui rétorque le capitaine de police. On vient d’arrêter un suspect des plus sérieux et même si je ne l’interroge pas directement – il sait que j’ai fréquenté Élo dans ma jeunesse -, je risque d’être pas mal mobilisé auprès de mon équipe pour son audition. Tout dépendra de sa coopération avec nos services. Mais je te promets, quand on aura bouclé l’affaire de L’Étrangleur, je lèverai le pied et passerai plus de temps avec Nathan et toi…
— Ça fait des mois que tu me répètes la même chose, Cédric, et je ne vois toujours rien venir !
— Je suis coincé, Sarah, je n’ai pas le choix ! Ce sont les ordres, la hiérarchie…
— Et parce qu’il s’agit d’Élodie aussi…
— Non, tu sais très bien que je ne ferais pas différemment, quelle que soit l’identité de la victime.
— Tu mens, Cédric. Tu ne t’en rends même pas compte tellement elle t’obsède, mais c’est pour elle que tu fais tout ça, que tu t’investis autant. Parce qu’elle a toujours été là, entre nous. Invisible et pourtant si présente. Qu’elle soit vivante ou morte n’y change rien…
— Arrête…
— Putain, mais regarde la vérité en face, Cédric, ce qu’elle a fait de nous ! Vivante ou morte, elle continue d’empoisonner notre couple, comme si elle t’interdisait de m’aimer. Comme si tu ne devais aimer qu’elle, à perpétuité, alors que c’est elle qui t’a plaqué. Elle !
— Arrête, Sarah ! S’il te plaît, arrête de te faire du mal, de la dénigrer, et écoute-moi : c’est avec toi que j’ai construit ma vie, avec toi que je me suis marié, avec toi que j’ai eu Nathan ! Oui, j’ai aimé Élodie, c’est vrai. Sauf que c’était il y a longtemps. Avant toi, avant nous. Et aujourd’hui, c’est toi que j’aime, toi...
***
C’est toi que j’aime, toi…
La déclaration et les promesses de l'OPJ sonnent faux, et c’est pour cette raison que sa femme raccroche sans mot dire. Sarah a raison, Élodie a toujours occupé le cœur et l’esprit de son époux. Insidieusement et sans le vouloir, le fantôme de leur idylle a progressivement rongé les liens sacrés du mariage Costarelli.
Élodie…
Elle a littéralement ensorcelé Cédric, dès leur première rencontre, et ça ne l’a plus jamais quitté depuis. Même s’il a dû apprendre à faire avec son absence.
Aujourd’hui, dans sa vie, il y a Sarah et Nathan, ce fils qu’il espérait tant et dont les dérives adolescentes désarment totalement ses parents. Les sorties nocturnes, l’alcool, les joints ; des drogues plus dures aussi… Sa femme lui dit que ce sont des signaux d’alerte qu’il leur envoie, des appels à l’aide, l’expression d’un profond mal-être, mais Costa ne sait pas être père ni lui parler. A chaque fois qu’il essaie, l’ado se braque ou cherche à le provoquer davantage.
Aurais-je été aussi nul avec notre enfant, Élo ?
La question que se pose Costa est presque existentielle. Parce que, lorsqu’il regarde dans son rétro et tente de faire un bilan de son passé, il ne peut que constater ses échecs.
Un peu comme toi, mon Élo ; c’est en tout cas l’impression que tu me laisses...
C’est pour cela qu’il se réfugie dans son métier de flic, sans toutefois s’y épanouir vraiment. Mais à présent, il a un but. Parce qu’ils l’ont enfin serré, L’Étrangleur !
Oui, on l’a enfin arrêté, ton meurtrier.
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